Le président américain Donald Trump a qualifié de « grand succès » sa rencontre avec son homologue chinois, et a annoncé qu’il se rendrait en Chine en avril prochain pour de nouvelles discussions. « Nous avons finalisé de nombreux points » lors de l’entretien à Busan, a-t-il ajouté, qualifiant Xi Jinping de « dirigeant exceptionnel d’un pays très puissant ».
Voici ce qu’il faut retenir comme essentiel de cette réunion. Le président américain Donald Trump a annoncé avoir convenu de réduire à 10% les droits de douane contre la Chine, liés au trafic de fentanyl, cet opioïde de synthèse des dizaines de fois plus puissant que l’héroïne. Le chef d’État américain a également annoncé avoir conclu, lors de son entretien avec son homologue chinois Xi Jinping, un accord d’un an, reconductible, sur l’approvisionnement en terres rares – matériau essentiel sur lequel la Chine exerce un quasi-monopole, précisant que cet accord était conclu pour un an et serait renégocié chaque année. La guerre en Ukraine a été aussi au cœur des discussions, mais le sujet de Taïwan n’a pas été évoqué.
Parmi tous ces sujets, il y en a pourtant un qui a été soigneusement évité, mais qui constitue la vraie bataille pour l’avenir du monde. C’est celui de l’IA. Soit l’IA sera dominée par un pays à l’autocratie dictatoriale, soit par un pays qui reste fortement démocratique malgré certaines failles.
Plus besoin de disserter sur les avantages ou les désavantages de l’IA. C’est aussi inutile que de débattre sur l’utilité de l’électricité, comme fut le cas au moment de son invention au 19e siècle. L’IA est clairement l’élément central de la nouvelle guerre froidement technologique qui oppose les Américains aux Chinois. L’Europe et le reste du monde sont exclus d’office de cette bataille et subiront dans un proche avenir les effets de cette « colonisation numérique » qui arrive à grande vitesse.
La prise de conscience sur les progrès effectués par la Chine a été l’onde de choc provoquée le 20 janvier 2025 quand la Chine a lancé son modèle de l’IA DeepSeek R1 en accès libre. Son avantage était de pouvoir rivaliser avec ChatGPT avec dix fois moins de puissance de calcul. Donald Trump est bien conscient des enjeux. Le 24 juillet dernier, en annonçant son plan pour dominer la Chine sur ce terrain stratégique, il a dit : « L’Amérique est le pays qui a lancé la course à l’IA et l’Amérique va la gagner. » On aimerait bien le croire en effet, mais comme la plupart des annonces faites par le président américain, la prudence est de mise. Car les faits liés aux progrès scientifiques et technologiques disent autre chose et les faits sont têtus. Trois exemples pour illustrer notre propos:
· Les États-Unis ont perdu la première place dans la recherche sur les technologies cruciales. Au cours des deux dernières décennies, la place des États-Unis et de la Chine dans la recherche scientifique sur ces technologies s’est inversée. Washington, qui dominait dans les années 2000 dans ces domaines d’étude, a progressivement été relégué à la seconde place, loin derrière Pékin. Selon un rapport de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), la Chine domine sur la période 2019-2023 la recherche scientifique mondiale dans 57 technologies sur 64 (soit 89 %) identifiées comme étant « critiques » par l’institution. Il y a 20 ans, entre 2003 et 2007, ce sont les États-Unis qui dominaient la recherche dans 60 de ces champs d’étude. Aujourd’hui, la domination de Pékin dans la recherche technologique est particulièrement ancrée dans les domaines en lien avec l’industrie de défense. À titre d’exemple, les chercheurs chinois travaillant sur l’IA ont publié en 2024 plus de travaux universitaires que leurs pairs européens, américains et britanniques réunis (24.000 publications contre 19.000). Autre avantage, la Chine étant un régime autoritaire, il est plus facile de prendre et d’appliquer quasi immédiatement des décisions stratégiques. C’est ainsi que tous les aspects de l’IA sont enseignés aux élèves chinois dès l’âge de six ans. Aucun autre pays n’a fait mieux en la matière.
· La Chine robotise son industrie plus vite que tout autre pays. Soutenue par une politique d’investissements publics massifs, la robotisation des usines chinoises continue de croître à un rythme effréné : en 2024, la Chine a installé plus de robots industriels que le reste du monde, selon le rapport annuel de la Fédération internationale de robotique (IFR) publié le 25 septembre 2025. L’an dernier, plus de 295.000 nouveaux robots ont été installés dans des usines chinoises, soit une hausse de 7% par rapport à l’année précédente. C’est quatre fois plus que dans l’Union (68.000 robots installés l’an dernier), sept fois plus qu’au Japon (44.500) et presque neuf fois plus qu’aux États-Unis (34.200). Parmi les cinq pays (Chine, Japon, États-Unis, Corée du Sud et Allemagne) où le plus de robots ont été installés l’an dernier, seule la Chine a maintenu une croissance par rapport à 2023.
· L’hégémonie de Pékin sur les terres rares accule Washington. Le 9 octobre 2025, le ministère chinois du Commerce a publié de nouvelles mesures de contrôle des exportations élargissant son cadre réglementaire sur les terres rares. Ces règles pénalisent lourdement les États-Unis qui, pour 51 minéraux importants pour l’industrie, dépendent des importations à plus de 50%. Selon l’United States Geological Survey, la Chine était le premier fournisseur de 17 d’entre eux et figurait parmi les trois premiers pour 24 autres. La Chine contrôlait déjà ses exportations de terres rares 7 – dont elle domine l’ensemble de la chaîne de valeur –, mais elle a ajouté cinq nouveaux éléments à la liste, portant à douze le nombre total de matériaux soumis à des restrictions. Elle a également restreint l’exportation de dizaines d’équipements et de matériaux utilisés pour l’extraction et le raffinage de ces minéraux. Les mesures chinoises pourraient avoir un impact direct sur la chaîne d’approvisionnement mondiale de semi-conducteurs, ce qui compliquerait la production de puces IA ; or, la croissance économique américaine dépend actuellement du développement de l’intelligence artificielle.
La Chine a donc tout aussi bien compris les enjeux et notamment que l’IA va de fait transformer chaque industrie qui existe sur terre. Contrairement au reste du monde, le pays calcule en décennies, voire en siècles à l’avance. Après avoir rattrapé son retard, l’intelligence artificielle chinoise vise désormais à dépasser ses frontières, car il y a un monde à conquérir. Sous les traits de robots humanoïdes, elle se prépare à s’inviter dans la vie quotidienne de milliards de gens et ce n’est plus un scénario de science-fiction. Ce qui se faisait uniquement dans les laboratoires de la Silicon Valley se fait aussi à présent dans le sud de la Chine à Shenzhen.
Il fut un temps où l’entreprise américaine Boston Dynamics dictait le marché du monde, c’était il y a 10 ans. Désormais les robots chinois ont dépassé les prototypes américains. Sur les 160 fabricants mondiaux de robots, 60 sont déjà chinois. Un progrès qui donne une avance difficilement rattrapable par l’Europe et le reste du monde. De plus, là où Elon Musk ambitionne de vendre son robot assistant Optimus à 10.000 $, la Chine vendrait le sien – l’androïde R1 – à 5900 $. Et ce n’est qu’un début, on peut aisément prédire que dans moins de 10 ans il sera à 1500 $. Tout le monde développé pourrait avoir son robot chez soi, d’où l’importance pour l’Amérique de gagner ce duel hautement stratégique et technologique. Derrière le vainqueur, il y a la direction, avec ses valeurs et ses libertés, que prendra le monde pour les deux siècles à venir.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.