Logo Epoch Times
plus-icon

Scanners chez l’enfant : entre sauvetage et risque de cancer

top-article-image

Photo: Phil Boorman/Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 13 Min.

Après une chute violente, une tomodensitométrie (CT Scan) peut sembler une véritable bouée de sauvetage. En quelques minutes, l’examen permet d’écarter une hémorragie cérébrale ou une autre blessure cachée.
Cette technologie est désormais un pilier des soins pédiatriques, guidant les décisions concernant les commotions cérébrales, l’appendicite et le cancer.

Une nouvelle étude révèle toutefois que les CT Scan pourraient avoir un coût caché. Environ un cas de cancer du sang sur dix chez les enfants et adolescents étudiés — soit près de 3000 cas — pourrait être attribuable aux rayonnements liés à l’imagerie médicale, selon l’une des plus vastes études à ce jour établissant un lien entre les radiations médicales et la leucémie et le lymphome chez l’enfant.

Le risque pour chaque enfant reste faible, mais rapporté à des millions de patients il devient significatif. Pour les familles, ces chiffres peuvent paraître saisissants. Toutefois, les radiologues soulignent que le danger immédiat de passer à côté d’une appendicite rompue ou d’une hémorragie cérébrale l’emporte généralement sur le risque lointain lié aux radiations. L’inquiétude est plus marquée aux États-Unis, où les enfants subissent des scanners beaucoup plus fréquemment que leurs homologues à l’étranger, parfois davantage pour rassurer que par réelle nécessité.

L’étude

Publiée dans The New England Journal of Medicine, l’étude a suivi l’historique d’imagerie de près de 4 millions d’enfants aux États-Unis et au Canada, en les reliant aux registres du cancer. Les chercheurs ont suivi ces patients jusqu’au début de l’âge adulte pour évaluer le lien entre l’exposition et la maladie.

Avoir subi un ou deux scanners cérébraux a presque doublé le risque de développer un cancer du sang, et des examens multiples l’ont multiplié par plus de trois. Près de 3000 enfants ont développé une leucémie, un lymphome ou des cancers apparentés.

« Une multiplication par trois du risque de cancer est un facteur très important à prendre en compte au moment de prescrire un examen, car un cancer chez un enfant — et pour sa famille — est souvent dévastateur », a déclaré à Epoch Times par courriel la Dre Rebecca Smith-Bindman, auteure principale de l’étude et radiologue à l’Université de Californie à San Francisco. Les enfants ont été suivis jusqu’à l’âge de 21 ans. « La grande majorité des cancers qui se développeront surviennent de nombreuses années après les expositions », a-t-elle ajouté.

Les résultats montrent une association, et non une preuve de causalité. Pour limiter les biais, les auteurs ont exclu les scanners réalisés juste avant un diagnostic de cancer. Toutefois, certains détracteurs ont souligné que les enfants qui subissent des scanners diffèrent souvent de ceux qui n’en ont pas en des points pouvant influer sur le risque de cancer. Néanmoins, la taille et la méthodologie de l’étude renforcent les inquiétudes de longue date concernant les radiations chez les jeunes patients.

Comprendre le risque

Pour mettre les résultats en perspective : dans cette étude, environ 14 enfants sur 10.000 ont développé un cancer sans imagerie. L’imagerie a légèrement fait augmenter ce chiffre, en fonction de la dose. Deux scanners cérébraux pourraient ajouter environ 25 cas sur 10.000.

« Très peu d’enfants développent un cancer », a expliqué à Epoch Times par courriel Cynthia McCollough, physicienne médicale. Si un examen aide à diagnostiquer ou traiter un enfant, le bénéfice attendu l’emporte sur le risque, a-t-elle ajouté.

Les enfants les plus jeunes courent le risque le plus élevé, à la fois parce que leurs tissus en développement sont plus vulnérables aux radiations et parce qu’ils ont plus d’années devant eux pour que le cancer apparaisse. Le risque est le plus élevé dans les années qui suivent l’exposition, mais il perdure jusqu’au début de l’âge adulte, la plupart des cancers apparaissant des années après le premier scanner.

Cynthia McCollough a noté que de nombreux examens avaient été réalisés avant 2004, à une époque où les doses pédiatriques étaient plus élevées. Avec les techniques actuelles, des examens comparables délivrent généralement des doses plus faibles, ce qui suggère que les risques rapportés peuvent surestimer le danger aujourd’hui. Cependant, les pratiques varient : les hôpitaux pour enfants adaptent systématiquement les réglages des scanners aux petits gabarits, alors que d’autres établissements — en particulier ceux sans expertise pédiatrique — appliquent des protocoles moins adaptés, entraînant des doses plus élevées et plus variables. Cette variabilité explique en partie pourquoi les spécialistes insistent sur le même principe : le bon examen, à la dose la plus faible nécessaire, et uniquement lorsqu’il est susceptible de modifier la prise en charge.

