Patrimoine culturel
« Nous allons perdre un patrimoine culturel » : les riverains des Arènes de Malaga refusent la cession à des investisseurs chinois
ESPAGNE -- Inaugurée en 1968, la place de corridas de Benalmádena (La plaza de toros de Benalmádena) a longtemps accueilli des manifestations publiques variées. Cette structure du patrimoine historique, située sur la Costa del Sol, dans la province de Málaga, fait l’objet d’un vif débat sur son avenir depuis sa fermeture en 2010.

Photo: Lukas Lussi / pexels.com/fr
Récemment déclarée « ruine urbanistique » par la municipalité, suite à une expertise technique de la délégation de Malaga ayant évalué l’état de l’infrastructure, elle se trouve aujourd’hui menacée d’une reconversion controversée. Un accord est actuellement à l’étude pour transformer l’enceinte en un parc à thème consacré à la culture chinoise.
Cependant, les associations de quartier dénoncent le fait que, même avant le rapport, la municipalité avait déjà préparé des projets autour du site : un refuge pour animaux qui existait depuis trente-cinq ans dans la zone a été prié de quitter les lieux : « Ce refuge pour animaux a eu un an pour quitter le terrain cédé par la mairie », a déclaré à Epoch Times Espagne David Domínguez, président de l’association Santangelo Norte et du groupe d’associations de Benalmádena.
M. Domínguez affirme que la préoccupation des habitants ne porte pas sur le fait que la mairie réutilise les terrains attenants, mais sur la manière dont cela se fait — en dehors de l’intérêt général et en privilégiant des intérêts privés.
Selon les collectifs, les décisions concernant ce terrain répondraient à des intérêts commerciaux d’investisseurs chinois souhaitant y ériger un parc à thème culturel comprenant un temple bouddhiste, des jardins, un monastère zen et une pagode de quarante‑cinq mètres. Présenté au Salon International du Tourisme (FITUR) à Madrid en début d’année, le projet porte le nom de « Parc de l’amitié hispano‑chinoise ».
La Chine promeut sa « culture » à l’étranger après l’avoir détruite chez elle
Le Parti communiste chinois a procédé à la démolition massive de temples bouddhistes et de monuments, portant un coup considérable à la culture traditionnelle lors de la période connue sous le nom de Révolution culturelle (1966‑1976).
La promotion de la construction d’ouvrages traditionnels et du patrimoine classique n’a pas été une priorité du régime : pour consolider son pouvoir en 1949 et orienter la société vers le modèle communiste, il a lancé la campagne des « Quatre Vieillesses » (idées, culture, coutumes et habitudes), visant à éliminer les traditions.
Les projets du régime chinois dans cette commune s’inscrivent davantage dans une stratégie commerciale visant à redorer son image à l’étranger.
Selon La Opinión de Málaga, lors de la présentation du projet à la 45e édition du salon FITUR (Foire Internationale du Tourisme), le maire de Benalmádena, Juan Antonio Lara (Parti populaire), a déclaré :
« Dans le cadre du programme d’investissements que nous développons au cours de ces deux premières années de mandat, nous avons présenté le Parc de l’amitié hispano‑chinoise, une initiative qui trouve son origine en 1997, lorsque notre commune fut la première à se jumeler avec la Chine et maintenant, en 2025, nous voulons aller plus loin et présentons un espace de plus de 24.000 mètres carrés comprenant jardins, temples bouddhistes, etc., afin de devenir le centre du tourisme chinois en Europe. »
La population de Benalmádena réclame un espace d’usage public
« Nous pensons que, si l’on perd du patrimoine culturel ou du foncier public, ce ne doit pas être pour le céder à des investisseurs étrangers, mais pour un usage plus public, au service du peuple », a exprimé M. Domínguez.
Parmi les options évoquées figurent des équipements d’usage public ou du logement abordable pour les familles de Benalmádena et de la province. Les habitants demandent que les projets municipaux pour l’ancienne plaza intègrent explicitement l’intérêt général.
