« La Dame de Pierre », un spectacle en hommage à Notre-Dame et à la mémoire de la France

Dans "La Dame de Pierre", Louis IX prononce son vœu au pied de la cathédrale.
Photo: crédit photo Corentin Stemler
Le spectacle La Dame de Pierre parcourt actuellement les routes de France, rendant hommage à l’un des monuments cultuels les plus emblématiques et les plus visités au monde : Notre-Dame de Paris.
Majestueuse et bienveillante, elle s’élève à nouveau au cœur de la capitale. Pourtant, le 15 avril 2019, ce joyau du patrimoine mondial a bien failli disparaître. Les flammes qui ont ravagé sa charpente et sa flèche ont plongé la planète entière dans la consternation. De Paris à New York, de Bamako à Sydney, d’innombrables voix se sont élevées. Les Parisiens, habitués à vivre à l’ombre de ses deux tours, ont exprimé leur peine, tout comme des Américains, des Africains, des Mexicains, des Australiens… Tous, au-delà des frontières, des ethnies et des religions, ont partagé la même émotion et manifesté leur soutien.
Après le choc est venue l’heure des gestes et des élans : si la reconstruction s’est rapidement imposée comme une priorité, beaucoup ont aussi choisi, à leur façon, d’honorer la cathédrale. La Dame de Pierre s’inscrit dans cet élan, comme une déclaration d’amour et de mémoire à un monument qui appartient à l’humanité tout entière.

Les bâtisseurs de Notre-Dame de Paris. (crédit photo Corentin Stemler)
C’est ainsi qu’est née La Dame de Pierre. Son créateur, Corentin Stemler, jeune réalisateur parisien, a grandi dans l’ombre bienveillante de la cathédrale. Depuis l’enfance, il contemple ses statues de saints, ses gargouilles et ses chimères, familières comme des visages de quartier.
À l’image de Victor Hugo, qui fit renaître l’édifice à travers son roman Notre-Dame de Paris et inspira, au XIXᵉ siècle, la restauration menée par Viollet-le-Duc, ou encore de la jeune enlumineuse Marie Lefèvre, Corentin Stemler a voulu, lui aussi, transformer l’épreuve de l’incendie en un geste d’espoir. De la douleur collective, il a tiré une œuvre qui célèbre la résilience d’un monument et l’attachement universel qu’il suscite.
Du Puy du Fou au Palais des Congrès, un spectacle au visuel saisissant
« J’ai été fasciné par l’émotion que cet événement a suscité, en France comme à l’autre bout du monde », confie Corentin Stemler. « Notre-Dame de Paris était là, au cœur de la capitale, au cœur de la France, comme un symbole. On avait presque le sentiment qu’elle était éternelle, inamovible. Et puis, ce soir-là, tout le monde a pris conscience qu’elle aurait pu disparaître, s’effondrer… et que notre patrimoine est fragile.
Il ne peut perdurer que si l’on en prend soin — pas seulement en l’entretenant matériellement, mais aussi en préservant et en transmettant la connaissance que nous en avons. C’est cette conviction qui m’a poussé à écrire La Dame de Pierre. »
Le scénariste de 28 ans puise une partie de son inspiration dans son passé au Puy du Fou, où il a fait ses débuts comme jeune acteur bénévole. « J’ai vraiment vécu de l’intérieur ce qu’est un grand spectacle, une fresque historique d’ampleur », raconte-t-il. Viennent ensuite les mises en scène grandioses de Robert Hossein, qui l’ont marqué malgré son jeune âge à l’époque, puis l’univers de la comédie musicale, notamment anglo-saxonne, qu’il juge « très inspirant d’un point de vue artistique ».
« C’est un peu toutes ces influences réunies qui m’ont permis de créer La Dame de Pierre. »
Sur scène, l’ampleur est à la mesure du monument qu’elle célèbre : plus de 60 artistes, appuyés par 150 bénévoles, évoluent dans 480 costumes sur mesure, avec 800 accessoires et un décor de plus de 10 mètres de haut, déployé sur 220 mètres carrés. Un dispositif taillé pour restituer la passion et l’émotion qui entourent Notre-Dame de Paris.
Reste à relever un défi colossal : raconter 863 ans d’histoire en une heure trente. « L’idée n’est pas de faire un cours magistral », sourit Corentin Stemler. « On ne peut pas tout raconter, et ce serait indigeste pour le public. J’ai préféré aller chercher, dans l’histoire de ce monument, des moments forts et symboliques, des événements et des figures liés à Notre-Dame, qui parlent à notre imaginaire collectif. »

