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Patrimoine en péril : les châteaux de la Loire fragilisés par la récurrence de conditions météorologiques extrêmes

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Le château d'Amboise, résidence de plusieurs rois de France, a été construit sur un site stratégique près de la Loire.

Photo: Dominic Arizona Bonuccelli, Rick Steves' Europe

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Durée de lecture: 6 Min.

Crues exceptionnelles, sécheresses à répétition, jardins en souffrance : les châteaux de la Loire, comme une grande partie du patrimoine français, ne sont pas épargnés par les nombreux aléas météorologiques, au point d’être parfois menacés de coûteuses dégradations.
Ces dernières années, « la forte baisse qui concerne le débit de la Loire n’est pas sans conséquence sur les emblématiques châteaux bordant le fleuve », a mis en garde le Réseau Action Climat (RAC) en 2024, dans une cartographie par région des impacts de la crise climatique en France et de ses répercussions sur le patrimoine.
Le château de Chenonceau, par exemple, dont les fondations baignent dans le Cher, principal affluent de la Loire, « est particulièrement exposé » aux « variations de régime hydrique », détaille auprès de l’AFP l’architecte en chef des monuments historiques Étienne Barthélémy.
« Si les pieux en bois utilisés pour les fondations sont tantôt à l’air, tantôt dans l’eau, la pourriture naturelle qui s’y installe est plus importante » et les fragilise, prévient Étienne Barthélémy, citant les conséquences notables de la longue sécheresse de 2022.

Une photo prise le 13 juin 2019 montre le château de Chenonceau, situé en Touaine, sur la commune de Chenonceaux. (GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Images)

À l’inverse, lors de périodes de pluies particulièrement importantes, comme cet hiver, « un fort débit du Cher peut “lessiver” les maçonneries et crée une pression importante sur les piliers », qui portent déjà « des cicatrices consécutives aux impacts de troncs d’arbres qui viennent taper dessus ».
En remontant la Loire, ce sont tous les châteaux de la Loire, joyaux inestimables et passages incontournables pour les touristes du monde entier, qui sont à terme menacés par des conditions météorologiques extrêmes récurrentes.
Le château d’Azay-le-Rideau, joyau de la Renaissance bâti sous le patronage de François Ier, surveille aussi attentivement le niveau de l’eau des deux bras de l’Indre qui l’entoure et diminue d’années en années.
Les fortes chaleurs ont également multiplié la présence d’algues invasives autour de l’édifice, obligeant les équipes de jardiniers à intervenir toutes les semaines dans les bassins pour limiter leur prolifération, contre une fois par mois d’ordinaire.
« Pour gérer un monument historique comme celui-ci, on navigue un peu à vue en permanence, on essaie d’inventer des solutions au gré des avaries qui se présentent », concède son administrateur Benoit Grécourt.

Élégamment situé sur une île de l’Indre (Vallée de la Loire), le château d’Azay-le-Rideau est considéré comme l’un des premiers édifices de style Renaissance française. Le célèbre miroir d’eau date du XXe siècle, lorsque le bras de la rivière s’est élargi pour border les fondations du château. Depuis lors, la glorieuse façade du château se reflète dans un miroir d’eau et continue de charmer les visiteurs. (Altitude Drone/Shutterstock)

Un point de vue partagé par le maire d’Amboise Brice Ravier, préoccupé jusqu’à peu par le risque d’éboulement du château royal de la ville, où « entre 6000 et 9000 tonnes de terre ont menacé de s’effondrer » début février, un péril « directement lié aux fortes pluies » de l’automne dernier.
Ce gros désordre a alors entraîné l’évacuation de plus de 50 personnes, selon l’édile, « rassuré que tous aient pu retrouver leur domicile fin juin », au terme d’un chantier de consolidation de 2,5 millions d’euros.
Autre conséquence majeure, les monuments mènent aussi des réflexions autour de leurs parcs, la plupart dessinés au XIXe siècle. Comme pour les jardins à la française de Chambord, des défis s’imposent à Azay-le-Rideau, où « le parc conçu au XIXe siècle rassemble toute une variété de plantes et d’arbres qui supportent mal ces dérèglements climatiques », concède Benoit Grécourt.
Ne pas « trahir l’identité » d’origine des lieux
Un travail « sans trahir l’identité » d’origine des lieux : remplacer certaines essences de plantes par d’autres, moins gourmandes en eau, représente une des principales pistes.
Des changements et des réalisations d’anticipation impliquant des investissements très importants, estimés à « 10 millions d’euros pour des travaux de restauration » rien que pour Chenonceau, selon Étienne Barthélémy. D’autant qu’avant même le début des restaurations, les études électroniques nécessaires très coûteuses n’entrent pas encore dans le montant prévisionnel des travaux.
« Le bâti ancien a montré au fil des siècles des capacités d’adaptation, de résilience, de solidité étonnantes, mais aujourd’hui, il est en mauvais état », expose Étienne Barthélémy, assurant éviter tout « alarmisme ». Mais « une réflexion commune qui mobiliserait des spécialistes, le monde politique probablement, et des mécènes » devrait être menée, suggère-t-il, pour s’attaquer à ce « très grand chantier national ».