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L’utilisation des avoirs russes gelés devient « de plus en plus urgente », avertit le chancelier allemand
Friedrich Merz s’est montré l’un des plus fervents défenseurs de l’idée d’utiliser les avoirs russes immobilisés dans l’UE pour financer l’effort de guerre de l’Ukraine et sa reconstruction.

Le chancelier allemand Friedrich Merz à Berlin, le 11 juin 2025.
Photo: Omer Messinger/Getty Images
Le chancelier allemand Friedrich Merz a déclaré, le 28 novembre, que la nécessité d’utiliser les avoirs russes gelés pour financer l’effort de guerre de l’Ukraine devenait « de plus en plus urgente ».
M. Merz a ajouté qu’il espérait que les pays de l’Union européenne parviendraient rapidement à un accord sur ce dossier, lors d’une conférence de presse commune avec le Premier ministre slovène Robert Golob à Berlin.
« Je considère qu’il est de plus en plus urgent d’agir en ce sens », a affirmé M. Merz.
« L’Ukraine a besoin de notre soutien. Les attaques russes s’intensifient. L’hiver approche, ou plutôt, nous y sommes déjà. Et dans ce contexte, j’espère que nous pourrons parvenir à une solution commune au sein de l’Union européenne. »
M. Golob a abondé dans ce sens, déclarant que les avoirs gelés « sont l’arme la plus puissante dont dispose l’UE pour parvenir à la paix en Ukraine », selon le média slovène Delo.
Des avoirs russes d’une valeur pouvant atteindre 250 milliards de dollars ont été gelés dans l’UE depuis que les États‑Unis et leurs alliés ont interdit les transactions avec la Banque centrale de Russie et le ministère russe des Finances, après l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Jusqu’ici, l’UE ne s’est saisie que des intérêts générés par ces avoirs immobilisés.
Des discussions sont en cours au sein de l’UE pour trouver un mécanisme permettant d’utiliser ces avoirs gelés afin de financer plus largement la défense de Kiev et la reconstruction du pays, sans procéder à une confiscation directe, en raison de contraintes juridiques.
Les modalités précises d’utilisation de ces fonds restent à finaliser, mais M. Merz a esquissé, en septembre, un schéma dans lequel l’UE accorderait à l’Ukraine un prêt sans intérêt de près de 140 milliards d’euros (soit environ 160 milliards de dollars).
Si de nombreux États membres ont soutenu cette idée, d’autres – dont le Luxembourg, la Belgique et la Hongrie, ainsi que des institutions comme la Banque centrale européenne – ont fait part de leurs réserves.
Le principal opposant reste la Belgique, qui abrite Euroclear, une infrastructure de marché financier détenant la majorité des avoirs russes gelés dans l’UE.
Le mois dernier, le Premier ministre belge Bart De Wever a expliqué qu’il maintiendrait son opposition au prêt tant qu’il n’aurait pas obtenu trois garanties de la part de l’UE : une mutualisation intégrale des risques ; l’assurance que chaque État membre contribuerait au remboursement si les fonds devaient être restitués ; et l’engagement que tous les pays ayant immobilisé des avoirs russes agiraient de concert.
Le 27 novembre, le Financial Times a révélé que M. De Wever avait adressé une lettre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avertissant qu’une mise en œuvre précipitée du dispositif pourrait compromettre toute perspective d’accord de paix.
« Se précipiter sur ce projet de prêt à caractère réparateur aurait pour dommage collatéral que, nous, en tant qu’UE, empêcherions de facto la conclusion d’un accord de paix éventuel », a‑t‑il écrit.
La Commission, qui fait office de branche exécutive de l’UE, a confirmé, le 28 novembre, avoir reçu le courrier de M. De Wever et mené des discussions intensives, notamment avec la Belgique.
« Nous avançons en terrain inconnu. Il est donc légitime de poser des questions, d’exprimer des inquiétudes, et nous faisons tout notre possible pour y répondre de manière satisfaisante », a déclaré la porte‑parole principale de la Commission, Paula Pinho, interrogée pour savoir si la Belgique cherchait à poser de nouvelles conditions avant de donner son feu vert au prêt.
Évoquant, à Berlin, les préoccupations belges, M. Merz a indiqué s’être entretenu avec M. De Wever et comprendre ses craintes, mais a ajouté que « l’utilisation des avoirs russes gelés est nécessaire », rapporte Delo.
Il a également souligné que toute décision d’utiliser ces avoirs devrait être prise à l’unanimité.
La Russie, de son côté, a répété à plusieurs reprises que l’utilisation de ses avoirs gelés pour financer l’Ukraine serait assimilée à un « vol » et laissé entendre qu’elle riposterait si l’UE tentait de mettre ce plan à exécution. Le 20 novembre, la Douma a adopté une résolution appelant à des mesures contre la Belgique, Euroclear et les « investisseurs inamicaux » si ces avoirs étaient utilisés.
Avec Reuters

Guy Birchall est un journaliste britannique qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la liberté d'expression et les questions sociales.
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