Hongrie, Slovaquie, République tchèque : nouvelle alliance contre la position de l’UE sur l’Ukraine
Alors que l'UE lutte depuis plus de deux ans pour trouver un consensus sur le conflit ukrainien, la résistance contre la position actuelle s'intensifie en Europe centrale et orientale. La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque pourraient former une nouvelle contre-alliance.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (à g.) et le Premier ministre slovaque Robert Fico se sont prononcés à plusieurs reprises contre l'octroi de nouveaux fonds conjoints de l'UE à l'Ukraine. Photo : Ludovic Marin/AFP via Getty Images
Alors que les tensions persistent au sein de l’UE sur la question ukrainienne, de nouvelles alliances politiques se forment en Europe centrale et orientale. « La Hongrie souhaite former avec la République tchèque et la Slovaquie une alliance adoptant une position critique vis-à-vis de l’Ukraine », a déclaré cette semaine au magazine Politico Balázs Orbán (sans lien de parenté avec Viktor Orbán), directeur politique du Premier ministre Orbán.
D’après l’interview, le Premier ministre hongrois souhaite que les principaux dirigeants politiques des trois pays coordonnent leurs positions avant les sommets européens et présentent un front uni. Cela semble annoncer l’émergence d’un nouvel axe en Europe centrale et orientale, mené par Viktor Orbán, le Premier ministre slovaque Robert Fico et l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babiš.
Auparavant, ces trois pays avaient étroitement coopéré avec la Pologne face à la crise migratoire européenne, dans le cadre du groupe de Visegrád (V4). Cette alliance a longtemps été considérée comme un front uni contre la politique migratoire de Bruxelles et constituait un bloc influent au sein de l’UE.
Mais depuis le changement de gouvernement à Varsovie et le revirement politique de Donald Tusk, qui suit à nouveau une ligne plus conforme à l’UE, les relations entre Budapest et Varsovie se sont sensiblement refroidies. En raison de ces divergences, notamment sur la question ukrainienne, tout semble indiquer la formation d’un nouveau « Visegrád 3 ».
Des points de vue partagés sur l’Ukraine
Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, adopte généralement une position similaire à celle de Viktor Orbán sur les questions relatives à l’Ukraine. Par exemple, tous deux refusent les livraisons d’armes à l’Ukraine. À l’instar de M. Orbán, M. Fico mise également sur le dialogue avec Moscou et rejette fermement la politique de sanctions de l’UE.
M. Fico est également le politicien qui soutient Orbán lorsque son homologue hongrois entend bloquer les aides financières communes de l’UE à l’Ukraine ou de nouveaux emprunts à cet effet.
MM. Orbán et Fico s’accordent sur le fait que l’Ukraine ne doit pas devenir membre de l’OTAN. Au début de l’année, M. Fico a même déclaré que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN compromettrait les initiatives de paix et représenterait un risque considérable pour la sécurité, pouvant aller jusqu’à un troisième conflit mondial.
M. Orbán rejette catégoriquement l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, tandis que M. Fico ne l’exclut pas, à condition toutefois que les conditions nécessaires soient remplies.
Les deux pays ont également en commun leur dépendance persistante à l’égard des sources d’énergie russes. À l’instar de la Hongrie, la Slovaquie continue de couvrir une grande partie de ses besoins en gaz et en pétrole grâce aux livraisons russes. M. Fico rejette également la politique de l’UE visant à se détacher de ces sources d’énergie.
M. Babiš, dont le parti est sorti vainqueur des dernières élections en République tchèque, partage également ce point de vue. Son ralliement à ce duo pourrait renforcer encore davantage le rang des alliés critiques envers la guerre et sceptiques vis-à-vis de l’Ukraine. L’actuel ministre tchèque des Affaires étrangères a même averti dans une interview accordée à « Politico » que M. Babiš agirait comme la « marionnette d’Orbán » lors de la prochaine réunion du Conseil européen.
Recherche de nouveaux partenaires
À la question de savoir si une alliance cohérente pourrait se former au sein du Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’UE, M. Balázs a déclaré à Politico : « Cela va se produire, et cela deviendra de plus en plus visible. »
Il a également clairement indiqué que les efforts de la Hongrie pour forger une nouvelle alliance politique à Bruxelles dépassaient largement le cadre du Conseil européen. Le groupe de droite « Patriotes pour l’Europe » (Patriots for Europe), initié par le Premier ministre hongrois, est déjà le troisième groupe le plus important au Parlement européen et pourrait bientôt s’assurer de nouveaux alliés.
Le conseiller politique de Viktor Orbán a cité comme partenaires potentiels les « Conservateurs et réformistes européens » (CRE) ainsi que le groupe également de droite « Europe des nations souveraines » (ENS) – et n’a pas exclu une coopération « avec certaines forces de gauche ».
Les « Patriotes pour l’Europe » disposent en outre d’un vaste réseau de think tanks, présent non seulement à Bruxelles, mais aussi outre-Atlantique. Le confident de M. Orbán a déclaré : « Nous recherchons activement des partenaires et des alliés dans tous les domaines politiques. »
Viktor Orbán face à un défi
Bien que Viktor Orbán évoque un renforcement des forces patriotiques en Europe, il sera lui-même confronté à un défi de taille dans les mois à venir.
Le Premier ministre hongrois est au pouvoir sans interruption depuis 15 ans. Au printemps prochain, de nouvelles élections législatives auront lieu en Hongrie. Son principal adversaire, Péter Magyar, a de bonnes chances. Selon un sondage de « Politico », il pourrait même avoir de meilleures perspectives que M. Orbán lui-même.
Ce dernier accuse régulièrement Bruxelles de soutenir ses adversaires politiques. Son directeur politique a d’ailleurs réitéré cette accusation lors d’une récente interview. La Commission européenne, en revanche, voit la situation d’un tout autre œil. Elle a constaté à plusieurs reprises des violations du droit de l’UE par la Hongrie , ce qui a entraîné d’importantes réductions des financements européens accordés au pays ces dernières années.
De plus, il est régulièrement présenté comme la « marionnette de Poutine » en raison de sa position sur la guerre en Ukraine. Cette accusation a également été portée contre MM. Fico et Babiš.
Face aux vetos répétés de Budapest sur les questions de soutien à l’Ukraine et à l’adhésion du pays à l’UE, la suspension du droit de vote de la Hongrie au sein de l’UE a même été évoquée à Bruxelles.
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