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Les pays d’Asie du Sud-Est cherchent à se concilier avec l’Amérique tout en équilibrant les liens avec la Chine

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Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien To Lam et le secrétaire général du Parti communiste chinois Xi Jinping passent en revue la garde d'honneur au palais présidentiel de Hanoï, le 14 avril 2025.

Photo: Luong Thai Linh/Pool/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 15 Min.

Les récents contacts de Pékin avec les pays d’Asie du Sud-Est, notamment le voyage du dirigeant chinois Xi Jinping au Vietnam, en Malaisie et au Cambodge, ont donné lieu à des échanges et à des engagements visant à approfondir leur coopération économique. En revanche, les efforts du Parti communiste chinois (PCC) pour trouver une cause commune et former avec ces pays une alliance face au durcissement des politiques commerciales des États-Unis ont été moins fructueux.
Lors de la première tournée de Xi Jinping à l’étranger en 2025, effectuée du 14 au 18 avril, la Chine a signé des dizaines d’accords avec chacun des pays visités. Il s’agissait pour la plupart de protocoles d’accord sur la coopération dans des domaines tels que les infrastructures, l’intelligence artificielle (IA), l’agriculture et le commerce.
Dans le même temps, les gouvernements d’Asie du Sud-Est ont pris des mesures pour conclure des accords avec Washington après que Donald Trump a mis une pause de trois mois à l’application de ses tarifs douaniers réciproques qui visaient de nombreux pays.
Les pays d’Asie du Sud-Est, en plus de construire leurs propres bases industrielles, sont devenus des destinations attrayantes pour les fabricants chinois qui cherchent à contourner les droits de douane américains. Ces fabricants vendent leurs marchandises à ces pays, qui les ré-étiquettent ou les modifient légèrement et les revendent ensuite aux États-Unis, une pratique appelée réexpédition ou transbordement.
Le volume des échanges commerciaux entre les États-Unis et les pays d’Asie du Sud-Est a atteint 476,8 milliards de dollars en 2024, les exportations américaines représentant 124,6 milliards de dollars, selon le Bureau du représentant américain au Commerce (Office of the United States Trade Representative).
La même année, le volume des échanges entre la Chine et l’Asie du Sud-Est a atteint 982,3 milliards de dollars, selon l’agence de presse d’État chinois Xinhua. Un rapport d’Asia Society Policy Institute, publié en février, note que si les exportations de la Chine vers la région ont continué d’augmenter, le volume des marchandises qu’elle importe des pays d’Asie du Sud-Est a à peine progressé.
Les responsables américains ont montré du doigt la réexpédition, dont le volume s’est déjà envolé à la suite de l’imposition à la Chine par Washington des tarifs douaniers lors de la première administration Trump. Cette question, ainsi que l’augmentation des importations de produits américains, est un facteur important pour l’Amérique dans ses négociations commerciales avec les pays d’Asie du Sud-Est.
Bloc anti-américain peu probable
Sun Kuo-hsiang, professeur au département des Affaires internationales de l’université Nanhua à Taïwan, a expliqué à Epoch Times que les démarches de l’État-parti chinois visent à convaincre ses voisins de créer un front uni contre les États-Unis et d’établir la Chine comme la force dominante de l’Asie du Sud-Est.
Les droits de douane américains sur les marchandises en provenance du Vietnam, de la Malaisie et du Cambodge étaient initialement fixés à 46 %, 24 % et 49 %, respectivement, mais ont été ramenés au taux global de 10 % le 9 avril dernier.

