Ctrl+Alt+Create : une vétérane de la tech affirme que l’art est le remède à l’isolement dans l’ère numérique
Les individus n’ont jamais été aussi connectés – ni aussi seuls. L’art pourrait-il restaurer la connexion humaine ?
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Jacqui Williams, présidente de la Watercolour Society of Queensland (à gauche), et la vice-présidente Karen Robinson-Foote devant une aquarelle d’Anne Maree O’Brien à Brisbane, Australie, le 11 septembre 2025.
L’art est-il la solution à la pandémie de solitude qui frappe la société à l’ère du numérique et de la connexion 24h/24 ?
Des données récentes révèlent que 17 % des Australiens – soit une personne sur six – se disent en situation de solitude, à peine un point de moins qu’au pic de la pandémie de Covid, lorsque l’isolement physique était pourtant généralisé.
Le taux de solitude semble suivre en parallèle la montée de l’informatique : il était déjà élevé au début des années 2000 et n’a cessé d’augmenter à mesure que la société se numérisait et que les réseaux sociaux se multipliaient.
« La solitude pousse les individus à passer davantage de temps sur internet et augmente le risque de troubles liés à son usage », indique l’étude.
« L’usage généralisé d’internet s’accompagne de comportements spécifiques tels que jeux d’argent, jeux vidéo, achats, visionnage de contenus pornographiques et autres comportements sexuels, ainsi que les réseaux sociaux. »
Face à ce tsunami technologique, quelle voie suivre pour retrouver la sociabilité et la compassion ?
Apprendre à voir à travers la perspective des autres
Jacqui Williams, originaire de l’Ohio (Cincinnati) et résidant aujourd’hui à Brisbane, a passé sa carrière dans les systèmes d’information, la programmation, l’intelligence artificielle et la régulation.
Après vingt ans dans le métier, dans des organismes publics et des multinationales comme Accenture et Avanade, Mme Williams a décidé de faire une pause, et de s’investir dans la Watercolour Society of Queensland en tant que nouvelle présidente.
Une aquarelle signée Amie Dupuy, intitulée « Bird of Paradise », présentée à Brisbane, Australie, lors de l’exposition du 11 septembre 2025. (Daniel Y. Teng/Epoch Times)
« Sincèrement, il existe mille façons de se couper de son humanité », confie Mme Williams à Epoch Times.
« Beaucoup de problèmes dans mon domaine, avec mes collègues, sont liés à la solitude : les informaticiens, du fait de leur vie très numérique, se considèrent souvent ‘séparés’ ou des ‘élites.’ »
Selon elle, les professionnels du secteur peinent à traduire leurs idées en valeur client, faute de communication vraie.
« Les gens ne parviennent pas à se parler, ni à échanger les idées qu’ils voudraient », explique Mme Williams.
« J’ai travaillé longtemps pour l’administration ici : sur certains projets, nous posions d’emblée des hypothèses sur les clients. »
« Grâce à nos doubles écrans et à des systèmes surpuissants, jamais nous n’avions imaginé que, sur le terrain, les personnes utilisaient nos logiciels sur des moniteurs de 30 cm, dans des bureaux où dix-sept personnes se partageaient un seul poste. »
Mme Williams affirme que l’expérience d’une œuvre d’art oblige le spectateur à regarder le monde à travers les yeux d’autrui.
Une aquarelle signée Yuko Sherry, « Palette of a Town », lors de la même exposition à Brisbane, Australie. (Daniel Y. Teng/Epoch Times)
« Cela vous recentre, vous êtes littéralement forcé de voir à travers la perspective de l’autre », précise-t-elle. « C’est comme la lecture – on dit toujours qu’elle élargit l’horizon. »
« Ça offre l’opportunité de contempler le monde à travers les yeux, l’esprit et l’imagination de quelqu’un de totalement différent : on découvre des points communs ou non, mais cela reste un pilier de l’existence, une manière de voyager dans la vie en vivant les histoires des autres. »
Son point de vue rejoint une étude britannique de 2021 où 82 % des sondés considèrent que l’engagement artistique est associé, au moins parfois, à une connexion sociale : c’est donc un puissant vecteur de santé publique.
Mme Williams affirme que son travail communautaire, nourri par ses propres expériences heureuses dans les centres artistiques locaux de l’Ohio, aide les habitants à s’unir et à partager le soutien émotionnel.
L’aquarelle, ou la patience selon Mme Williams
Pour Mme Williams, pratiquer l’art développe patience et empathie.
Les variations subtiles – et parfois très marquées – de la peinture constituent un défi constant pour les artistes.
« L’une des choses que j’aime dans cette technique, c’est qu’il s’agit vraiment d’un travail concerté : vous devez constamment surveiller le degré d’humidité du papier, celui du pinceau, la quantité d’eau dans la peinture, la quantité de pigment dans la peinture, la façon dont le papier va réagir, s’il va absorber trop de peinture », explique Mme Williams.
« Et puis, une fois sec, on s’interroge : ‘Ai-je vraiment mis de la couleur ici ?’ Dès que l’on pose la peinture [et que ça sèche], parfois on se dit : ‘Ce rouge est atroce, j’ai ruiné l’œuvre.’ »
« Ou alors, en séchant, ‘C’est drôlement rose !’ Cela réclame un coup de pinceau plus audacieux. »
« De tous les supports, c’est celui auquel il faut le plus s’abandonner, accepter l’imprévu. »