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Dissuader la prochaine quasi-guerre mondiale : Chine-Russie-Corée du Nord contre États-Unis

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Le président russe Vladimir Poutine marche aux côtés du président chinois Xi Jinping et du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avant un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la place Tiananmen à Pékin, le 3 septembre 2025.

Photo: SERGEY BOBYLEV/POOL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Des avions russes ont récemment pénétré dans l’espace aérien polonais et roumain pour tester la détermination de l’OTAN tandis que le monde dérive vers un conflit en Asie — potentiellement bien plus grave que la situation en Ukraine — où la véritable dissuasion et la fermeté font largement défaut.
Revenons un instant en arrière. Le 3 septembre, Pékin a orchestré une grand-messe militaire pour exhiber un arsenal complet d’armes redoutables. De nombreux journalistes se sont dits impressionnés, et certains experts défaitistes ont même prôné un « apaisement » à la Chamberlain. D’autres, principalement des spécialistes de la Chine, ont tenté de décoder le plan de table des hauts cadres du Parti communiste chinois (PCC) au sommet de la place Tiananmen pour y déceler des indices des luttes de pouvoir à Zhongnanhai.
Ce qui est toutefois souvent omis dans les commentaires, c’est que l’événement illustre les mécanismes de financement et de soutien d’un nouveau type de quasi-guerre mondiale. La guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine en est un exemple, et l’éventuelle invasion de Taïwan par le régime chinois en est un autre. Examinons cela de plus près.
Les images de Xinhua le 3 septembre, montrant Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un affichant leur solidarité, doivent être comprises comme une riposte calculée au nouveau modèle tripartite mis au point par l’Occident pour soutenir militairement l’Ukraine. Selon ce modèle, Kiev identifie ses besoins en matériel, les alliés européens assurent le financement, et les États-Unis produisent et livrent l’équipement.
L’événement pékinois a exhibé un modèle parallèle : Moscou sollicite du matériel de guerre, y compris des troupes ; la Chine et la Corée du Nord les fournissent en échange d’une énergie russe à bas prix, avec l’Inde et quelques autres pays qui participent à la marge. Ainsi, même si les combats restent circonscrits à l’Ukraine et à la Russie, le financement mobilise un éventail bien plus large d’États adversaires. Cette symétrie de coalition dans le financement peut prolonger indéfiniment l’effusion de sang, ce que ni la Russie ni l’Ukraine, laissées à elles-mêmes, ne pourraient soutenir.
Une façon d’arrêter la guerre consiste à briser cette symétrie, ce qui semble être l’objectif des « droits de douane secondaires » du président américain Donald Trump. Le 6 août, il a doublé le droit de douane de référence visant l’Inde à 50 % pour l’achat de pétrole russe à bas prix. Les effets commencent à se faire sentir. L’Inde aurait acheté beaucoup moins de pétrole russe en août. Notons que le Premier ministre Narendra Modi, qui avait participé au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin du 31 août au 1er septembre, a discrètement boudé le défilé militaire du 3 septembre.
Désormais, Trump presse l’Europe de mettre immédiatement un terme à sa dépendance résiduelle aux énergies russes et de s’associer à un effort similaire contre Pékin, et il a appelé à imposer jusqu’à 100 % de droits additionnels sur la Chine pour l’achat de brut russe. Les dirigeants de l’UE ne sont pas encore entièrement alignés, mais ils ont proposé d’avancer l’objectif de cesser toutes les importations d’énergie russe, de 2027 à 2026, voire plus tôt encore.
Quoi qu’il advienne en Ukraine, le monde ne retrouverait pas pour autant l’équilibre même si Poutine venait à déposer les armes, car Xi a toutes les intentions d’écrire une suite. L’intérêt premier de Xi à soutenir Moscou tient à l’attente d’une réciprocité russe si la Chine envahit Taïwan. À quoi ressemblerait une guerre Chine–Taïwan ?
