Cancer : ce ne sont pas que nos gènes, découvrez les véritables déclencheurs

Cellule cancéreuse biologique et maladie
Photo: rendu 3D, illustration 3D
Le cancer n’est plus uniquement considéré comme une maladie génétique : il est de plus en plus perçu comme une pathologie influencée par des facteurs liés au mode de vie, sur lesquels il est possible d’agir.
En France, comme aux États‑Unis, on estime qu’environ 40 à 41 % des cas de cancer pourraient être attribuables à des facteurs de risque modifiables (mode de vie, environnement, alimentation, obésité, etc.).
Dans une interview pour Vital Signs, le Dr Jason Fung, auteur à succès de The Cancer Code, remet en question l’approche classique centrée sur la génétique. Il met en lumière l’interaction complexe entre le fonctionnement cellulaire et les facteurs environnementaux. Selon lui, le renforcement du système immunitaire et l’amélioration du « terrain cellulaire » de l’organisme, notamment par le biais de changements alimentaires, constituent des axes majeurs de la prévention du cancer.
La majorité des cancers ne sont pas héréditaires
Historiquement, le cancer a été expliqué par la théorie des mutations somatiques, formulée par Theodor Boveri au début du XXe siècle, qui associait les anomalies chromosomiques à une croissance cellulaire incontrôlée. Des cas très médiatisés, comme celui d’Angelina Jolie en 2013, qui a subi une double mastectomie préventive après avoir été testée positive au gène BRCA1, ont renforcé l’idée selon laquelle les risques de cancer seraient principalement d’origine génétique.
Cependant, des recherches récentes ont démontré que les facteurs héréditaires ne représentent en réalité qu’une faible part des cas de cancer. C’est plutôt l’environnement dans lequel les gènes s’expriment – façonné notamment par des choix de vie comme le tabagisme, l’alimentation ou encore l’obésité – qui joue un rôle bien plus déterminant. Selon le rapport Cancer Facts & Figures 2025 de l’American Cancer Society, le tabagisme reste la première cause de décès par cancer, illustrant ainsi à quel point de nombreux cancers sont liés à des comportements modifiables plutôt qu’à des prédispositions génétiques.
De plus, les symptômes du cancer se manifestent avec une similitude frappante chez les individus – et ce, à travers le temps, les régions géographiques et les cultures. Le cancer du sein, par exemple, présente des caractéristiques morphologiques et des comportements remarquablement cohérents d’un patient à l’autre, partout dans le monde. Une telle régularité ne s’explique pas uniquement par la génétique, mais plutôt par l’activation de systèmes biologiques profondément ancrés qui se réactivent sous certains stress. Cela suggère que des déclencheurs environnementaux et physiologiques communs jouent un rôle bien plus important que l’hérédité dans le développement de la majorité des cancers.
L’obésité accroît le risque de cancer
En 2002, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a identifié l’obésité comme un facteur de risque majeur pour plusieurs cancers, notamment ceux de l’œsophage, du côlon, de l’endomètre, du sein et du pancréas. Cette conclusion établit un lien clair entre l’excès de poids, une incidence accrue du cancer et une mortalité plus élevée.
Une vaste étude publiée en 2023 sur l’épidémiologie du cancer et de l’obésité a encore renforcé ce lien, apportant des preuves solides du rôle de l’obésité dans de nombreux types de cancers. Associée à une alimentation déséquilibrée, l’obésité serait à l’origine d’environ 30 % des cas de cancer.
L’obésité favorise le développement tumoral en créant un environnement biologique propice à la croissance des tumeurs – notamment par le biais d’une inflammation chronique, de déséquilibres hormonaux et de dysfonctionnements métaboliques. Comme l’a observé le Dr Fung, l’un des éléments clés en cause est l’insuline, l’hormone chargée de réguler le taux de sucre dans le sang. Lorsqu’elle est présente à des niveaux élevés, l’insuline agit comme un facteur de croissance, stimulant la prolifération de diverses cellules, y compris les cellules cancéreuses.
Les personnes en surpoids ou obèses présentent généralement des niveaux d’insuline plus élevés, ce qui constitue un facteur de risque notable dans le développement du cancer du sein. Ainsi, en s’attaquant à l’environnement métabolique et hormonal dans lequel le cancer se développe, et en adoptant une alimentation saine, il est possible de réduire le risque et d’avoir un impact réel sur la santé.
Le cancer comme réponse à des dommages chroniques
Le Dr Fung décrit le cancer comme une sorte de « retour en arrière » évolutif des cellules vers un mode de vie unicellulaire, ou comme un effondrement de l’ordre cellulaire – une régression vers un état plus primitif guidé par la survie. Lorsqu’elles subissent des agressions chroniques, les cellules abandonnent leur rôle coopératif dans l’organisme et envahissent les tissus voisins pour se disputer l’apport en sang et en nutriments. Cette forme d’anarchie cellulaire illustre une régression où la survie prime sur la coopération.
Une mauvaise alimentation, l’exposition à des toxines, le tabagisme, l’inflammation chronique, le vieillissement ou d’autres facteurs peuvent provoquer ces dommages cellulaires répétés.
