Narcotrafiquantes à Avignon : des prévenues bien plus que des petites mains

L''entrée du commissariat d'Avignon.
Photo: GERARD JULIEN/AFP via Getty Images
Anaïs E., 27 ans, n’incarnait pas les rôles subalternes du deal. Pendant trois ans, cette jeune femme a contrôlé les finances du point de deal du Ponzo, dans le quartier déshérité de Monclar à Avignon. Un poste de confiance qui lui rapportait entre 400 et 500 euros quotidiens, quand les « bons jours » générait 10 000 euros pour l’ensemble du réseau.
Jugée depuis lundi aux côtés de quinze autres prévenus, Anaïs reconnaît son rôle actif : supervision, ravitaillement en drogues, et surtout gestion comptable du point de vente. « J’étais dans un film », lâche-t-elle du box, avant d’ajouter que la prison lui a été « bénéfique ». Détenue depuis plus de deux ans, elle y a même obtenu son baccalauréat.
Une adolescente qui bascule vers le crime
Derrière cette gestionnaire de trafic se cache une adolescence tourmentée. Anaïs E. trace les contours de son parcours : divorcé des parents à dix ans, elle cherchait « refuge dehors » et « n’a pas choisi les meilleurs choix ». Son curriculum judiciaire débute avant sa majorité.
Mais sa position de gérante du Ponzo – un point de deal convoité par les rivaux du quartier de la Reine Jeanne – en fait une cible. Le 24 décembre 2022, elle échappe miraculeusement à une tentative de meurtre. Son ex-compagne, Camilla C., sera elle blessée lors de cette attaque.
Camilla, chauffeure ou complice ?
Camilla C., jugée également, conteste sa participation active au trafic. Elle assure avoir été cantonnée au rôle de « chauffeure » auprès d’Anaïs, sa compagne pendant trois ans. Elle dément aussi toute implication dans une expédition punitive.
L’ex-petite amie d’Anaïs réfute les accusations avec fermeté : pas de drogue touchée, pas de violence commise. Le tribunal doit trancher entre sa version et les preuves accumulées.
Miryam, du tramway belge au trafic du sud
Miryam S., la troisième femme du dossier, incarnait un autre profil : une diplômée ayant travaillé comme conductrice de tramway en Belgique. Entendue par visioconférence depuis une autre ville où elle reste sous contrôle judiciaire, elle résume son basculement : « J’étais en rupture familiale, amoureuse et consommatrice ».
Au Ponzo, elle était « détailleuse » pour 150 euros par jour. Elle conditionnait le cannabis et la cocaïne, rendait des services. Ses compétences lui ont valu d’assurer « une fonction de gérance pour quelques jours » lors des absences d’Anaïs.
La fuite et l’argent sale
Le tournant arrive avec la mort d’un homme pour lequel Miryam avait « des sentiments ». Cet homicide, apparemment commandité par son propre clan, lui fait mesurer le danger. Elle s’enfuit avec la recette du jour : 30 000 euros et un 9mm dans le coffre.
« Je suis partie avec l’argent, j’avais de la haine, de la colère », confie-t-elle. Les membres du réseau l’ont traquée en « claquettes, tenue de plage et voiture personnelle ». Elle aussi devint une proie du système qu’elle servait.
Un contexte de guerres claniques
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large : des règlements de comptes entre clans rivaux en Vaucluse. Le trafic de stupéfiants prospère désormais au-delà d’Avignon, s’implantant dans les petites villes comme Cavaillon ou Carpentras. Les deux frères Badr et Faycal J., chefs de réseaux, sont également jugés depuis lundi.
Les peines requises : du sursis à dix ans
Anaïs fait face à une demande de sept ans de prison. Le procureur a réclamé trois ans et huit mois pour Miryam et Camilla, avec des périodes de sursis probatoire. La peine la plus lourde – dix ans – a été requise contre l’une des têtes de réseau.
Anaïs, qui promet une « nouvelle vie » où elle « achète une baguette comme tout le monde », sera fixée sur son sort en fin de semaine. Le tribunal doit aussi évaluer le rôle réel de Camilla et juger Miryam pour son implication dans ce microcosme violent du deal du sud de la France.
Avec AFP

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