La guerre Russie–Ukraine est déjà une quasi-guerre mondiale. Malgré un théâtre d’opérations étroit, elle implique la participation d’environ 50 pays sur quatre continents, à des titres divers. Une guerre Chine–Taïwan se cantonnerait vraisemblablement au détroit de Taïwan et à ses abords. Cependant, la maîtrise taïwanaise de la microélectronique — qui inclut un quasi-monopole sur les serveurs de centres de données propulsés par l’intelligence artificielle, en plus de sa part d’environ 90 % du marché mondial des puces haut de gamme, plus connue — fait que sa stabilité et sa survie en tant qu’État indépendant sont bien plus cruciales pour le monde que celles d’une Ukraine exportatrice de blé. Une invasion chinoise embraserait un conflit infiniment plus intense, entraînant immédiatement l’ensemble des pays industrialisés avancés dépendants des exportations technologiques de Taïwan.
On estime que le coût économique total de la guerre Russie–Ukraine, qui dure depuis trois ans, avoisine 3,5 % du PIB mondial, soit environ 3500 milliards de dollars. À l’inverse, le coût global d’une guerre Chine–Taïwan à grande échelle pourrait aisément dépasser trois fois ce montant, atteignant la somme vertigineuse de 10.000 milliards de dollars, selon Bloomberg Economics.
Les États-Unis, à rebours de leur rôle actuel de médiateur et d’implication indirecte dans la guerre en Ukraine, n’auraient d’autre choix que de monter sur le devant de la scène au combat. Le Japon serait également contraint de jouer un rôle majeur en raison de sa proximité géographique et de ses obligations de traité. Le conflit se rapprocherait d’une véritable guerre mondiale.
Face à une telle perspective, les États-Unis ont peut-être déjà commencé à renforcer leur position. Le projet de loi d’appropriations de la Défense pour l’exercice 2026 au Sénat prévoit 1,5 milliard de dollars pour l’Initiative de sécurité indo-pacifique, tandis que la version de la Chambre alloue 500 millions de dollars à Taïwan via l’Initiative de coopération en matière de sécurité pour Taïwan. Une fois les textes rapprochés, le projet sera prêt pour la signature présidentielle.
Par ailleurs, la semaine précédant le défilé pékinois du 3 septembre, des hauts responsables de la défense taïwanais et américains se sont réunis en Alaska. Cet événement apparemment discret a été divulgué à la presse le 4 septembre et confirmé par un responsable américain le jour même. De toute évidence, la séquence réunion–fuite–confirmation relevait d’une réponse américaine calibrée et préméditée au défilé de Pékin. Mais Trump peut-il vraiment dissuader la Chine ? Oui, s’il parvient à articuler trois composantes de sa grande stratégie.
Trump doit renforcer l’Europe en l’incitant à réduire l’ampleur de son État-providence et à réallouer davantage de ressources à la défense. Il en va de même pour le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et l’Australie, qui doivent s’aligner fermement le long de la première chaîne d’îles. Mais derrière ces deux pièces géopolitiques doit se tenir un États-Unis profondément revitalisé, dont la force a malheureusement été sapée par des décennies de déclin socio-économique. Trump y travaille par une refonte en profondeur des institutions et politiques américaines en matière de culture, d’éducation, d’industrie, de commerce et de défense — l’essence du mouvement MAGA.
À l’image d’une bête grièvement blessée dont le sang reflue vers le cœur pour préserver ses dernières forces, les États-Unis, en se reconstruisant, peuvent donner une impression d’isolationnisme aux pays longtemps habitués à l’ouverture économique et au parapluie sécuritaire de la Pax Americana. C’est une lecture dangereusement erronée de Trump, que partagent nombre de pays, amis comme adversaires.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Le professeur Lian est né et a grandi à Hong Kong. Il a obtenu sa licence en mathématiques au Carleton College et son doctorat en économie à l'université du Minnesota. Il a publié de nombreux articles dans des revues universitaires et professionnelles.

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