Selon le Dr Fung, lutter contre le cancer ne devrait pas se limiter à éradiquer les cellules malignes, mais viser aussi à restaurer l’harmonie cellulaire et à améliorer l’environnement biologique qui soutient la santé. L’objectif est de rendre le « terrain » défavorable à la prolifération du cancer.
Il recommande plusieurs stratégies :
• Réduire l’inflammation chronique : en limitant les aliments ultratransformés, les sucres raffinés et les excès d’huiles riches en oméga-6, tout en favorisant les aliments anti-inflammatoires comme les légumes, les poissons riches en oméga-3 et l’huile d’olive.
• Soutenir le système immunitaire : grâce à un sommeil réparateur, une activité physique régulière, une alimentation riche en nutriments et une réduction du stress chronique. Le jeûne et les thérapies métaboliques peuvent également aider à rééquilibrer l’insuline et le métabolisme du glucose, rétablissant ainsi une surveillance immunitaire efficace.
• Gérer le stress : les hormones de stress prolongé affaiblissent à la fois l’immunité et les mécanismes de réparation cellulaire. Des pratiques de réduction du stress comme la méditation ou les exercices de respiration peuvent donc s’avérer bénéfiques.
• Éviter les toxines et les substances cancérigènes : comme le tabac, l’alcool et les polluants environnementaux.
En résumé, le Dr Fung suggère que c’est en améliorant l’environnement dans lequel vivent les cellules – plutôt qu’en se concentrant uniquement sur l’élimination des cellules cancéreuses – que l’on peut réduire les conditions favorables au développement du cancer.
Le rôle du système immunitaire
Dans la majorité des cas, le système immunitaire détecte et élimine les cellules anormales de l’organisme avant qu’elles ne deviennent cancéreuses. Le Dr Jason Fung qualifie ce processus permanent de « surveillance du cancer », un mécanisme essentiel pour empêcher les cellules tumorales de se développer jusqu’à devenir une maladie détectable ou dangereuse.
Mais lorsque le système immunitaire est affaibli – par le vieillissement, certains traitements immunosuppresseurs ou d’autres facteurs – les cellules cancéreuses peuvent échapper à cette surveillance. Par exemple, les patients ayant subi une greffe d’organe présentent un risque de cancer considérablement accru. En effet, ils reçoivent généralement des doses élevées de médicaments immunosuppresseurs afin d’éviter le rejet de l’organe greffé. Si ces traitements sont indispensables pour protéger le nouvel organe, ils affaiblissent également les défenses naturelles de l’organisme, y compris la capacité du système immunitaire à détecter et détruire les cellules cancéreuses.
Fung explique que c’est précisément pour cette raison que les programmes de transplantation sont extrêmement vigilants concernant le risque de cancer. Il cite un exemple frappant : un patient atteint de mélanome avait vu sa tumeur visible retirée, et semblait en rémission. Pourtant, des cellules cancéreuses étaient restées dormantes, tenues en échec par le système immunitaire. Des années plus tard, cette personne est décédée dans un accident, et ses organes ont été donnés. L’un des receveurs a alors développé un mélanome généralisé, car une fois le système immunitaire affaibli par les médicaments immunosuppresseurs, ces cellules cancéreuses jusque-là contenues ont pu proliférer librement.
Les avancées de l’immunothérapie
Pendant longtemps, les traitements du cancer – chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie – ont consisté à retirer les tumeurs ou à détruire les cellules de manière indiscriminée. Bien que ces approches puissent réduire la taille des tumeurs, elles endommagent souvent aussi les tissus sains et ne s’attaquent pas à la cause profonde de la maladie.
L’immunothérapie, en revanche, représente une avancée majeure en ciblant le dysfonctionnement sous-jacent. Des traitements comme la thérapie CAR-T utilisent les propres cellules immunitaires du patient, reprogrammées pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses. En « dévoilant » ces dernières – qui développent souvent des mécanismes pour échapper à la détection – ces thérapies renforcent les défenses naturelles du corps, rétablissant ainsi sa capacité à lutter efficacement contre la maladie.
À approfondir
Le cancer est une maladie complexe, résultant de nombreux facteurs, ce qui rend sa prédiction et sa prévention difficiles. Par exemple, le surpoids augmente le risque, mais ne garantit pas qu’une personne développera un cancer. De même, être mince réduit ce risque, mais n’offre aucune immunité. De même, le tabagisme est un facteur majeur du cancer du poumon, mais tous les fumeurs ne développent pas cette maladie. Il s’agit d’une multitude de facteurs de risque, sans relation directe de cause à effet comme dans le cas des maladies infectieuses.
Alors que la recherche s’oriente vers des approches centrées sur l’environnement et le système immunitaire, Fung entrevoit un avenir où la prévention et le traitement du cancer seront plus efficaces et moins invasifs. Pour l’heure, des changements simples et accessibles – adopter une alimentation à faible index insulinique, éliminer l’excès de sucres et de graisses, pratiquer une activité physique régulière pour renforcer l’immunité – constituent un point de départ pratique pour réduire les risques.
Articles actuels de l’auteur









