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Les Français face à la légalisation de l’euthanasie« Les Français ne demandent pas la légalisation de l’euthanasie », constate la Fondapol
Alors que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi « relative à la fin de vie » en mai dernier, une enquête de la Fondapol révèle un décalage profond entre le pouvoir politique et l’opinion publique. Les Français rejettent l’idée d’une légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté et réclament avant tout le renforcement des soins palliatifs.

Rassemblement contre la loi sur la fin de vie et le suicide assisté à Lyon, le 27 mai 2025.
Photo: MATTHIEU DELATY/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi « fin de vie », le député MoDem Olivier Falorni a affirmé qu’elle était « attendue par une très grande majorité de nos concitoyens ». Toutefois, les résultats de l’enquête de la Fondapol, dévoilée en ce mois de décembre, montre que les Français n’approuvent pas la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.
Les Français veulent surtout « l’équipement de tout le pays en soins palliatifs »
Dominique Reynié, professeur à Sciences Po et directeur général de la fondation Fondapol, affirme que « les Français ne demandent pas la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté ; ils veulent que les pouvoirs publics assurent l’équipement de tout le pays en soins palliatifs, auxquels, aujourd’hui, la moitié de la population n’a pas accès ».
Chez les jeunes générations, cette préférence est particulièrement nette. Deux tiers des 18-24 ans et plus de la moitié des moins de 35 ans estiment que l’accompagnement médical et humain doit primer sur toute forme d’aide à mourir. Dominique Reynié précise dans les colonnes du Figaro que les Français réclament « un système de santé efficace, accessible sur tout le territoire et capable de proposer des soins palliatifs partout ».
Par ailleurs, l’opposition à la proposition de loi se manifeste chez certains groupes religieux — notamment les catholiques pratiquants et les musulmans — ainsi que parmi les partisans politiques. Dominique Reynié précise sur le site Fondapol que, même si cette opposition « à un niveau variable mais toujours très majoritaire » concerne les proches des Républicains (LR) et de Reconquête, elle reste très marquée à gauche de l’échiquier politique.
« Les personnes qui se disent proches de l’extrême gauche, de LFI ou du PC constituent l’un des blocs les plus franchement hostiles à la proposition de loi et à ses principales dispositions », souligne également le professeur à Sciences Po auprès du quotidien. Pour ces électeurs, l’euthanasie et le suicide assisté sont contraires aux principes de solidarité sociale. « L’instauration de la mort administrée pour des patients malades, fragiles, âgés, handicapés ou dépressifs est la négation absolue de l’État‑providence », analyse Dominique Reynié.
Les jeunes craignent davantage les dérives
Dans l’opinion, cette inquiétude s’accompagne d’une vigilance particulière pour la protection des plus vulnérables. Les données étrangères sur l’euthanasie montrent que les populations défavorisées sont surreprésentées parmi les bénéficiaires, notamment « à cause du coût des traitements médicaux ». C’est par exemple le cas au Canada, précise le directeur général de la Fondapol.
La peur d’une dérive législative préoccupe fortement les Français, et plus encore les jeunes générations. À l’étranger, comme par exemple en Belgique et aux Pays-Bas, la pratique a été étendue aux mineurs et aux personnes souffrant de troubles psychiatriques, parfois sans contrôle strict.
Ces dérives renforcent la vigilance des moins de 35 ans, qui redoutent que les plus vulnérables soient davantage amenés à recourir à l’euthanasie et au suicide assisté. Ainsi, 52 % des 18-24 ans et 55 % des 25-34 ans craignent l’extension aux mineurs et aux personnes en situation de handicap intellectuel, tandis que 64 % des 18-24 ans et 62 % des 25-34 ans s’inquiètent du recours accru des populations fragiles, y compris les plus pauvres.
Pour les jeunes, cet état de l’opinion constitue « une manière de percevoir le déclin de notre système social et ses conséquences », et « leurs craintes expriment aussi la permanence d’un système de valeurs qui force le respect », conclut Dominique Reynié.
L’angoisse des Français : « ne pas être soignés correctement »
Parallèlement, la mobilisation citoyenne s’intensifie. La pétition intitulée « Euthanasie : ne nous laissons pas abattre ! », lancée par la fondation Lejeune, a déjà recueilli plus de 11.000 signatures. Elle dénonce un « débat verrouillé » et une « politique d’abandon », sous couvert de « liberté individuelle ». Cela pourrait pousser les personnes isolées, malades chroniques, handicapées, ou encore les plus modestes à demander la mort pour ne pas « être un fardeau », pointe-t-elle de son côté.
« Les files d’attente aux urgences, les déserts médicaux, l’absence cruelle de places en soins palliatifs — voilà les vraies détresses », indique encore le texte de la pétition. L’angoisse des Français n’est pas de « choisir leur mort », mais « de ne pas être soignés correctement ».
Et, comme le souligne enfin la pétition : « Ce qui devrait nous alerter, ce n’est pas la noblesse apparente des intentions, mais l’unanimisme fabriqué qui entoure ce narratif. L’histoire nous l’enseigne : les dérives les plus graves naissent parfois de l’obéissance collective à l’air du temps. »

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