Opinion
Fracturation de l’axe : le pari stratégique de Donald Trump contre le partenariat sino-russe

Le président français Emmanuel Macron et le président américain Donald Trump écoutent le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimer lors d'une réunion avec les dirigeants européens dans la salle Est de la Maison-Blanche, le 18 août 2025.
Photo: Andrew Caballero-Reynolds/AFP via Getty Images
Lorsque le président Donald Trump a rencontré son homologue russe Vladimir Poutine en Alaska, beaucoup ont qualifié le sommet de spectacle. Pourtant, sous ces apparences se cachait un mystère plus profond : une manœuvre stratégique visant à affaiblir les fondements des relations sino-russes. Si le voyage de Nixon à Pékin en 1972 a séparé la Chine de l’URSS, cette administration tente la manœuvre inverse : elle creuse discrètement un fossé entre Moscou et Pékin.
Mais cette fois-ci, les outils utilisés ne sont pas la détente ou la diplomatie idéologique. Il s’agit plutôt de coercition économique, de pressions ciblées et d’ajustement de la dépendance. L’objectif est clair : ne pas remodeler les alliances en public, mais rendre leurs coûts visibles en privé.
Depuis le sommet, une tendance s’est dessinée, qui touche l’Inde, la Chine, l’UE et la Russie elle-même. Ces théâtres d’opérations sont distincts, mais la pression exercée sur chacun d’eux est coordonnée. Il s’agit de la « doctrine Kissinger inversée », qui se déploie non pas en théorie, mais en pratique.
L’Inde constitue un point de départ utile. Après que New Delhi a augmenté ses importations de pétrole russe à prix réduit à plus de 1,7 million de barils par jour, les États-Unis ont imposé un droit de douane général de 25 % sur les exportations indiennes. Quelques semaines plus tard, ce droit a été doublé, passant à 50 %, sur les catégories liées aux chaînes d’approvisionnement pétrolières. L’effet a été immédiat : les expéditions de brut russe vers l’Inde ont chuté de 67 %.
Le message de Washington était implicite mais sans équivoque : un soutien continu à la Russie, même par le biais de canaux commerciaux, aurait des conséquences. Les raffineurs indiens se sont adaptés. Les flux ne se sont pas totalement arrêtés, mais les marges se sont réduites. Les plus grands exportateurs indiens, notamment les fournisseurs de produits pharmaceutiques et automobiles, ont exprimé leur inquiétude. Moody’s a révisé à la baisse les prévisions de croissance de l’Inde, invoquant l’exposition aux exportations. Si les responsables indiens ont publiquement mis l’accent sur la résilience, le malaise stratégique était évident.
La Chine, en revanche, a absorbé les volumes déplacés. Ses achats de brut russe de l’Oural ont fortement augmenté, propulsant Moscou devant l’Arabie saoudite en tant que premier fournisseur de pétrole de la Chine. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont de plus en plus libellés en yuans et en roubles. Les lignes de swap se sont développées. La coopération militaro-industrielle, bien qu’officiellement démentie, se poursuit sous le couvert du double usage.
La réponse de la Chine n’est cependant pas sans coût. Les droits de douane américains sur les produits chinois s’élèvent désormais à 30 %, et les contrôles à l’exportation des semi-conducteurs et des intrants de précision se durcissent. Pékin a riposté en restreignant les exportations de terres rares, mais cette tactique, efficace à court terme, risque de l’isoler à long terme. De plus, son apparent alignement sur Moscou sur la question ukrainienne a compliqué les relations avec l’Europe.
Les décideurs politiques européens en ont pris conscience. Si leur position publique reste mesurée, Bruxelles a progressivement durci les sanctions. Au moins 45 institutions financières russes ont été exclues du système SWIFT. Le plafonnement des prix du brut russe a considérablement réduit les revenus quotidiens de Moscou. Les flottes de pétroliers fantômes, autrefois une solution de contournement, sont désormais elles aussi soumises à la pression des sanctions.
Pendant ce temps, la posture sécuritaire de l’Europe évolue. Le déploiement de troupes sur le flanc est de l’OTAN, bien qu’il ne soit pas à grande échelle, marque une rupture avec la posture défensive des décennies précédentes. Ces changements ne reflètent pas une volonté d’étendre le conflit. Ils reflètent la prise de conscience que la dissuasion doit désormais être répartie.
Pour Moscou, les coûts s’accumulent. Son excédent courant s’est considérablement réduit. L’entretien de sa flotte fantôme s’avère coûteux. Les assurances et les réparations sont plus difficiles à obtenir. Si le Kremlin maintient une ligne dure en public – insistant sur la reconnaissance de ses revendications territoriales –, des signes de négociations se dessinent en coulisses.
L’objectif de l’administration américaine n’est pas nécessairement une victoire en Ukraine, telle qu’elle est traditionnellement définie. Il s’agit d’un endiguement stratégique – un équilibre qui limite l’influence russe sans nécessiter l’expansion de l’OTAN ni une confrontation directe.
La logique est subtile mais cohérente. Il s’agit de créer un malaise autour des partenariats de la Russie. D’utiliser le commerce et la finance pour limiter la flexibilité. De signaler aux tiers que la proximité avec Moscou s’accompagne de tensions croissantes. Il ne s’agit pas de déclarations publiques, mais de réévaluer l’équation coûts-avantages.
Cette approche ne rappelle pas la guerre froide. Il n’y a pas de logique de blocs binaires. Mais cette tactique fait écho à l’histoire. Nixon avait un jour parié que la curiosité idéologique pourrait remodeler les alignements mondiaux. Cette administration parie que la dépendance – et sa perturbation – peuvent aboutir au même résultat.
Ce faisant, elle remodèle discrètement le paysage. Non pas par de nouvelles alliances, mais en alourdissant stratégiquement les anciennes.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Tanvi Ratna est la fondatrice du groupe de réflexion sur les politiques technologiques émergentes Policy 4.0. Elle a travaillé au Capitole au sein de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants du GOP et a également travaillé sur la stratégie de campagne du Premier ministre Modi. Vous pouvez suivre son travail sur X et Substack.
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