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La purge militaire en Chine annonce une crise croissante au sommet

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Des délégués de l'armée chinoise avant la séance de clôture de l'Assemblée populaire nationale (APN), l'organe législatif officiel de la Chine -qui ne fait que ratifier les décisions du gouvernement -,au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 11 mars 2025.

Photo: Kevin Frayer/Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Le ministère chinois de la Défense nationale a organisé le 31 juillet une réception au Grand Palais du Peuple de Pékin, siège de l’organe législatif du Parti communiste chinois (PCC), pour célébrer le 98anniversaire de l’Armée populaire de libération (APL). Ce ne sont pas les discours qui ont retenu l’attention, mais les absents.
En comparaison avec la liste des invités de l’année dernière, plusieurs généraux de haut rang brillaient par leur absence. Au total, au moins une douzaine d’officiers supérieurs, dont plusieurs généraux, ont disparu de la scène publique, ont été démis de leurs fonctions ou ont fait l’objet d’une enquête ces derniers mois. Certains ont été vus pour la dernière fois il y a plusieurs mois, tandis que d’autres ont disparu brutalement sans explication officielle.
Cette vague de disparitions suit une tendance. Depuis le 20Congrès du PCC, fin 2022, l’APL a connu au moins quatre purges majeures. Les cas les plus médiatisés ont impliqué des responsables au sommet de la hiérarchie militaire, autrefois considérés comme des alliés proches du dirigeant du PCC, Xi Jinping.
L’ampleur du remaniement est sans précédent au cours des dernières décennies. En moins de trois ans, le haut commandement militaire chinois a perdu une part importante de ses dirigeants. Selon certaines estimations, plus de 40 généraux – en activité ou à la retraite – ont été purgés, mis à l’écart ou discrètement démis de leurs fonctions depuis fin 2022. Le groupe de réflexion canadien Cercius Group, spécialisé dans les questions chinoises, estimait fin 2023 que le nombre réel pourrait être encore plus élevé, soit environ 70 généraux.
Prises ensemble, ces purges révèlent cinq réalités troublantes concernant l’armée et les hauts responsables chinois.
Luttes intestines continues au sein de l’APL
Depuis le XXe Congrès du PCC, les forces armées chinoises ont été secouées par au moins quatre purges majeures. Chaque vague a ciblé des officiers supérieurs de différentes branches, de la Force des fusées, qui gère l’arsenal nucléaire chinois, à la marine, à l’armée de terre et à la police armée.
Le schéma est frappant, une purge en entraînant une autre. Fin 2022, une enquête approfondie sur la Force des fusées a conduit à la destitution de plusieurs hauts commandants. En novembre 2024, le chef du Département du travail politique de la Commission militaire centrale (CMC) du PCC, l’amiral Miao Hua, responsable de la nomination et de la promotion des hauts gradés de l’APL, a été brusquement démis de ses fonctions. En l’espace de quelques semaines, d’autres officiers supérieurs ont été relevés de leurs fonctions. Puis, en mars 2025, l’un des deux vice-présidents de la CMC, le général He Weidong, a disparu de la scène publique, déclenchant une nouvelle vague de destitutions.

Le général He Weidong, vice-président de la Commission militaire centrale de Chine (CMC), assiste à la cérémonie d’ouverture de la Conférence consultative politique du peuple chinois à Pékin, le 4 mars 2025. (Pedro Pardo/AFP via Getty Images)