Donald Trump s’exprime lors de l’annonce de l’événement « Make America Wealthy Again  » dans la roseraie de la Maison-Blanche, le 2 avril 2025. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Lors d’une conférence de presse tenue le 17 avril, He Yadong, porte-parole du ministère chinois du Commerce, n’a pas explicitement mentionné les tarifs américains, mais a déclaré que la tournée de Xi Jinping était l’occasion de travailler avec les pays voisins et de renforcer les chaînes d’approvisionnement.
Bien que Xi Jinping ait reçu un accueil chaleureux de la part de ses hôtes, M. Sun estime que la tentative de Pékin de créer « une forme d’alliance anti-américaine » a peu de chances de porter ses fruits, étant donné que les pays d’Asie du Sud-Est « préfèrent garder leurs distances [avec la Chine] et adopter une stratégie diplomatique pragmatique » basée sur leurs intérêts nationaux fondamentaux.
Ces pays accordent une grande importance aux relations commerciales avec l’Amérique et aux débouchés que ces relations leur offrent, et traitent donc les initiatives de la Chine avec une grande prudence, a indiqué M. Sun.
« Ils craignent de paraître trop favorables à la Chine de peur de s’exposer à des sanctions de la part des États-Unis », a-t-il ajouté, et ne sont pas disposés à sacrifier leur capacité de négociation économique pour aider Pékin à atteindre ses objectifs stratégiques.
Lutte contre le « blanchiment de la production » chinoise
Les pays visités par Xi Jinping n’ont pas été enclins à répéter les propos du PCC concernant les États-Unis.
Le 18 avril, dernier jour de la tournée de Xi Jinping, le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh a souligné le « lien unique » de son pays avec les États-Unis, ajoutant que Hanoï avait « largement répondu aux préoccupations américaines » en réduisant les taxes et en augmentant les importations de produits américains. Le Vietnam « reste prêt à s’engager dans des discussions et des négociations », selon un message publié sur le site web du gouvernement vietnamien.
Dans une directive du ministère vietnamien du Commerce vue par Reuters, Hanoï a demandé à ses fonctionnaires de mettre la pression sur la réexpédition et autres formes de « fraude commerciale », soulignant que de telles pratiques compliqueraient les efforts du Vietnam pour « éviter les sanctions que les autres pays appliqueront aux produits étrangers ».
Bien que la directive ne nomme ni la Chine, ni les États-Unis, « les importations de marchandises du Vietnam proviennent à près de 40 % de Chine, tandis que Washington a ouvertement accusé Pékin d’utiliser le pays d’Asie du Sud-Est comme plaque tournante de la réexpédition pour éviter les tarifs douaniers américains », peut-on lire dans l’article du 22 avril de Reuters.
Cette directive est datée du 15 avril, le jour où Xi Jinping a quitté le Vietnam pour la Malaisie.
De son côté, Bloomberg, dans un article du 18 avril, a rappelé que le Vietnam a été l’un des premiers pays à tendre la main aux États-Unis après l’annonce des nouveaux tarifs douaniers. Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, To Lam, a appelé Donald Trump pour discuter du commerce le 4 avril, deux jours après que les tarifs de 46 % ont été imposés au Vietnam le « jour de la libération ».

Une vendeuse attend des clients au marché Tan Binh, le plus grand marché de vêtements et de textiles à Hô Chi Minh-Ville, au Vietnam, le 3 avril 2025. (Thanh Hue/Getty Images)

