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Hypertension : pourquoi réduire le sel ne suffit pas à faire baisser la tension
Depuis des décennies, le sel est considéré comme l'ennemi du cœur. Mais le véritable problème n'est pas le sel, c'est le déséquilibre dans l'organisme, l'alimentation et le mode de vie, explique René Gräber, naturopathe et auteur invité dans sa chronique hebdomadaire.

Photo: Faran Raufi unsplash
Il existe peu d’aliments qui ont une aussi mauvaise réputation que le sel. « Salez moins ! » – cette phrase figure sur pratiquement toutes les pages de conseils, dans toutes les brochures d’information des caisses d’assurance maladie.
Des millions de personnes se tournent donc vers des produits « pauvres en sel », remuent leur repas sans entrain et s’étonnent que la tension artérielle continue de monter. L’idée que le sel rend malade est profondément ancrée. Pourtant, comme souvent, la vérité est plus compliquée – et beaucoup plus intéressante que certains ne le pensent.
L’ancien dogme
Dès 1900, des médecins observaient qu’un régime pauvre en sel pouvait faire baisser la tension artérielle chez certaines personnes. De cette constatation est née une doctrine qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Elle s’appuie sur des expériences animales et quelques études menées sur des personnes sensibles au sel. Mais ce qui semblait plausible à l’époque a ensuite été généralisé – à tous. Or, il est désormais clair que tout le monde ne réagit pas de la même façon au sel.
L’organisme humain régule son équilibre sodique avec une précision étonnante. Une personne en bonne santé élimine l’excès de sel par les reins. Seuls certains groupes de personnes – souvent les personnes âgées ou celles présentant des lésions préexistantes – réagissent de manière plus sensible. Dans ces cas, le problème n’est pas le sel, mais une fonction rénale diminuée.
Des chercheurs ont découvert que des inflammations silencieuses dans les reins, causées par des cellules immunitaires comme les lymphocytes T et les macrophages, réduisent l’irrigation sanguine des fins glomérules. De ce fait, moins de sel peut être éliminé, et le volume sanguin augmente. La tension artérielle monte. Mais le véritable problème se situe dans le tissu enflammé, pas dans le sodium lui-même. Autrement dit : le sel n’est pas le coupable, mais le messager d’un ordre perturbé.
Le mythe du péché de sel
L’équation simple « beaucoup de sel = tension artérielle élevée » s’est maintenue de façon si tenace parce qu’elle s’inscrivait dans la logique de la médecine moderne : une substance isolée, un effet isolé. Mais celui qui regarde de plus près reconnaît un autre schéma.
La cause de loin la plus fréquente d’hypertension artérielle n’est pas le sel, mais la résistance à l’insuline – déclenchée par le sucre, la farine blanche, le manque d’activité physique et le stress chronique. L’hypertension n’est pas un problème de sel, mais un problème métabolique.
Le prestigieux Institute of Medicine aux États-Unis a constaté, après examen de nombreuses études, qu’un apport trop faible en sel pouvait même être dangereux. Chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, le risque de décès ou d’hospitalisation était 85 % plus élevé lorsqu’ils vivaient avec une restriction saline importante. D’autres recherches ont montré une courbe dite en J : un excès comme une carence en sel augmentent le risque – l’optimum se situe au milieu.
La croyance selon laquelle la « grande étude Intersalt » aurait apporté la preuve est également fragile. Cette célèbre enquête de 1988 compare des populations ayant différents niveaux de consommation de sel. Mais quatre groupes – des peuples chasseurs-cueilleurs avec un apport en sodium extrêmement faible – faussaient le tableau. Lorsqu’ils ont été retirés ultérieurement des calculs, le résultat s’est inversé : la tension artérielle diminuait avec l’augmentation de l’apport en sel.
Et autre chose encore : des pays ayant une très forte consommation de sel, comme le Japon, présentent des taux d’infarctus du myocarde nettement inférieurs à ceux des pays occidentaux. Cela ne correspond pas à « l’ancien schéma » – mais très bien à la réalité.