Le langage des médias d’État chinois laisse entrevoir l’ampleur du remaniement. Le mois dernier, le journal porte-parole de l’APL, le PLA Daily, a annoncé de nouvelles réglementations visant à « éliminer les poisons » et à « restaurer la crédibilité politique des cadres » – un euphémisme pour désigner l’élimination des officiers accusés de corruption ou de factionnalisme.
Le bilan est visible au plus haut niveau. Des sept membres du CMC nommés après le XXe Congrès du PCC, seuls quatre sont encore en poste. Les promotions destinées à combler ces postes sont au point mort. Cette année, la Journée de l’Armée s’est déroulée sans l’annonce habituelle des nouveaux généraux, une omission qui suggère une incertitude – voire une paralysie – du processus de promotion.
La crise de légitimité croissante du PCC
Le PCC présente l’APL comme une force loyale et disciplinée, vouée à la défense de la souveraineté de la Chine. Mais en réalité, le public chinois, y compris les millions de militaires, ignore presque tout des raisons du licenciement de tant d’officiers supérieurs. Hormis de vagues références officielles à de « graves violations de la discipline », les détails restent secrets.
Cette censure soulève des questions dérangeantes. Si les contribuables financent l’armée, pourquoi n’ont-ils pas le droit d’être informés des fautes commises au plus haut niveau ? Si tant d’officiers supérieurs sont inaptes à commander, que faut-il penser du système qui les a nommés ?
Le refus du PCC de répondre à ces questions alimente le cynisme du public et sape la légitimité politique qu’il prétend défendre.
Un déficit de confiance croissant
Dans la culture politique chinoise, ancrée principalement dans les idéaux confucéens, un dirigeant doit gagner la confiance du peuple. Or, cette confiance est réciproque. La décision du PCC de dissimuler toutes les informations sur les purges dans une « boîte noire » témoigne à la fois d’un manque de confiance envers le public et d’une profonde incertitude quant à son autorité.
L’absence de responsabilité est encore plus préjudiciable. Les hauts fonctionnaires qui ont approuvé les promotions de ces officiers n’ont reconnu aucune erreur ni assumé la responsabilité de leur manque de contrôle. Bien que le PCC dispose de mécanismes formels de responsabilité politique – tels que le « système de responsabilisation des cadres » et le « système de responsabilité du président du CMC » –, ces systèmes semblent inefficaces en pratique.
Si ceux qui sont au sommet ne font pas confiance au public et n’acceptent pas la responsabilité de leurs erreurs, pourquoi le public devrait-il leur faire confiance ?
Corruption enracinée dans l’armée
Xi Jinping est arrivé au pouvoir en promettant de nettoyer l’APL, et au cours de ses deux premiers mandats, de 2012 à 2022, plus de 160 généraux ont fait l’objet d’enquêtes, soit plus que tous les bouleversements politiques, guerres et campagnes précédents depuis la création de l’APL en 1927. Pourtant, les cycles de purge après 2022 montrent que le pourrissement est loin d’avoir disparu.
L’une des raisons probables de ce secret réside dans la profondeur de la corruption, qui rendrait la vérité déstabilisatrice. Nombre des officiers purgés ont été personnellement promus par Xi Jinping ou ses alliés, ce qui a terni l’image de l’APL, supposée à la fois loyale et incorruptible. Admettre l’ampleur du problème risque de saper le moral des troupes et pourrait même encourager la dissidence.
Le contrôle décroissant de Xi Jinping sur l’armée
L’aspect politiquement le plus dangereux des récentes purges est peut-être qu’elles ont emporté certains des plus proches alliés de Xi Jinping au sein de l’armée. Deux de ses officiers les plus fidèles, l’amiral Miao et le général He, ont été démis de leurs fonctions à quelques mois d’intervalle. Tous deux étaient considérés comme essentiels au maintien de l’emprise directe de Xi Jinping sur les forces armées.
Leur chute simultanée suggère que l’autorité de Xi Jinping sur l’APL est peut-être moins assurée qu’il n’y paraît. Dans un système où l’emprise du Parti sur le pouvoir repose largement sur son contrôle de l’armée, toute indication d’une loyauté vacillante parmi ses hauts responsables constitue une menace potentielle, non seulement pour Xi Jinping personnellement, mais aussi pour la stabilité globale du régime.
Un signal dangereux
Depuis fin 2022, l’APL a connu un renouvellement presque sans précédent parmi ses hauts responsables militaires. Si même le troisième officier le plus puissant de l’armée chinoise peut disparaître du jour au lendemain, personne au sein du système n’est vraiment en sécurité. Dans un État autoritaire qui privilégie le contrôle avant tout, cette incertitude est peut-être le signe le plus clair à ce jour que le système politique est soumis à une pression considérable.
Michael Zhuang a contribué à la rédaction de cet article.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Wang Youqun a obtenu son doctorat de droit de l'Université Renmin de Chine. Il a ravaillé comme rédacteur pour Wei Jianxing (1931-2015), membre du Comité permanent du Politburo du PCC de 1997 à 2002.

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