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Proxénétisme de mineures vulnérables : des hommes jugés à Toulouse pour avoir prostitué des adolescentes

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Une femme entre dans le palais de justice de Toulouse, le 23 septembre 2022.

Photo: CHARLY TRIBALLEAU/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Le tribunal correctionnel de Toulouse examine depuis lundi un dossier glaçant : deux réseaux de jeunes proxénètes présumés accusés d’avoir exploité des mineures vulnérables. Cette affaire, loin d’être isolée, illustre une tendance préoccupante qui touche l’ensemble du territoire français, de Toulouse à Marseille en passant par la région parisienne.
« Ce sont des jeunes filles qui sont dans la précarité émotionnelle, sociale, psychologique », a témoigné le caporal-chef Nathalie Herail, enquêtrice de la section de recherches de la gendarmerie de Toulouse. Ces adolescentes, souvent placées en foyer ou sous mesures éducatives, présentent un profil de fragilité extrême.
« Elles ne se considèrent pas comme victimes »
Le plus troublant reste leur rapport à leur propre situation. « Elles ne se considèrent pas comme victimes, c’était assez fou pour nous », a souligné la gendarme. Cette absence de conscience victimaire, selon les associations spécialisées, constitue une constante dans ces affaires de plus en plus nombreuses devant les tribunaux.
L’enquêtrice a cité le cas d’Anna, dont le prénom a été modifié : « C’est comme si elle avait trouvé une manière d’exister, comme si elle n’avait pas existé avant, et que le fait de pouvoir s’acheter des vêtements et des produits de luxe, c’était une manière d’exister. »
L’enfer derrière les apparences de luxe
Mais cette « manière d’exister » cache une réalité cauchemardesque. Anna, qui avait 15 ans à ses débuts, se prostituait « de 11h00 à 05h00 du matin », soit entre 20 et 30 clients quotidiens. Lorsqu’elle a tenté d’échapper à cet engrenage en contactant le principal prévenu pour lui dire qu’elle n’en pouvait plus, sa réponse fut implacable : elle avait « donné son cœur à la street » et c’est lui qui déciderait quand elle pourrait arrêter.
Une organisation calquée sur le trafic de drogue
Le principal accusé, âgé de 29 ans, fait figure de vétéran dans cette affaire où la majorité des protagonistes ont moins de vingt ans. Il aurait dirigé le premier réseau depuis sa cellule de la prison de Béziers, avant que certains de ses associés ne créent leur propre structure.
« Il est évident que c’était un mode d’organisation très, très similaire à ceux des trafics de stupéfiants », a analysé Nathalie Herail. Grâce aux interceptions téléphoniques, surveillances physiques et investigations bancaires, les enquêteurs ont pu décrypter une hiérarchie précise : des hommes assurent la sécurité et escortent les victimes, d’autres collectent les gains, tandis qu’un troisième groupe gère et transfère les sommes.
Des profits colossaux sur le dos des mineures
Les chiffres donnent le vertige. Souvent droguées au protoxyde d’azote, les jeunes femmes devaient atteindre un chiffre d’affaires quotidien de 1 200 euros. Sur cette somme, 200 euros revenaient à l’escort, les 1 000 euros restants étant partagés à parts égales entre le proxénète et la victime.
Entre fin octobre 2023 et début janvier 2024, les gains du réseau ont été évalués à minimum 220 000 euros. Pourtant, lorsque ce montant a été évoqué devant Anna lors de sa garde à vue, elle leur « avait ri au nez », affirmant qu’ils étaient « très en-deçà » de la réalité.
Une criminalité transfrontalière
L’enquête a révélé que l’exploitation s’étendait bien au-delà de la région toulousaine. Les jeunes femmes étaient également prostituées dans des appartements parisiens et lors de déplacements en Suisse et en Belgique, démontrant la dimension internationale de ces réseaux.
Le procès symbolique d’un fléau grandissant
Face au tribunal correctionnel de Toulouse, plusieurs prévenus ont reconnu dès l’ouverture de l’audience leur participation aux réseaux. Le procès, qui se poursuivra jusqu’à vendredi, concerne quatorze adultes. Huit autres individus, mineurs au moment des faits, comparaîtront ultérieurement devant le tribunal pour enfants de Toulouse.
Cette affaire, par son ampleur et sa complexité, illustre la nécessité d’une intervention rapide des forces de l’ordre pour protéger des victimes souvent incapables de se reconnaître comme telles, prises au piège d’une spirale d’exploitation qui se pare des atours du luxe et de la réussite.
Avec AFP