Victor Hugo, dont le roman Notre-Dame de Paris amènera à la restauration de la cathédrale au XIXe siècle. (crédit photo Corentin Stemler)
Des personnages qui ont façonné l’Histoire
Sur scène, La Dame de Pierre fait revivre des figures majeures de l’histoire de Notre-Dame… et de la France. Maurice de Sully, évêque de Paris et instigateur du chantier de la cathédrale, ouvre le récit. Vient ensuite Louis IX, apportant à Paris la couronne d’épines du Christ et la déposant à Notre-Dame, avant la construction de la Sainte-Chapelle quelques années plus tard.
Les siècles défilent, peuplés de personnages qui ont marqué la mémoire collective : au XIXᵉ siècle, Victor Hugo et son roman Notre-Dame de Paris, les figures fictives de Quasimodo et d’Esmeralda, l’architecte Viollet-le-Duc et son chantier de restauration. Puis Paul Claudel, qui trouva la foi dans la cathédrale, Charles de Gaulle célébrant la Libération de Paris, et enfin, l’histoire récente, avec les pompiers qui sauvèrent l’édifice des flammes en 2019 et le général Georgelin, maître d’œuvre de sa reconstruction.
« Il faut réussir à recréer un univers propre à chaque époque pour capter l’attention du public et la maintenir tout au long du spectacle », souligne Corentin Stemler.
Le scénariste a également tenu à rendre hommage à tous ces anonymes qui, au fil des siècles, ont franchi le parvis de Notre-Dame : fidèles, pèlerins, touristes… « Tout le monde est attiré par cette cathédrale ! » s’émerveille-t-il.
À l’image du monument, La Dame de Pierre a joué un rôle de catalyseur, réunissant autour d’elle une multitude de talents venus lui rendre hommage. Acteurs, costumiers, musiciens, preneurs de son… tous ont offert leurs compétences bénévolement.
Le financement du projet, lui, repose sur un système original de crowdlending : « Il s’agit d’une plateforme qui rassemble des investisseurs chrétiens souhaitant mettre leur épargne au service de projets porteurs de sens », explique Corentin Stemler. Près de 500.000 euros ont ainsi été réunis, permettant au spectacle de partir en tournée à travers la France.

L’incendie de Notre-Dame maîtrisé par les sapeurs-pompiers de Paris. (crédit photo Corentin Stemler)
Un parrainage inattendu : les sapeurs-pompiers de Paris
Depuis sa création, La Dame de Pierre bénéficie d’un soutien aussi symbolique qu’émouvant : celui de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. « Ils nous ont prêté du matériel pour reconstituer la scène de l’incendie de Notre-Dame », explique Corentin Stemler. Pas de véritables flammes ni d’eau sur scène, mais de vraies lances et des costumes authentiques, tous prêtés par la brigade.
Pour les pompiers, parrainer ce projet porté par de jeunes artistes, c’était l’occasion de transmettre leur identité et de faire connaître leur métier. Pour le scénariste, c’était un geste essentiel : « Je voulais leur rendre hommage. Dans le spectacle, on raconte ce moment, pendant l’incendie, où la cathédrale aurait pu s’effondrer. Les pompiers sont remontés sur les tours, au péril de leur vie, pour éteindre le feu qui commençait à gagner. Associer la brigade à ce projet était une évidence. »

Ora et Labora. (crédit photo Corentin Stemler)
Une tournée à travers toute la France
Depuis 2023, La Dame de Pierre a foulé les scènes les plus prestigieuses de l’Hexagone, du Palais des Congrès de Paris à l’Arkéa Arena de Bordeaux, en passant par Lyon, Montpellier ou Metz.
Dans le public, toutes les générations se côtoient. « On voit beaucoup de familles, avec des enfants de dix ans comme de jeunes adultes de 20 ou 25 ans », observe Corentin Stemler. « Certaines viennent simplement pour passer un bon moment, mais il y a aussi cette envie de transmettre aux générations suivantes l’héritage culturel, historique et artistique que représente un tel monument. »
Au-delà de la prouesse technique et artistique, La Dame de Pierre se veut un pont entre les siècles, une passerelle entre mémoire et modernité. En retraçant l’histoire de Notre-Dame, le spectacle invite à s’interroger sur ce que nous choisissons de préserver et de transmettre.
Car si la pierre s’érode et que les flammes peuvent menacer, la passion et la mémoire, elles, demeurent. Et c’est peut-être là, dans cette émotion partagée entre artistes et spectateurs, que réside la véritable force de La Dame de Pierre : rappeler que le patrimoine n’appartient pas seulement au passé, mais qu’il est vivant, et qu’il nous appartient de le faire vivre encore.

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