Dans ce contexte, certains experts estiment que l’étude ne change pas les recommandations actuelles. « Le scanner sauve des vies », a déclaré à The Epoch Times le Dr Donald Frush, radiologue pédiatrique. « Cette étude montre une association, pas une causalité, et lorsque l’on confond les deux, cela peut semer l’alarme et nuire à une décision médicale déjà complexe. »

Entre deux risques

Au chevet, les parents pensent rarement en probabilités. Ils pèsent la peur contre l’espoir et la pression du temps.

« Il peut n’y avoir aucun risque, ou un certain risque, mais nous pouvons dire qu’il est faible », a expliqué à Epoch Times la physicienne médicale Rebecca Milman. « Cela rend les conversations honnêtes difficiles quand les familles demandent : “À quel point est-ce faible ?” Nous ne pouvons le quantifier avec certitude. »

Elle se souvient de patients qui ont refusé des examens nécessaires par peur des radiations, rappelant que la communication du risque peut se retourner contre les soignants si elle n’est pas correctement contextualisée. Cette incertitude place les familles entre deux dangers : le risque lointain du cancer et le risque immédiat de manquer une affection potentiellement mortelle. Si la dose est la préoccupation, pourquoi ne pas la réduire ? Les radiologues répondent que ce n’est pas si simple. Dans certains cas, une dose trop faible brouille l’image et peut entraîner la non-détection de signes importants.

« Si vous manquez un signe dangereux, c’est un risque immédiat beaucoup plus important que le petit risque de radiation à long terme », a insisté le Dr Frush.

L’habitude américaine des scanners

Les États-Unis effectuent plus de CT scan que tout autre pays — plusieurs fois plus que dans de nombreux pays européens. Cet écart ne s’explique pas seulement par des besoins médicaux. Les médecins prescrivent souvent des examens supplémentaires pour se prémunir contre les poursuites, et les patients s’attendent à des réponses rapides et nettes.

Près de la moitié des spécialistes exposés à des risques élevés ont admis avoir prescrit des examens d’imagerie inutiles au cours d’une année, selon une étude publiée dans JAMA. Les patients accentuent cette pression. « C’est une habitude américaine », a commenté le Dr Frush. « Si les médecins ne font rien, les patients sont déçus. »

Les conséquences sont prévisibles. « La recherche suggère que 30 % ou plus des examens d’imagerie médicale sont de faible valeur et n’améliorent pas la prise en charge », a déclaré à The Epoch Times Diana Miglioretti, co-autrice de l’étude et professeure de biostatistique à l’Université de Californie. Des examens peuvent être prescrits « par précaution » alors que les symptômes sont minimes et que les résultats n’influenceront pas le traitement, exposant ainsi inutilement les enfants aux radiations. Les normes internationales exigent que chaque examen soit justifié, avec un bénéfice clair qui l’emporte sur le risque. Selon ce critère, de nombreux scanners pratiqués aux États-Unis ne le seraient pas.

Qu’est-ce qui peut changer ?

La solution n’est pas d’abandonner la tomodensitométrie, mais de l’utiliser de manière plus réfléchie. Certains centres pédiatriques adaptent déjà les doses et privilégient l’échographie ou l’IRM lorsque c’est possible, mais les garde-fous restent inégaux, notamment dans les hôpitaux de proximité où la majorité des enfants sont pris en charge.

« Les cliniciens doivent prescrire le bon examen, à la dose la plus faible nécessaire, et éviter les répétitions », a rappelé Diana Miglioretti.

Les parents peuvent aider en posant des questions : que recherche-t-on ? Existe-t-il une option plus sûre ? En quoi le résultat modifiera-t-il la prise en charge ?

Le Dr Frush est d’accord, mais rappelle que la radiation n’est pas toujours la principale préoccupation au chevet. « Nous avons entendu des parents dire : “Je m’inquiète davantage de savoir si l’assurance couvrira cet examen” », a-t-il raconté. Les discussions sur le risque doivent être claires et liées à la façon dont le scanner influencera le traitement.

Les décisions les plus difficiles se situent souvent dans des zones grises : un enfant souffrant de maux de tête habituels, de douleurs abdominales vagues ou revenant à plusieurs reprises pour la même plainte. L’échographie ou l’IRM peuvent souvent apporter des réponses sans exposition aux radiations.

« Demandez à un urgentiste si un examen était “inutile” et il expliquera pourquoi cela lui a semblé nécessaire à 2 heures du matin, avec un enfant malade et des parents inquiets », a confié le Dr Frush.

La véritable protection réside peut-être moins dans les protocoles que dans la confiance.

« Les soins de santé sont profondément personnels », a insisté le Dr Frush. « Si l’on réduit la décision à une formule — uniquement le risque de radiation, uniquement les recommandations — on fragilise le pacte entre soignant et patient. La discussion doit prendre en compte l’ensemble du contexte. »

Pour des parents en détresse, la lueur d’un scanner peut sembler une promesse de sécurité et de soulagement. La nouvelle recherche ne nie pas ce pouvoir. Elle invite plutôt à se demander : avons-nous transformé un outil vital en réflexe systématique ? Et pouvons-nous conserver les examens qui sauvent des vies tout en abandonnant ceux qui n’apportent que du risque ?