Mortalité néo-natale en France : les inégalités sociales au cœur de son augmentation alarmante

Une jeune mère portant son nouveau-né (à dr.) arrive pour une consultation médicale dans le véhicule de l'unité mobile médicale « Opti'soins » pour les jeunes mères et les femmes enceintes à Condat, dans le centre de la France, le 28 mars 2024.
Photo: JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/AFP via Getty Images
Une nouvelle recherche éclaire d’un jour nouveau l’évolution préoccupante de la mortalité des nouveaux-nés en France. Selon une étude parue mardi dans BMJ Medicine, cette dégradation touche exclusivement les territoires les plus défavorisés du pays.
Depuis 2011, l’Hexagone observe une remontée progressive de sa mortalité infantile, qui est passée de 3,5 à 4,1 décès pour 1.000 naissances vivantes en 2024.
Cette tendance, principalement alimentée par les décès survenant durant le premier mois de vie, contraste singulièrement avec la situation de la plupart des nations européennes qui maintiennent leurs indicateurs à la baisse ou stabilisés.
Un mystère sanitaire hexagonal
Cette singularité française a longtemps intrigué les épidémiologistes. Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer cette dégradation : vieillissement maternel à l’accouchement, multiplication des grossesses multiples, ou encore évolution des pratiques obstétricales. Cependant, aucune de ces explications ne permettait de comprendre pleinement pourquoi la France se distinguait ainsi de ses voisins européens.
Une investigation territoriale minutieuse
Les équipes scientifiques de l’Inserm, de l’Université Paris Cité, de l’Inrae, de l’Université Paris Nord et de l’AP-HP ont adopté une approche novatrice en analysant la répartition géographique du phénomène. Pour mener leur investigation, ils ont établi une classification des communes françaises en cinq catégories distinctes, basée sur un indicateur composite particulièrement sophistiqué.
Cet indice de défavorisation intègre plusieurs variables socio-économiques déterminantes : les niveaux de revenus des habitants, les taux de chômage locaux, la proportion de locataires dans le parc immobilier, ainsi que la part de population immigrée. Cette approche multidimensionnelle permet de dresser un portrait précis du degré de précarité de chaque territoire.
Des résultats sans équivoque : une France à deux vitesses
Le croisement de ces données socio-économiques avec les statistiques de mortalité néonatale révèle une réalité saisissante et sans appel. L’augmentation de la mortalité des nouveaux-nés ne concerne que les deux groupes de communes les plus précaires, avec une concentration particulièrement marquée dans les zones les plus défavorisées. Parallèlement, les trois autres catégories territoriales maintiennent des niveaux de mortalité néonatale parfaitement stables.
Cette géographie de la mortalité infantile dessine ainsi une France à deux vitesses, où les conditions socio-économiques déterminent directement les chances de survie des nouveau-nés. L’étude établit donc de manière irréfutable que les inégalités territoriales constituent le facteur explicatif principal de cette spécificité française troublante.
Un puzzle aux multiples facettes
Bien que l’impact déterminant des inégalités socio-économiques soit désormais établi scientifiquement, les mécanismes précis par lesquels ces disparités influencent la mortalité néonatale demeurent à élucider.
Victor Sartorius, chercheur principal de l’étude, souligne que « l’accès aux soins et la capacité des résidents à se saisir du système de santé est réduit dans les territoires défavorisés ».
Accessibilité aux soins et facteurs de risque
Cette problématique de l’accessibilité aux soins constitue probablement l’un des leviers les plus importants. Dans les communes défavorisées, les familles font face à des obstacles multiples : éloignement des structures spécialisées, délais d’attente prolongés, difficultés de transport, ou encore méconnaissance des dispositifs disponibles.
Les chercheurs explorent également d’autres pistes explicatives complémentaires qui s’entremêlent dans un contexte de précarité. La prévalence plus élevée de facteurs de risque comme l’obésité maternelle et le tabagisme dans les milieux populaires contribue directement aux complications périnatales. Ces comportements, souvent liés aux conditions de vie difficiles et au stress chronique, augmentent mécaniquement les risques de décès néonatal.
Des pathologies fœtales graves non accompagnées
Enfin, les disparités touchent également les choix médicaux les plus complexes, notamment les décisions concernant les interruptions médicales de grossesse en cas de pathologies fœtales graves. Ces situations, qui mobilisent des considérations éthiques et personnelles profondes, peuvent être influencées par les conditions socio-économiques et l’accès à un accompagnement médical de qualité.
Cette recherche ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour comprendre et combattre efficacement cette spécificité française, en ciblant prioritairement les territoires les plus vulnérables.

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