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Solitude extrême des personnes âgées en France : 750 000 séniors en situation de « mort sociale »

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Les mains d'une personne âgée sur une table en bois à Pont-Audemer le 27 août 2025.

Photo: JOEL SAGET/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

La France traverse une crise silencieuse d’une ampleur inédite. En l’espace de huit ans seulement, le nombre de personnes âgées plongées dans une solitude absolue a bondi de 150%, selon l’association Les Petits Frères des pauvres.
Ce mardi, l’organisation tire la sonnette d’alarme : 750 000 seniors vivent désormais en situation de « mort sociale », un isolement si profond qu’ils ne rencontrent jamais ou presque jamais personne.
Une progression alarmante en moins d’une décennie
Ces chiffres, issus d’une étude menée par l’institut CSA en avril dernier, dressent le portrait d’une société qui abandonne ses aînés. Ces 750 000 personnes, représentant 4% des 18 millions de Français de plus de 60 ans, ont rompu tout contact avec leur entourage familial, amical, de voisinage ou associatif. Depuis 2017, le baromètre des Petits Frères des pauvres mesure cet isolement en scrutant ces quatre cercles de sociabilité, révélant une détérioration continue et inquiétante.
Le Covid, accélérateur d’une détresse préexistante
La progression s’avère particulièrement brutale ces dernières années. Par rapport au baromètre de 2021, établi en pleine pandémie, le nombre de seniors en mort sociale a grimpé de 42%. Mais c’est la comparaison avec 2017 qui glace le sang : ils étaient alors 300 000, soit deux fois et demi moins qu’aujourd’hui.
L’association pointe deux facteurs principaux. D’abord, le vieillissement démographique de la population française crée mécaniquement davantage de personnes vulnérables. Ensuite, la crise sanitaire a brisé des liens sociaux déjà fragiles. Les personnes les plus isolées n’ont jamais reconstitué le tissu relationnel qu’elles entretenaient avant les confinements, comme si la pandémie avait définitivement rompu leurs dernières attaches avec le monde extérieur.
Des destins brisés par la solitude
Michelle S., 83 ans, incarne ces trajectoires de vie qui mènent à l’isolement total. Ancienne formatrice dans une multinationale, elle n’a jamais fondé de famille. « Je n’ai jamais été mariée et n’ai pas eu d’enfants. Je me suis beaucoup occupée de mes parents et, à leur mort, je me suis retrouvée dans une grande solitude », confie-t-elle. Pour échapper à ce vide, elle a trouvé refuge dans l’alcool. Aujourd’hui, ses contacts humains se limitent à une conversation occasionnelle avec une amie vivant en province et une promenade mensuelle avec des voisins.
Daniel L., 77 ans, a basculé dans cette spirale après le décès de sa femme en 2021. « Ni moi ni ma sœur n’avons d’enfant. Mes amis ont des problèmes de santé, je les ai perdus de vue », explique cet ancien technicien chimiste. Son témoignage illustre comment un événement peut précipiter dans l’isolement des personnes qui disposaient encore de quelques liens sociaux.
La famille, un rempart qui s’effrite
Le baromètre révèle également l’effondrement des solidarités familiales. Près de 1,5 million de personnes âgées ne voient jamais ou quasi jamais leurs enfants et petits-enfants, contre seulement 470 000 en 2017. À cela s’ajoutent 3,2 millions de seniors sans descendance, privés de ce premier cercle de protection naturel contre l’isolement.
Un taux de suicide témoin d’un désespoir absolu
Cette solitude extrême tue, littéralement. Le taux de suicide chez les 85-94 ans atteignait 35,2 pour 100 000 habitants en 2022, soit le double de celui de la population générale. Un chiffre qui traduit le désespoir absolu de ceux que la société a oubliés.
Les Petits Frères des pauvres identifient plusieurs facteurs de risque conduisant à cette mort sociale : l’absence de famille proche, la fracture numérique, la précarité financière et la perte d’autonomie. Des vulnérabilités qui, combinées, transforment des vies en existences fantômes, invisibles aux yeux de tous.
Avec AFP