Médecins agressés : près de 2000 incidents déclarés en 2024

Un médecin généraliste vérifie la tension artérielle d'un patient le 21 mai 2015 à Quimper, en Bretagne.
Photo: FRED TANNEAU/AFP via Getty Images
L’année 2024 marque un tournant préoccupant pour la sécurité des professionnels de santé en France. L’Ordre des médecins dévoile un bilan glaçant : 1992 incidents ont été déclarés, soit une progression de 26% par rapport à 2023. Ces chiffres, publiés lundi par l’Observatoire national de la Sécurité des médecins, témoignent d’une dégradation continue du climat dans lequel exercent les praticiens.
Parmi ces incidents recensés, 1207 concernent des agressions verbales ou menaces, 306 des falsifications d’ordonnances, 166 des vols ou tentatives de vol, 105 des agressions physiques et 104 des actes de vandalisme. Une diversité de violences qui reflète les multiples tensions auxquelles font face quotidiennement les médecins sur le terrain.
Une explosion post-Covid sans précédent
Le Dr Jean-Jacques Avrane, coordonnateur de l’Observatoire, tire la sonnette d’alarme : le nombre de signalements a littéralement « explosé » depuis l’épidémie de Covid-19. Entre 2021 et 2024, les déclarations ont pratiquement doublé, enregistrant une hausse vertigineuse de 95%. Cette évolution spectaculaire traduit simultanément une meilleure connaissance du dispositif de signalement par les médecins et une augmentation réelle et massive des violences.
Ces données reposent sur des déclarations volontaires via des fiches de signalement, loin d’être systématiques. Elles représentent donc « la face visible de l’iceberg » d’un phénomène probablement bien plus important, à rapporter aux quelque 200.000 médecins en activité régulière dans l’Hexagone.
Les généralistes en première ligne des agressions
Les médecins généralistes payent le plus lourd tribut : ils concentrent 63% des déclarations d’incidents alors qu’ils ne représentent que 57% des praticiens en France. Cette surreprésentation s’explique par leur rôle de premier recours et leur exposition quotidienne directe aux patients.
Mais d’autres spécialités sont également frappées de plein fouet. Les psychiatres représentent 4% des signalements et sont particulièrement visés, notamment en raison du trafic de médicaments comme les substituts aux opiacés. Les ophtalmologues, gynécologues, médecins du travail, cardiologues et dermatologues comptabilisent chacun 2% des déclarations.
Une forme de délinquance croissante
Les reproches liés à la prise en charge constituent le principal déclencheur d’incident, représentant 32% des cas. Suivent les refus de prescriptions, à l’origine de 17% des situations conflictuelles, et les délais d’attente ou de rendez-vous jugés excessifs par les patients (8%).
Phénomène particulièrement inquiétant : la falsification de documents – ordonnances, certificats médicaux – longtemps minoritaire, représente désormais un quart des incidents signalés. Cette progression témoigne d’une forme de délinquance croissante ciblant spécifiquement les médecins.
Ces violences concernent essentiellement la médecine de ville, qui concentre 74% des cas. À l’hôpital, les directeurs d’établissement auraient « tendance à vouloir directement régler le problème », selon le Dr Avrane, ce qui pourrait expliquer un taux de signalement plus faible en milieu hospitalier.
Une justice trop peu sollicitée
Malgré la gravité des faits subis, seulement 35% des médecins agressés déposent plainte et 7% se contentent d’une simple main courante. Ce faible taux de judiciarisation révèle un sentiment d’impuissance, de découragement face aux procédures, ou encore la crainte de représailles.
Des réponses pour briser le cycle infernal
Pour « casser cette spirale de la violence », l’Ordre des médecins multiplie les initiatives. Une centaine de protocoles ont été signés avec des parquets, des Agences régionales de santé et les forces de l’ordre. L’objectif : favoriser un contact direct entre les acteurs et accélérer significativement les réponses judiciaires.
La loi Pradal, promulguée en 2025, constitue une avancée majeure en alourdissant les sanctions pour violences et outrages envers les soignants. Elle permettra également aux directeurs d’établissement et à l’Ordre de déposer plainte à la place des victimes, une disposition saluée par le Dr Avrane, même si certains décrets d’application font encore défaut.
Avec AFP

Articles actuels de l’auteur









