Jacques Marcon
Le chef étoilé Jacques Marcon avec les agriculteurs : « On est en train de casser la gastronomie française »
Jacques Marcon, chef triplement étoilé de Saint-Bonnet-le-Froid, a franchi mardi un cap symbolique en rejoignant pour la toute première fois de son existence une manifestation.

Le chef français trois étoiles et président du Bocuse d'or France, Régis Marcon, observe les candidats lors du concours de cuisine « Bocuse d'or » à Villepinte, au nord-est de Paris, le 11 mars 2014.
Photo: JACQUES DEMARTHON/AFP via Getty Images
À 47 ans, ce restaurateur reconnu a choisi de descendre dans la rue au Puy-en-Velay, solidaire des agriculteurs de Haute-Loire confrontés à une énième crise sanitaire. Dans un entretien accordé mercredi à l’AFP, il a expliqué les raisons profondes de cet engagement inédit.
« Sans eux, on ferme nos restaurants »
La motivation du chef est limpide : l’interdépendance totale entre restaurateurs et producteurs locaux. Établi avec son père Régis dans leur restaurant emblématique, Jacques Marcon revendique cette appartenance à une chaîne commune. Dimanche dernier, il n’a pas hésité à relayer sur son compte Facebook l’appel lancé par les syndicats agricoles. Deux jours plus tard, il participait activement au rassemblement devant la préfecture, allant jusqu’à prendre la parole publiquement pour défendre la cause paysanne.
Au-delà de l’épizootie, un système à transformer
Si la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) qui touche les élevages bovins depuis l’été constitue le déclencheur immédiat de la mobilisation, Jacques Marcon y voit surtout l’occasion de remettre en question un modèle agricole dépassé. Pour le chef cuisinier, cette manifestation porte une ambition plus vaste : promouvoir une alternative au système actuel. Son message est clair : le retour au local s’impose comme une nécessité absolue, et une refonte complète du modèle agricole français devient urgente.
Une gestion sanitaire contestée
La stratégie adoptée par les pouvoirs publics face à la DNC suscite l’incompréhension du restaurateur. La politique d’abattage systématique de troupeaux entiers dès qu’un cas est détecé, couplée à une vaccination limitée aux seules zones touchées, lui paraît absurde. Jacques Marcon dénonce cette approche radicale alors que des vaccins efficaces existent. Selon lui, cette réticence à généraliser la vaccination vise essentiellement à protéger les intérêts des exportateurs et de la grande industrie de transformation de viande, au détriment des éleveurs de terrain.
Le libre-échange, fossoyeur de la gastronomie française
Le discours du chef étoilé s’élargit rapidement vers une critique du commerce international et de ses conséquences désastreuses sur l’alimentation. Alors que l’Union européenne s’apprête à finaliser un accord commercial avec le Mercosur, Jacques Marcon tire la sonnette d’alarme. Il rappelle qu’il y a une décennie à peine, même les restaurants modestes pouvaient s’approvisionner en produits de qualité. Aujourd’hui, la situation s’est dramatiquement dégradée : un bistrot proposant un menu à 40 euros ne peut plus s’offrir un authentique poulet de Bresse.
Un patrimoine en péril
Cette dérive contraint désormais les restaurateurs à se tourner vers des produits issus du commerce mondialisé pour maintenir leur activité à flot. Pour Jacques Marcon, les conséquences sont catastrophiques : la gastronomie française, fierté nationale et patrimoine culturel, est menacée de disparition.
Repenser d’urgence nos circuits d’approvisionnement
Ce cri d’alarme lancé par un représentant prestigieux de la haute cuisine française résonne comme un appel à repenser d’urgence nos circuits d’approvisionnement et notre rapport à l’alimentation, avant qu’il ne soit trop tard pour sauver ce qui fait l’excellence culinaire de notre pays.
Avec AFP

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