Le Vietnam, fournisseur de nombreuses entreprises occidentales en Asie du Sud-Est, est fortement tributaire des importations de matières premières et produits semi-finis chinois.
Selon les données des douanes vietnamiennes, l’excédent commercial du pays avec les États-Unis en 2024 s’élevait à 123 milliards de dollars. Au cours des trois premiers mois de 2025, Hanoï a exporté pour 31,4 milliards de dollars de marchandises aux acheteurs américains, tandis que la valeur des importations chinoises au Vietnam au cours de la même période s’élevait à 30 milliards de dollars.
Le Cambodge, considéré comme ayant des relations plus étroites avec la Chine communiste que le Vietnam, a également pris des mesures pour mettre un frein à la réexpédition de marchandises chinoises.
Selon le Cambodia China Times, un média en langue chinoise basé dans le pays, le gouvernement cambodgien a publié des règlements modifiés immédiatement après le retour de Xi Jinping en Chine. Ces règlements stipulent des mesures plus strictes pour empêcher que le Cambodge ne soit utilisé comme une « plaque tournante du blanchiment de la production » pour les marchandises chinoises.
Le 16 avril, le vice-premier ministre cambodgien Sun Chanthol a dirigé la délégation du pays dans une première série de négociations commerciales par vidéoconférence avec le représentant américain au Commerce Jamieson Greer. La proposition de réglementation de la réexpédition a été discutée dans le cadre des efforts déployés par Phnom Penh pour que Washington abaisse ou renonce aux droits de douane de 49 % qu’il a envisagé d’imposer sur le pays.
Équilibrer les liens
Comme dans le cas du Vietnam, l’administration Trump a également critiqué le Cambodge pour avoir aidé les fabricants chinois à échapper aux droits de douane américains.
En ce qui concerne la coopération entre le Cambodge et la Chine, le Premier ministre cambodgien, Hun Manet, a souligné que les « liens de toute éternité » que lui et Xi Jinping ont promus lors de leur rencontre étaient fondés sur l’égalité et les avantages mutuels, mais qu’il était hors de question que le Cambodge soit “contrôlé” par la Chine ou qu’il « perde sa souveraineté » au profit de cette dernière.
Hun Manet a ajouté que si la base navale de Ream, récemment ouverte, a été modernisée avec le soutien de la Chine et que les deux pays ont lancé des exercices militaires conjoints après la visite de Xi Jinping, cette base n’est pas destinée à l’usage exclusif de Pékin. Le 19 avril, deux navires militaires japonais ont accosté au port, devenant ainsi les premiers navires étrangers à le faire. Les navires du Vietnam, de la Russie, des États-Unis et d’autres pays seront également autorisés à y accoster, a déclaré le Premier ministre.
Bien qu’elle soit soumise à des droits de douane moins élevés (24 %), la Malaisie a également annoncé le 25 avril qu’elle augmenterait ses importations en provenance des États-Unis, « signe de l’affaiblissement de l’idée de formation de tout front régional face aux pressions de la guerre commerciale », selon le South China Morning Post.
Huang Tsung-ting, spécialiste de la stratégie politique et militaire de Pékin à l’Institut de recherche sur la défense et la sécurité nationales de Taïwan, a déclaré à Radio France Internationale que même si les droits de douane imposés aux pays d’Asie du Sud-Est auront un impact sur la réexpédition des marchandises chinoises, il faudra du temps pour que ces pays cessent de dépendre de matières premières et de produits semi-finis chinois.
Bien que les pays d’Asie du Sud-Est choisissent de « s’appuyer sur les États-Unis » dans leurs relations économiques et commerciales, M. Huang estime que Washington serait bien avisé d’offrir des incitations à la région pour qu’elle évite de s’allier davantage à la Chine.
Tang Jingyuan, commentateur de l’actualité chinoise, a fait remarquer à Epoch Times que la plupart des accords signés entre Pékin et les trois pays d’Asie du Sud-Est représentaient des concessions unilatérales du régime chinois, telles que les exportations de technologies ferroviaires et d’intelligence artificielle, et ne représentaient guère un approfondissement significatif des liens. Au Cambodge, Xi Jinping s’est engagé à aider le pays à achever un projet de barrage d’une valeur de plus d’un milliard de dollars.
Le 21 avril, après le voyage de Xi Jinping, le ministère chinois du Commerce a annoncé que Pékin « s’oppose fermement à toute partie qui conclut un accord au détriment des intérêts de la Chine », et que « les [efforts d’]apaisement n’apporteront pas la paix, et les compromis ne seront pas respectés ».
Si certains pays concluent des accords commerciaux qui nuisent aux intérêts de Pékin, « la Chine ne l’acceptera jamais et prendra résolument des contre-mesures réciproques », a mis en garde le ministère.
L’État-parti chinois « manque de confiance et d’attrait », a affirmé le professeur taïwanais Sun Kuo-hsiang lors d’une émission diffusée le 22 avril par NTD News, chaîne partenaire d’Epoch Times. « Les tarifs douaniers punitifs de Trump sont réels et directs. Cela montre à quel point la capacité de la Chine à mobiliser le soutien [international] semble bien pâle comparée à une vraie vigueur. »