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La Chine inaugure une route maritime arctique vers l’Europe, sur fond de fermeture de la frontière polonaise

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Un brise-glace dans l’Arctique, dans une photo d’archives non datée. (iStock Photo)

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Durée de lecture: 8 Min.

Le régime communiste chinois a inauguré mardi une route maritime arctique reliant l’Europe, selon la presse officielle citée le 22 septembre, relançant l’attention internationale sur ses ambitions de « Route de la Soie polaire ».
La société de fret Sea Legend a expédié son premier navire, l’Istanbul Bridge, via la Route maritime du Nord arctique (RMN), du port de Ningbo Zhoushan, dans la province du Zhejiang, jusqu’au port britannique de Felixstowe, selon l’agence officielle Xinhua.
Les analystes jugent que cette voie revêt une importance stratégique bien supérieure à son intérêt commercial, au service de l’expansion géopolitique du régime dans l’Arctique.
Le lancement de l’« Arctic Express Chine-Europe » intervient alors que la fermeture temporaire de la frontière terrestre entre la Pologne et la Biélorussie, du 12 au 25 septembre, a provoqué la désorganisation du China-Europe Railway Express — un canal logistique stratégique entre la Chine et l’Union européenne — suspendant la quasi-totalité du fret ferroviaire.
Ce nouvel itinéraire arctique devrait durer environ 18 jours à l’aller, soit nettement moins que le train de fret Chine-Europe (environ 25 jours), la route du canal de Suez (environ 40 jours) ou celle du Cap de Bonne-Espérance (près de 50 jours), selon Xinhua.
Le Global Times, autre organe officiel chinois, a également publié un éditorial affirmant qu’il s’agit de « bien plus qu’une simple route maritime ».
L’article compare l’« ouverture d’une route maritime nordique à travers l’océan Arctique » à celles du canal de Panama et du canal de Suez. Il détaille les ambitions de long terme du régime chinois dans l’Arctique, tout en critiquant les nations étrangères qui traitent la région « comme leur ‘arrière-cour’, rivalisant pour les ressources énergétiques et renforçant leurs déploiements militaires ».
L’éditorial revient sur la stratégie d’expansion politique et économique du régime dans la zone. Le projet de « Route de la Soie polaire », promu pour la première fois en 2017 par le dirigeant communiste Xi Jinping, se concrétise désormais avec l’ouverture de l’Arctic Express Chine-Europe.
La Route de la Soie polaire représente une extension et une composante essentielle de la vaste initiative chinoise des « Nouvelles Routes de la Soie » (BRI).
La BRI, initialement « La Ceinture et la Route », est un projet global de politique étrangère lancé par le Parti communiste en 2013. Il vise à recréer les anciennes routes terrestres et maritimes de la soie, connectant l’Asie, l’Europe et l’Afrique au XXIe siècle. Cette initiative injecte des financements chinois dans de nombreux projets coûteux dans plus de 60 pays participants. Elle est critiquée pour ses pièges d’endettement et pour sa finalité d’étendre l’influence politique chinoise.
Une troisième voie, la Route de la Soie polaire, a été officiellement introduite en 2018 dans le cadre de la BRI. Elle ambitionne le développement des routes maritimes arctiques, notamment la Route maritime du Nord, et les investissements dans les infrastructures sur son corridor.
Double vocation
La stratégie BRI de la Chine vise à étendre son influence géopolitique tant par la terre que par la mer, en parallèle à l’expansion des routes de commerce et de transport, explique Shen Ming-shih, chercheur à l’Institut taïwanais de recherche sur la défense nationale, cité par Epoch Times.
L’Arctic Express Chine-Europe, développement majeur de la Route de la Soie polaire, remplit en réalité deux fonctions : le commerce économique et l’expansion géostratégique et navale, précise M. Shen.
« En plus de transporter des marchandises vers l’Europe via la voie relativement courte de l’océan Arctique, la Chine peut également déployer sa marine dans la région et même projeter des forces à longue distance de l’Arctique vers l’Atlantique », détaille-t-il.
« Cela aura un impact considérable sur les activités futures dans l’Atlantique, sur la côte est des États-Unis », ajoute-t-il, rappelant que « c’est la principale raison pour laquelle Trump accorde une grande importance au Groenland ».

Un navire de la Marine royale danoise se prépare à accoster à Nuuk, Groenland, le 4 mai 2025. (John Fredricks/Epoch Times)

C’est ainsi que le Global Times affirme que la Route arctique ne se limite pas à une simple voie de transport, note M. Shen.
« Pour la Russie ou les États-Unis, l’expansion de l’influence du PCC par la route arctique affectera inévitablement la sécurité géostratégique et la puissance maritime dans la région », ajoute-t-il. « Cela ne doit pas être sous-estimé ».
Sur le plan géopolitique, l’Arctique regorge de ressources naturelles ; à mesure que la glace fond, la capacité de navigation et le potentiel de développement de la zone connaîtront une croissance, remarque Sun Kuo-hsiang, professeur de relations internationales et de commerce à l’université Nanhua (Taïwan). L’implication chinoise vise « à assurer un rôle dans le futur développement des ressources et la définition des règles de transport », ajoute-t-il.
M. Sun souligne que « plusieurs pays occidentaux manifestent en effet de l’inquiétude face à la montée en puissance chinoise dans l’Arctique, craignant que cela ne serve de prétexte à une présence militaire et des activités de renseignement, compromettant l’équilibre militaire et la stabilité géopolitique régionale ».
Plus symbolique que concret
L’Arctic Express Chine-Europe présente davantage de portée stratégique que de capacité de transport effective, estime Davy J. Wong, économiste indépendant basé aux États-Unis, cité par Epoch Times. Sa capacité demeure « marginale » et il est peu probable, à court terme, qu’elle supplante le volume du fret maritime ou le China-Europe Railway Express, qui constitue l’axe principal terrestre de la BRI.

Une grue transfère un conteneur vers un train du China Railway Express pour l’Europe dans la ville frontalière d’Erenhot (Mongolie intérieure, Chine), le 18 avril 2019. (STR/AFP via Getty Images)

« La commercialisation et la régularisation de la voie arctique restent contraintes par la saisonnalité et les coûts de brise-glace, d’assurance et d’infrastructures de soutien », analyse M. Wong. « À court terme, elle ne saurait être considérée que comme une route complémentaire, non comme un substitut aux itinéraires principaux ».
M. Shen souligne par ailleurs que le transport maritime à travers l’océan Arctique, ou le détroit de Malacca en mer de Chine méridionale et dans l’océan Indien, demeure extrêmement coûteux.
« La route maritime de l’océan Arctique n’est pas encore mature : sa capacité de transport reste faible », insiste-t-il.
M. Sun relève également que, outre le coût élevé lié à la saisonnalité, aux navires à coque renforcée, aux opérations de brise-glace et à l’assurance, « [la route arctique chinoise] soulève des enjeux environnementaux et sécuritaires : suie, hydrocarbures, problèmes écologiques et sociaux, aujourd’hui au cœur des préoccupations européennes et des associations de défense de l’environnement ».
Luo Ya a contribué à la rédaction de cet article.