Gand se parcourt très bien à pied, et j’aime flâner dans la vieille ville de cette cité extrêmement flamande, où la langue maternelle est le néerlandais, mais où tout le monde parle aussi anglais.
Je commence sur une place appelée
Korenmarkt (marché au grain), le centre du Gand historique. Celle-ci ressemble encore beaucoup à ce qu’elle était vers 1500, lorsque Gand comptait parmi les plus grandes villes d’Europe, hérissée de tours qui montaient vers le ciel, riche en œuvres d’art et grouillante de citoyens travailleurs et prospères. À l’époque, la population de Gand s’élevait à environ 65.000 habitants : au nord des Alpes, seul Paris était plus grand. Les deux tiers de ses citoyens travaillaient dans le textile, ce qui faisait de Gand sans doute la première ville industrielle d’Europe. Avec sa richesse, elle devint la fière cité aux tours élancées que l’on peut voir aujourd’hui.
Près de la place, je me promène sur le pont Saint-Michel, qui offre le meilleur panorama à 360 degrés de Gand. La voie d’eau sous mes pieds, désormais sillonnée par des bateaux chargés de touristes, était le port animé de la ville. Le long du quai s’alignent plusieurs maisons de corporations richement décorées, salles de réunion des bateliers, marchands de grains et peseurs de la ville.
Me retournant, je m’éloigne ensuite de la rivière. Au-delà d’une église médiévale se dresse le grand toit en bois de la halle aux grains. Il y a à peine quelques décennies, cet espace n’était rien de plus qu’un parking disgracieux. Aujourd’hui, c’est une place publique, partiellement abritée par le toit moderne à double pignon de la halle, censé évoquer les toits du Gand médiéval. Si de nombreux habitants apprécient ce marché, certains trouvent son style avant-gardiste discordant. On l’a surnommé la « bergerie » ou la «
halle de la honte ».
Juste à côté se trouve le
beffroi. Bien que la majeure partie de cette tour se dresse ici depuis le XIVᵉ siècle, sa flèche néogothique sommitale a été ajoutée lorsque Gand accueillit fièrement une exposition universelle en 1913. Les visiteurs gravissent le beffroi pour partager la vue convenable, si ce n’est époustouflante, des gargouilles sur la ville.
De l’autre côté du beffroi se trouvent la place Saint-Bavon et le principal monument de Gand : la cathédrale Saint-Bavon. Cette imposante église gothique abrite la perle de la peinture flamande, le retable de Gand, également connu sous le nom d’
Adoration de l’Agneau mystique, ou
l’Agneau mystique. L’œuvre de Jan et Hubert van Eyck a été qualifiée de peinture la plus influente de l’art européen. Elle est considérée comme le premier chef-d’œuvre réalisé à la peinture à l’huile et le premier à représenter le réalisme cru du monde quotidien. Hubert commença la peinture, mais après sa mort, son frère cadet plus connu, Jan, acheva sa vision en 1432, franchissant une étape colossale dans l’art d’Europe du Nord, passant de la rigidité médiévale à l’humanisme de la Renaissance.
L’œuvre est monumentale : large de 4,50 mètres et haute de 3,35 mètres, elle se compose d’une douzaine de panneaux séparés représentant des centaines de personnages et pèse plus d’une tonne. Son panneau central montre des pèlerins rassemblés pour honorer l’Agneau de Dieu (représentant Jésus), tandis que d’autres panneaux dépeignent l’Annonciation, Adam et Ève, la Vierge Marie et Jean-Baptiste. Elle défie les visiteurs par son symbolisme complexe, sa multitude de détails riches et son ampleur pure, mais elle récompense ceux qui sont prêts à investir le temps nécessaire pour tout assimiler.
D’une manière ou d’une autre, le retable de Gand a survécu pendant six siècles. Il a été victime d’une demi-douzaine de vols d’art, peut-être la peinture la plus volée qui existe. Même Hitler l’a réclamé comme butin de guerre. En 1934, quelqu’un s’introduisit dans Saint-Bavon et vola le panneau des Juges intègres et, près d’un siècle plus tard, le panneau n’a toujours pas refait surface. À sa place se trouve une copie de premier ordre, et le vol demeure le plus grand mystère artistique non résolu de Belgique.
Quittant l’église, je marche vers le nord jusqu’à atteindre Hoogpoort, la rue principale du Gand médiéval. Je me dirige vers le château au bout de cette ruelle, le
château des Comtes, aussi appelé
Gravensteen.
Construite en 1180, cette forteresse de pierre brute n’était pas conçue pour protéger les habitants de Gand, mais pour intimider les citoyens de la ville, épris d’indépendance. On ressent vraiment l’atmosphère du monde médiéval en serpentant à travers ses tours et en parcourant ses remparts. Il possède toutes les parties d’un château typique : cour et donjon, salle du trône, chapelle, cachot de 5,50 mètres de profondeur et hautes murailles. À l’intérieur, on trouve des présentations d’épées et d’armures authentiques, ainsi qu’une guillotine qui fut utilisée pour la dernière fois en 1861.
Comme elle est si proche de Bruxelles et de Bruges, à environ 30 minutes des deux, Gand est une destination prisée pour les excursions d’une journée. Mais c’est le genre de ville qui donne à beaucoup de ceux qui ne la visitent que quelques heures l’envie d’y rester plus longtemps.