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La tendance croissante du « digital detox »

Les experts s’accordent à dire que réduire son temps d’écran présente des bénéfices pour la santé et le bien être — mais il y a des nuances.

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Des personnes utilisent leur téléphone à New York, le 13 juin 2024.

Photo: Samira Bouaou/Epoch Times

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Durée de lecture: 12 Min.

Le concept de « désintoxication numérique » est entré dans le grand public, les spécialistes du bien‑être et les scientifiques soulignant ses bénéfices considérables sur la santé. Des recherches menées par BMC indiquent qu’une réduction, même modérée, de l’engagement numérique quotidien peut contribuer à atténuer la dépression, à améliorer la qualité du sommeil et à abaisser le taux de cortisol chez de nombreuses personnes.
Ces dernières années, les travaux sur les avantages apportés par une diminution ou une limitation des habitudes numériques se sont multipliés. De nouveaux résultats prometteurs publiés par l’Université des sciences appliquées montrent de façon constante le lien entre une moindre exposition aux écrans et un meilleur état de bien‑être.
Une étude de trois semaines menée par BMC sur 125 étudiants ayant réduit leur temps devant les écrans a enregistré des progrès en matière de symptômes dépressifs, de stress, de qualité du sommeil et de bien‑être général. Mais une fois l’essai terminé et le retour aux habitudes numériques initiales, les chercheurs ont observé une remontée parallèle des troubles de santé mentale.
Passer trop de temps en ligne — en particulier sur les réseaux sociaux — a longtemps été associé à des conséquences néfastes sur la santé mentale. Cependant, une étude réunissant trois universités turques montre que cela vaut pour toutes les formes de connexions numériques.
Des recherches signées Cureus identifient ce phénomène sous le terme de « technostress », effet secondaire négatif du temps d’écran, qui se traduit par de l’anxiété, de l’irritabilité, de la frustration ou de l’épuisement. Cela est souvent lié à ce que la psychologie nomme le « FOMO » (fear of missing out, ou peur de rater quelque chose). Ce phénomène n’épargne pas le domaine professionnel, selon l’étude turque, car il stimule une utilisation excessive du smartphone après la journée de travail.
Harmony Healthcare IT a mené une enquête auprès de plus de 1000 Américains : 60 % de ceux qui souhaitent réduire leur usage du téléphone prévoient de remplacer ce temps par une autre activité, tandis que 57 % comptent désinstaller certaines applis « chronophages ». Au total, 53 % envisagent de diminuer leur consommation de smartphone en 2025, contre 33 % en 2023.
Si les effets négatifs d’une activité numérique excessive font consensus, certains experts affirment que les bienfaits durables d’une réduction du temps d’écran ne se manifestent que si elle s’accompagne de changements de mode de vie.

Réapprendre à déconnecter

« Le digital detox n’est pas une solution miraculeuse. L’usage de l’écran est profondément ancré, et un changement durable nécessite de petits ajustements constants plutôt que des périodes brèves d’abstinence totale », explique la neuroscientifique et auteure Emma Louth Als à Epoch Times.
Elle insiste : ce n’est pas tant l’écran le problème, mais ce qu’il remplace. Quand la connexion numérique prend la place d’une vraie sociabilité ou du repos, ce sont alors que se manifestent les impacts négatifs sur la santé mentale.
« Les écrans sont très stimulants. Ils sont conçus pour capter votre attention, car le cerveau réclame sans cesse nouveauté et excitation, note Mme Louth Als. Prendre des temps de pause permet au cerveau de ralentir et de se régénérer. »
Selon elle, la pression d’être constamment joignable empêche le cerveau de se reposer vraiment. Réduire le temps d’écran offre à l’esprit un espace pour se détendre et abaisser le stress.
Le psychothérapeute John McGuirk fait le même constat auprès de sa clientèle engagée dans des démarches de digital detox.
« D’abord, la qualité même de l’engagement numérique peut produire du stress, qu’il s’agisse de consommer en boucle des actus négatives ou de s’invectiver sur Internet. Ce type d’interaction engendre du stress, une humeur maussade ou de l’anxiété », indique-t‑il au média.
« Ensuite, la quantité d’activité numérique finit par laisser peu de place à d’autres activités positives qui pourraient améliorer le bien‑être. »
D’après ses observations, ce cercle vicieux empêche la récupération sur le plan émotionnel.
« Le taux de cortisol monte, reste élevé, ce qui affecte le rythme cardiaque, la tension, l’humeur, etc. »
Le temps passé en ligne ne cesse de croître : depuis 2013, il a progressé de près de 8 % selon une analyse d’Exploding Topics. Aux États-Unis, un habitant passe en moyenne 7 h 03 par jour devant un écran. Une autre étude montre que les adolescents américains y consacrent près de la moitié de leur temps d’éveil — soit 7 h 22 par jour.

