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Les footballeurs équatoriens sous la menace des réseaux criminels

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Le président équatorien Daniel Noboa (au ctre) parle à côté de membres des forces de sécurité lors d'une opération contre le trafic de drogue à Duran, en Équateur, le 17 juillet 2024.

Photo: GERARDO MENOSCAL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Le football équatorien traverse sa période la plus sombre. En l’espace de trente jours, trois joueurs professionnels ont payé de leur vie leur refus de plier face aux exigences des réseaux criminels. Une série noire qui révèle l’ampleur de l’infiltration mafieuse dans le sport national, alors même que la sélection se prépare pour la Coupe du monde 2026.
Jonathan Gonzalez, surnommé « Speedy », incarnait parfaitement le footballeur intègre. À 31 ans, ce milieu de terrain de deuxième division évoluait au sein du modeste club 22 de Julio. Sa mort, survenue il y a une semaine à Esmeraldas, illustre tragiquement les méthodes impitoyables des organisations criminelles.
« Speedy » : le prix fatal du refus
Les faits sont glaçants : des hommes à moto l’abattent de plusieurs balles dans la tête devant son domicile. Cette exécution fait suite à une série d’intimidations – sa voiture criblée de balles, des menaces téléphoniques contre sa mère. Son crime ? Avoir refusé de faire perdre son équipe lors d’un match crucial qui s’est soldé par un nul 1-1.
L’engrenage infernal des paris truqués
Le système révélé par cette affaire dévoile une mécanique implacable. Les groupes mafieux, véritables marionnettistes des paris en ligne, dictent leurs conditions aux joueurs les plus vulnérables. Comme l’explique un ancien footballeur sous anonymat : « Les parieurs sont des intermédiaires dirigés par des bandes criminelles qui vous imposent quel match perdre. »
Cette stratégie cible particulièrement les divisions inférieures, où les salaires dérisoires rendent les joueurs plus sensibles aux tentations financières. Une fois dans l’engrenage, impossible d’en sortir.
Un fléau qui dépasse le sport
Neuf jours avant l’assassinat de Gonzalez, Maicol Valencia et Leandro Yépez, deux coéquipiers d’Exapromo Costa (troisième division), périssaient dans un hôtel. Ces morts s’inscrivent dans une logique plus large de blanchiment d’argent sale, comme l’alerte un rapport des Nations Unies.
Fernando Carrion, expert en sécurité, souligne que « les paris sportifs deviennent un mécanisme intéressant pour blanchir de l’argent, car il y a peu de contrôle. » Cette réalité se traduit concrètement : la Ligue équatorienne de football recense déjà cinq matches truqués cette année en deuxième division.
Quand les stars fuient leur pays
L’ampleur du phénomène touche jusqu’aux sommets du football national. Enner Valencia, vedette et meilleur buteur de la sélection avec 47 réalisations, refuse catégoriquement de rentrer au pays. « Je n’amènerais pas ma famille en Équateur », avait-il déclaré en 2023, préférant signer au Brésil puis au Mexique.

Enner Valencia de l’Équateur, lors du match de qualification pour la Coupe du Monde de la FIFA 2026 entre l’Équateur et l’Argentine au stade Monumental Isidro Romero Carbo le 09 septembre 2025 à Guayaquil, Équateur. (Franklin Jacome/Getty Images)

Cette prudence n’est pas infondée : sa sœur Elsy avait été séquestrée une semaine entière l’année précédente.
L’Ombre de « Fito » Plane sur les Terrains
L’enquête révèle des connexions troublantes avec Adolfo Macías, alias « Fito », figure emblématique du gang des Choneros, récemment extradé vers les États-Unis. L’ancien entraîneur chilien Nelson Tapia témoigne avoir affronté l’équipe Fijalan FC (devenue Exapromo Costa), directement liée à l’entourage du narcotrafiquant. Face à cette réalité, Tapia exprime son désarroi : « Il y a de très bons joueurs, et je veux les sortir de là pour qu’ils ne finissent pas morts. »

La ministre argentine de la Sécurité, Patricia Bullrich (à dr.), regarde une vidéo sur l’expulsion des proches du chef du gang Los Choneros, José Adolfo Macías, alias « Fito », lors d’une conférence de presse au ministère de la Sécurité à Buenos Aires, le 19 janvier 2024.(LUIS ROBAYO/AFP via Getty Images)

Malgré des enquêtes officielles ouvertes par la police équatorienne, le football national reste sous la menace permanente de ces réseaux criminels qui transforment les terrains de sport en champs de bataille silencieux.
Avec AFP