Le véritable problème réside dans la source
Ce que beaucoup oublient : le problème n’est pas le sel lui-même, mais sa provenance – et ce à quoi il est associé. Environ 80 % de l’apport en sodium provient aujourd’hui d’aliments transformés industriellement. Sauces toutes prêtes, pain, charcuterie, fromage, soupes – tout est généreusement salé pour masquer le sucre, les graisses de mauvaise qualité et les arômes. Le sel sert de « maquillage à la nourriture industrielle ».
Dans une alimentation naturelle, riche en légumes et en potassium, le sel agit de manière totalement différente. Notre organisme a besoin du bon rapport entre sodium et potassium, et non pas simplement de moins de sel. À l’âge de pierre, ce rapport était d’environ 1:10. Aujourd’hui, le rapport s’est inversé : nous consommons dix fois plus de sodium que de potassium. Pas étonnant que nous ayons des problèmes.
Le potassium compense le sodium, détend les vaisseaux et fait baisser la tension artérielle de manière naturelle. Mais l’alimentation moderne est pauvre en minéraux, voire déminéralisée, et transformée. Nous mangeons trop peu de « vert » – et trop de « blanc », comme le sucre et la farine. Celui qui s’alimente sainement peut donc saler. Celui qui se nourrit de produits industriels ne devrait pas tenir le sel pour responsable, mais son mode de vie.
Quand le sel fait défaut
Aussi paradoxal que cela puisse paraître : de nombreuses personnes souffrent aujourd’hui de carence en sel – surtout celles qui transpirent beaucoup, font beaucoup de sport ou prennent des médicaments diurétiques. La fatigue, les maux de tête, les crampes musculaires, la faiblesse ou l’engourdissement mental peuvent être des signes d’un apport trop faible en sodium.
Le sodium stabilise la tension cellulaire, soutient les nerfs et les muscles et maintient le volume sanguin. Même le cerveau réagit de manière sensible à la carence en sel – de nombreux patients rapportent qu’une pincée de bon sel leur éclaircit à nouveau les idées.
Il est alors déterminant de savoir quel sel on utilise. Le sel industriel, raffiné et blanchi, est un pur chlorure de sodium – sans oligo-éléments, sans structure. Les sels naturels – provenant par exemple de mines profondes comme l’Himalaya – ou le sel dit « Redmond » (sel marin ancien non raffiné, extrait d’un ancien fond marin situé dans l’Utah aux États-Unis) contiennent des dizaines de minéraux qui exercent un certain effet tampon dans l’organisme. Le sel iodé a également sa place lorsqu’aucune autre source d’iode n’est disponible. Mais celui qui consomme des algues peut, selon moi, se passer de suppléments iodés.
Un conseil pratique simple : ajouter le sel seulement après la cuisson. Ainsi, le plat a un goût plus intense et on en utilise moins.
Conclusion du point de vue de la naturopathie
La naturopathie ne voit pas dans le sel un ennemi, mais un moyen d’équilibre. La cure d’eau salée, les bains alcalins, les sels de Schüßler – toutes ces applications utilisent la capacité du sel à créer à la fois structure et perméabilité. C’est l’élément de l’équilibre, entre fermeté et fluidité.
On pourrait tout à fait affirmer : le sel maintient la vie en équilibre : trop peu signifie « dissolution », trop « pétrification ». La véritable régulation de la tension artérielle réussit au mieux lorsque le corps et l’esprit sont en harmonie.
L’activité physique, le jeûne, une alimentation riche en minéraux, une consommation d’eau suffisante, moins de sucre – tout cela a plus d’influence sur les vaisseaux que n’importe quel plat préparé « pauvre en sel ». Et celui qui apprend à goûter à nouveau consciemment constatera : une pincée suffit, si la qualité est au rendez-vous.
Vous n’avez pas besoin d’avoir peur du sel, mais plutôt peut-être d’acquérir une autre conscience de la mesure, de la qualité et de la simplicité. Votre corps ne veut pas être « sevré », mais compris.
René Gräber a fait des études en sciences de l'éducation et du sport. Issu d'une famille de médecins, il a baigné dans le monde médical dès son plus jeune âge, aux quatre coins du cabinet. À vingt ans à peine, son dossier médical était « aussi épais que celui d'une personne septuagénaire ». Ses propres souffrances l'ont finalement conduit à se tourner vers la naturopathie. L'efficacité de l'autotraitement a jeté les bases de son cabinet, fondé en 1998, spécialisé en naturopathie et médecines alternatives.
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