D’après M. Domínguez, bien que les positions soient diverses — certains soutenant la mairie —, la majorité se dit prête à renoncer à la plaza à condition que le terrain ne soit pas cédé à des investisseurs chinois.
Des tensions autour de la gestion du patrimoine
M. Domínguez indique que, même si certains soutiennent la municipalité, la majorité serait prête à renoncer à la plaza à condition que le terrain ne soit pas attribué à des investisseurs chinois. Il rappelle également que, quelques mois auparavant, la mairie avait cédé plus de vingt mille mètres carrés – où se trouve aujourd’hui un ancien parc d’attractions inscrit au patrimoine local – à un groupe immobilier, le Groupe Tremon, pour la construction d’un complexe hôtelier et commercial. Selon lui, « le véritable enjeu est un business urbanistique où les intérêts privés priment sur l’intérêt public ».
« Que pensons‑nous ? Qu’en filigrane il y a un business immobilier et que l’on privilégie des intérêts privés au détriment de l’intérêt public », résume‑t‑il.
Une table technique excluant les associations
La commission technique actuelle, présidée par le maire, M. Lara, ne comprend aucune représentation des associations de quartier. M. Domínguez souligne :
„« Les associations de riverains n’ont pas leur place à cette table ; seuls le maire, quelques conseillers et les présidents de l’Association Taurine et de la Peña Caballista sont présents. »
Il plaide pour l’ouverture de la table à davantage de voix et à des experts indépendants capables d’apporter des alternatives techniques. Il demande également la réalisation d’un rapport technique externe, indépendant des organismes contrôlés par le gouvernement, afin de clarifier la situation réelle de la plaza.
Le point de vue de la droite et des défenseurs de la tauromachie
L’économiste et porte-parole de Vox à Benalmádena, Joaquín Amann, a critiqué la décision de la mairie et sa proposition de démolir le site, en s’appuyer sur le rapport de la délégation qu’il juge « fragile et flou ». Selon lui, l’étude repose uniquement sur une inspection visuelle et ne détaille pas les coûts réels : : il soutient que la réhabilitation dépasserait 50 % du coût d’une nouvelle construction, sans fournir de ventilation suffisante. Il ajoute que le document ne détaille pas les dommages structurels graves et ne fournit pas de chiffres pour étayer les coûts de restauration ou de construction.
Le porte-parole de Vox a demandé une étude indépendante avec expertise et tests en laboratoire sur la structure. Selon ces résultats, le site serait exempt de pathologies graves telles que l’aluminose (détérioration du béton, perte de résistance et augmentation de la porosité).
Le cadre légal et les engagements municipaux
La loi 18/2013 du 12 novembre classe la tauromachie comme patrimoine culturel, la reconnaissant comme partie intégrante du patrimoine historique commun à tous les Espagnols. De plus, le Patrimoine Historique Espagnol oblige l’État à conserver, restaurer et réhabiliter les biens historiques avant toute démolition.
Le maire Lara a exprimé son soutien à la réhabilitation de la plaza le 5 juin 2024, lors d’une cérémonie à la Maison de la Culture. Le 8 octobre, il a créé une nouvelle table technique pour poursuivre la mise en valeur du site, réunissant notamment le directeur des affaires taurines de la délégation de Malaga, la conseillère à la Culture, des membres de l’Association Taurine et l’ancien maire Enrique Moya.
Une note de presse municipale indique qu’un rapport technique externe de viabilité sera commandé afin d’étudier une éventuelle réhabilitation partielle ou totale et d’en évaluer les coûts. L’objectif affiché est de « redonner vie à un lieu emblématique, en le dotant d’un usage socioculturel ouvert, incluant éventuellement des activités liées à la tauromachie ».
La prochaine réunion est prévue en décembre, moment où de nouveaux avancements devraient être présentés.
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