Remobiliser l’attention

Quand le cerveau est saturé de notifications ou de contenus invitant à la comparaison, le cortisol grimpe dans un état d’hyper‑excitation, jusqu’à ce que le système nerveux ait l’occasion de se calmer, explique le psychologue Nick Bach au même média. Ses clients, lorsqu’ils font des pauses numériques, dorment mieux, sont moins irritables et évoquent une meilleure clarté mentale dès les premiers jours.
« Je recommande souvent de petits rituels quotidiens, comme une première heure sans écran ou une zone “sans techno” dans la maison. Cela réinitialise doucement sans trop éprouver de manque », illustre-t‑il.
Allumer son smartphone dès le réveil est corrélé à des pics de stress, d’anxiété et à une baisse de productivité, selon Blue Cross Blue Shield of Michigan.
John McGuirk conseille par exemple des « fenêtres numériques » : accorder cinq minutes de connexion à la fin de chaque heure permet de réduire les écrans sans bouleverser son mode de vie.
Mais pour lui, il est essentiel de trouver des alternatives positives à l’hyperconnexion. « C’est capital, et souvent négligé : si on arrête tout, on se retrouve à se demander : “et maintenant, que faire ?” Ce qui mène à reprendre l’ancienne habitude. Les alternatives peuvent passer par l’exercice, la créativité, le journal, la méditation, les rencontres en vrai ou les sorties dans la nature. »

Des joggeurs passent devant le Département d’État à Washington, le 28 mars 2025. (Madalina Vasiliu/Epoch Times)

Cainan Oliver, cofondateur du centre Found Recovery, adopte la même philosophie. « Nous ne retirons pas la technologie, nous aidons les gens à combler ce vide par quelque chose de réel : contacts, mouvement, art, temps dehors », explique-t‑il.
Spécialisé dans la santé mentale et l’addiction, M. Oliver a observé un phénomène récurrent : « Quand mes clients se sentent à nouveau ancrés, leur rapport aux écrans évolue naturellement. »
Pour lui, davantage de personnes aspirent à la sérénité plutôt qu’à la stimulation constante. « Nous avons été en surrégime des années, nos corps réclament désormais de l’équilibre. Le digital detox n’est pas un rejet de la technologie, mais une manière de se reconnecter à la vie réelle. »
Le Center for Internet & Technology Addiction indique que l’utilisateur moyen regarde son téléphone 142 fois par jour — une hausse de 12 % par rapport à 2024. Le centre note aussi une augmentation de 39 % des diagnostics de TDAH liés au multitâche numérique ; les utilisateurs de réseaux sociaux présentent un risque de dépression plus de trois fois supérieur.

Changer ses habitudes

Selon Emma Louth Als, il est difficile de changer ses comportements sans modifier l’environnement et les signaux quotidiens. On doit de toute façon continuer à consulter ses mails pros, à déposer des devoirs ou à effectuer mille tâches qui réclament un écran.
Elle insiste : un digital detox de courte durée a peu d’effet durable, car il ne « réinitialise » pas le cerveau.
« Mon mari et moi avons déjà essayé, mais nous sommes vite revenus à nos anciennes habitudes », confie-t‑elle.
Les habitudes, explique-t‑elle, mettent du temps à se transformer : « Si vous éliminez les écrans pendant une ou deux semaines puis les réintroduisez, vous tiendrez peut‑être quelques jours avant de replonger dans l’usage habituel. Pourquoi ? Parce que les connexions neuronales profondément ancrées trouvent une forte récompense dans l’interaction numérique. »
Le vrai changement s’opère quand on façonne une nouvelle routine sur plusieurs semaines ou mois.
C’est là qu’entrent en jeu les stratégies de réduction progressive. Pour M. Bach, réinitialiser le cerveau au cours d’une retraite permet d’évacuer l’encombrement mental et la tension physique, mais les petits ajustements quotidiens favorisent un équilibre plus sain entre numérique et réel.
John McGuirk donne un exemple : « Fixez‑vous des horaires où toute connexion numérique est proscrite, par exemple plus d’écran après 22 heures. »
« J’incite à penser l’ensemble de la journée pour repérer les plages dominées par les écrans. Une fois qu’on a identifié ces schémas, on peut les remplacer par des activités à plus forte valeur. » Au travail, Emma Louth Als suggère de désactiver les notifications mails et de ne consulter ses messages qu’au moment où l’on souhaite vraiment y répondre : « Sinon, cela génère du stress : lire un mail sans y répondre mobilise de l’énergie, car le cerveau doit s’en souvenir ensuite. Trop de micro‑tâches accumulées nuit à la sérénité. »
Pour lui, l’efficacité vient d’une réduction à la fois quantitative et qualitative du temps numérique.
Nick Bach pratique aussi une déconnexion totale de 48 heures chaque trimestre, ce qui lui permet de se sentir « ancré » et capable de se reconnecter intensément à lui‑même ou aux autres.
Enfin, M. Oliver conclut : « Quand je m’éloigne de mon téléphone, je découvre combien le monde est silencieux. Mes idées deviennent claires, et je me remets à observer ce qui m’entoure. »