Protection de l’enfance numérique : l’Europe à l’offensive pour serrer la vis aux géants de la tech

Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne et commissaire chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie.
Photo: Omar Havana/Getty Images
L’Union européenne a frappé un grand coup vendredi en interpellant quatre mastodontes du numérique sur leurs pratiques en matière de protection des mineurs. Apple, Google, Snapchat et YouTube se retrouvent dans le viseur de la Commission européenne, qui exige des explications détaillées sur leur conformité au règlement DSA (Digital Services Act).
Cette offensive intervient alors qu’un nombre croissant d’États membres réclament l’interdiction pure et simple des réseaux sociaux pour les plus jeunes.
Des failles béantes dans la protection de l’enfance numérique
La commissaire européenne au Numérique, Henna Virkkunen, n’a pas mâché ses mots : « Lorsque les enfants utilisent des services en ligne, de très hauts niveaux de protection de la vie privée et de sécurité doivent s’appliquer, et ce n’est pas toujours le cas. » Cette déclaration, faite lors d’une réunion des ministres européens des télécoms au Danemark, marque un tournant dans la politique de régulation numérique européenne.
Face à ces manquements, Bruxelles a décidé de durcir le ton en envoyant des demandes d’information formelles aux plateformes concernées. Ces démarches, bien que n’étant pas encore des enquêtes officielles, constituent néanmoins un avertissement sérieux pour les entreprises technologiques.
L’Apple Store et Google Play dans la tourmente
Les préoccupations de la Commission européenne concernant les magasins d’applications d’Apple et Google sont particulièrement alarmantes. Les autorités s’inquiètent de la facilité avec laquelle les mineurs peuvent télécharger des contenus potentiellement dangereux ou carrément illégaux. Parmi les exemples cités : des applications de paris en ligne et des logiciels permettant de créer des contenus à caractère sexuel en dénudant des photographies.
Cette accessibilité pose une question fondamentale : comment ces géants de la tech, qui disposent de ressources considérables, peuvent-ils laisser passer de telles failles dans leurs systèmes de contrôle ?
Snapchat et YouTube sous surveillance renforcée
Le réseau social Snapchat fait l’objet d’une attention particulière de la part de Bruxelles. La Commission veut comprendre comment la plateforme vérifie l’âge de ses utilisateurs et quelles mesures concrètes elle déploie pour empêcher les mineurs d’accéder à des contenus problématiques. Les autorités européennes pointent notamment du doigt l’utilisation du réseau pour l’achat de vapoteuses, de cigarettes électroniques jetables type « puffs », voire de substances illicites.
YouTube n’est pas en reste. La plateforme vidéo de Google devra justifier ses méthodes de vérification d’âge et expliquer comment cette information influence ses algorithmes de recommandation. Ce n’est pas la première fois que YouTube se retrouve épinglé pour avoir proposé des contenus inappropriés à un jeune public.
Les réponses des plateformes : entre engagement et relativisation
Interrogé par l’AFP, Snapchat s’est voulu rassurant, affirmant agir pour offrir « un environnement qui place en priorité la sécurité » de ses utilisateurs. Google, de son côté, a rappelé collaborer « depuis des années avec des experts en développement de l’enfant » pour proposer des expériences adaptées, notamment via des contrôles parentaux et des protections pour les jeunes utilisateurs.
Ces déclarations suffiront-elles à convaincre les autorités européennes ? Rien n’est moins sûr, d’autant que le DSA prévoit des sanctions financières colossales pouvant atteindre 6% du chiffre d’affaires mondial des entreprises contrevenantes.
Une vague d’interdictions se dessine en Europe
Au-delà de ces procédures administratives, un mouvement de fond se dessine au sein de l’Union européenne. Vingt-cinq pays membres, aux côtés de la Norvège et de l’Islande, ont signé vendredi une déclaration commune appelant à renforcer drastiquement la protection des mineurs en ligne.
Le Danemark, qui assure actuellement la présidence tournante de l’UE, mène la charge en annonçant son intention d’interdire plusieurs réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Cette initiative s’inscrit dans une réflexion plus large lancée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur la mise en place d’un âge de majorité numérique harmonisé à l’échelle européenne.
L’avenir numérique de nos enfants en jeu
Un panel d’experts a été mandaté pour remettre ses recommandations d’ici la fin de l’année. Comme le souligne la déclaration commune des ministres : « Il est crucial d’approfondir notre connaissance des effets de l’environnement numérique sur la santé des enfants. Nous ne pouvons pas laisser les réseaux sociaux décider des limites d’âge. »
Cette offensive européenne marque un tournant décisif dans la régulation du numérique. Après avoir ciblé Meta, TikTok, X et AliExpress, Bruxelles étend son filet à l’ensemble de l’écosystème numérique. Le message est clair : la protection de l’enfance en ligne n’est pas négociable.
Avec Afp

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