Alzheimer : un conservateur alimentaire courant lié à une meilleure cognition

Photo: AB-7272/Shutterstock
Une analyse récente de données cliniques portant sur 149 patients atteints d’Alzheimer léger a montré qu’une prise quotidienne de benzoate de sodium pendant 24 semaines était associée à de meilleures performances cognitives et à une diminution des protéines anormales dans le sang, marqueurs caractéristiques de la maladie.
« On peut voir la bêta-amyloïde comme des “débris” moléculaires qui s’accumulent et bloquent le système de câblage du cerveau », explique le Dr Thomas Holland, chercheur clinicien, qui n’a pas participé à l’étude. « Avec le temps, cet amas contribue à la perte de mémoire et au déclin cognitif ».
Selon lui, les résultats suggèrent que le benzoate de sodium pourrait soutenir les fonctions cognitives en modifiant la gestion de la bêta-amyloïde par l’organisme — soit en favorisant son élimination, soit en réduisant sa production. Mais les chercheurs soulignent que le mécanisme exact reste encore inconnu.
Le conservateur n’est toutefois pas exempt de controverses : combiné à la vitamine C, il peut former du benzène — un cancérogène avéré — dans certaines conditions. Certaines études l’ont aussi associé à l’hyperactivité chez l’enfant et à d’éventuelles dysfonctions cellulaires.
Dans l’essai clinique, le benzoate de sodium a semblé agir contre la maladie d’Alzheimer par plusieurs voies, à la différence des traitements actuels qui ciblent principalement l’élimination des plaques amyloïdes dans le cerveau.
Le produit n’entre donc pas dans la catégorie des traitements existants contre Alzheimer, mais occupe une position intermédiaire grâce à son approche multicibles.
Hsien-Yuan Lane, professeur et directeur de l’Institut de sciences biomédicales de l’université médicale de Chine, auteur correspondant de l’étude, souligne que les mécanismes par lesquels le benzoate de sodium pourrait réduire les niveaux de bêta-amyloïde restent inconnus, même si plusieurs pistes alternatives sont envisagées.
Le benzoate de sodium pourrait aussi réduire le stress oxydatif — des lésions cellulaires provoquées par des molécules nocives —, un autre facteur clé d’Alzheimer. Des travaux antérieurs montrent qu’il apaise l’inflammation des cellules immunitaires du cerveau et protège les neurones en stimulant des protéines qui favorisent leur résistance, leur réparation et la création de nouvelles connexions.
Chez des patients atteints d’Alzheimer léger, il a notamment permis d’augmenter les niveaux de deux antioxydants majeurs, la catalase et le glutathion, qui protègent les cellules nerveuses des dommages oxydatifs liés à la progression de la maladie.
« Les traitements actuels de la maladie d’Alzheimer visent à gérer les symptômes et à ralentir l’évolution, mais il n’existe pas de cure », rappelle le Pr Hsien-Yuan Lane.
Selon le Dr Thomas Holland, les médicaments disponibles offrent des bénéfices limités car ils ciblent uniquement l’amyloïde et ne sont prescrits qu’aux patients en phase de déclin cognitif léger, donc déjà symptomatiques.
Le Dr Holland est conseiller médical et clinicien pour l’essai américain POINTER, une étude sur deux ans qui teste si des changements de mode de vie peuvent protéger la fonction cognitive chez les personnes âgées à risque.
Ce n’est pas la première fois que le benzoate de sodium est testé contre la maladie d’Alzheimer. De petits essais menés à Taïwan ont déjà montré des résultats prometteurs. En 2014, une étude de 24 semaines sur 60 patients atteints de troubles cognitifs légers amnésiques ou d’Alzheimer léger a révélé que ceux traités au benzoate de sodium progressaient davantage que ceux sous placebo dans des tâches comme se rappeler des consignes, retrouver des mots, comprendre et s’orienter, sans effets secondaires notables.
Un essai plus restreint a retrouvé des améliorations similaires — mémoire verbale, orientation, apprentissage par répétition — ainsi que des changements observés à l’IRM cérébrale.
Pour le Dr Thomas Holland, l’intérêt de cette molécule est qu’elle agit différemment : « Elle ne cible pas seulement les “débris” amyloïdes du cerveau, mais aussi le stress oxydatif qui endommage les cellules nerveuses. Pour les patients, prendre une pilule à domicile serait bien plus pratique que des perfusions répétées à l’hôpital ».
Il ajoute que si des études plus larges sont nécessaires, le benzoate de sodium pourrait compléter les thérapies existantes, voire devenir une option de première intention plus sûre.
Les experts rappellent néanmoins que des questions essentielles restent ouvertes. L’étude a mesuré les protéines amyloïdes dans le sang, et non directement dans le cerveau. « C’est une nuance importante : les taux sanguins ne reflètent pas parfaitement ceux du cerveau, même si les tendances restent informatives », souligne le Dr Holland. Il compare cette mesure au suivi d’une rivière : moins de pollution en aval peut suggérer un environnement plus propre en amont, sans certitude absolue.
Les chercheurs admettent ainsi qu’on ignore encore si les variations observées dans le sang traduisent de réels changements cérébraux ou dans le liquide céphalo-rachidien. Le Pr Lane précise aussi qu’il n’est pas établi qu’une consommation alimentaire de benzoate de sodium ait un effet sur le risque ou l’évolution d’Alzheimer.
« Ces résultats sont encourageants, mais il faudra les confirmer par l’imagerie cérébrale ou l’analyse du liquide céphalo-rachidien pour être conclusifs », conclut le Dr Holland.
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