Opinion
La disparition des PDG chinois et le défaut du « capitalisme d’État »

Fan Bao, PDG de China Renaissance, et Hui Yin Ching assistent à la remise du prix Breakthrough 2018 au centre de recherche Ames de la NASA, le 3 décembre 2017 à Mountain View, en Californie.
Photo: Kimberly White/Getty Images
Imaginez que vous travaillez comme banquier d’affaires dans l’une des entreprises les plus célèbres de Chine. Tout va bien : un emploi bien rémunéré, un bon statut social, et enfin, vous gagnez de l’argent grâce aux mathématiques apprises à l’université. Et puis, soudain, votre PDG disparaît ! Voilà ce qui s’est passé en Chine.
Bao Fan, milliardaire chinois et directeur général de China Renaissance Holdings, a disparu en février 2023. Un an plus tard, on apprenait qu’il avait démissionné de tous ses postes au sein de son entreprise. Pourtant, personne ne sait où il se trouve. Cet événement n’est pas unique, il s’inscrit dans un phénomène plus vaste : la disparition des PDG chinois.
The Economist a publié un article intitulé « Le cas des présidents disparus en Chine ». Perdre contact avec les dirigeants est devenu un phénomène courant en Chine. Deux sociétés chinoises cotées en bourse ont annoncé en novembre 2023 que « leurs présidents avaient disparu sans laisser de traces ». Elles ont tenté de les joindre via WeChat et ont contacté des membres de leur famille, en vain. On observe une tendance intéressante : les dirigeants disparaissent le plus souvent des entreprises fortement endettées. Ce phénomène de disparition de PDG révèle un problème plus profond. Il ne s’agit pas seulement d’une tactique du Parti communiste ; il met en lumière une faille inhérente au modèle chinois.
« La machine a refusé d’obéir »
Le mélange de capitalisme et de socialisme n’est pas nouveau.
Bien que présentant des caractéristiques différentes, Lénine s’essaya également au capitalisme d’État. Après les échecs retentissants de ses politiques communistes de guerre (7196 % d’inflation en 1922, pour n’en citer qu’un), il lança la Nouvelle Politique Économique (NEP : New Economic Policy). Dès le début, il constata les problèmes du capitalisme d’État.
En 1922, il a déclaré :
« La machine refusait d’obéir à la main qui la guidait […] C’était comme une voiture qui n’allait pas dans la direction souhaitée par le conducteur, mais dans la direction souhaitée par quelqu’un d’autre – comme si elle était conduite par une main mystérieuse et sans loi, Dieu sait de qui, peut-être celle d’un profiteur, ou d’un capitaliste privé, ou des deux. »
Ce n’était pas une main sans loi ; c’était la main invisible. L’étonnement subtil mais profond de Lénine révèle la faille du modèle chinois : la machine refuse d’obéir au Parti qui la guide.
Les contradictions internes du capitalisme d’État
Le terme de contradiction interne est surtout utilisé dans la littérature marxiste, mais il convient bien pour expliquer la situation en Chine et dans d’autres pays capitalistes d’État. Le modèle chinois présente un paradoxe inhérent : au bout d’un certain temps, la distinction floue entre marché et État cesse de fonctionner. L’un des secteurs de prédilection de Xi Jinping est celui des partenariats public-privé : des entreprises qui ne sont ni entièrement publiques ni entièrement privées, mais un mélange des deux. En théorie, elles visent à capter la productivité et l’efficacité du marché libre, mais en même temps, elles résistent à l’absence de direction inhérente aux processus de marché.
C’est là la contradiction fondamentale. La productivité et l’efficacité du secteur privé ne sont possibles que par la prise de risques, pariant sur un avenir incertain. C’est pourquoi Frank Knight affirmait que l’action entrepreneuriale est fondamentalement tragique : elle est source d’incertitude. Et la triste vérité est que la plupart des entrepreneurs échouent. Selon le Bureau of Labor Statistics des États-Unis, 49 % des nouvelles entreprises échouent au cours de leurs cinq premières années. Mais cet échec est aussi important que le succès. C’est ce qui rend la croissance économique possible. Comme l’écrivait Ludwig von Mises : « Ce sont les profits et les pertes qui obligent les capitalistes à employer leur capital pour offrir le meilleur service possible aux consommateurs. » Sans perte, pas de découverte. Sans découverte, pas d’innovation.
C’est la dimension « perte » qui nous guide. Or, le modèle chinois – et tous les modèles de capitalisme d’État – cherche à éliminer les pertes, par la réglementation ou la « sagesse » des planificateurs. Ils aspirent à un système économique infaillible. Or, nous assistons à la disparition des PDG et des présidents d’entreprise. L’incertitude interne inhérente au marché ne peut être résolue par la réglementation et la planification gouvernementales. Il faut accepter l’incertitude plutôt que la maîtriser, car elle est liée à des inconnues connues et à des inconnues inconnues. Seule l’humilité épistémologique peut nous aider à la gérer, pas la tentative de nous prendre pour des dieux.
L’avenir du capitalisme d’État
Bien que le modèle chinois montre ses faiblesses – de la disparition des PDG au ralentissement de la croissance –, il semble que le monde se dirige vers un capitalisme d’État. Comme l’affirment Ilias Alami et Adam Dixon dans leur ouvrage « Le spectre du capitalisme d’État », il s’agit d’un phénomène mondial, qui ne se limite pas à la Chine et à l’Asie.
Depuis 2000, l’économie mixte a basculé du côté de l’État. Le nombre d’entreprises publiques (EP) parmi les 2000 plus grandes entreprises mondiales a doublé au cours de cette période. Ces géants liés à l’État contrôlent désormais 45.000 milliards de dollars d’actifs, soit la moitié du PIB mondial. Et il ne s’agit pas seulement d’EP. Le nombre de fonds souverains (FS) a été multiplié par six au cours des deux dernières décennies. En 2024, 176 fonds souverains étaient en activité dans le monde. En 2023, ils détenaient 11.800 milliards de dollars d’actifs, soit plus que n’importe quel fonds spéculatif au monde.
Le monde s’oriente vers un étatisme croissant – une tendance qui n’est pas nouvelle. Comme l’a exprimé Milton Friedman dans l’un de ses derniers discours :
« Après la chute du communisme, tout le monde s’accordait à dire que le socialisme était un échec. Tout le monde, plus ou moins, s’accordait à dire que le capitalisme était une réussite. Et tous les pays capitalistes du monde en ont apparemment déduit que l’Occident avait besoin de plus de socialisme. »
Sa remarque illustre parfaitement l’ironie de notre époque : même en cas de victoire, le capitalisme recule.
L’inflation à deux chiffres de l’ère du Covid, le casse-tête de la productivité en Occident, le ralentissement de la croissance et la disparition des PDG à l’Est sont autant de signes de l’échec du modèle capitaliste d’État. Mais nous ne pourrons pas surmonter ce nouvel étatisme sans changer le climat d’opinion. Le problème est que ce modèle est présenté comme du « néolibéralisme » ou du « capitalisme ». Au moins, avec l’étatisme d’après-guerre, tout le monde s’accordait à dire qu’il s’agissait d’un étatisme. Mais pas cette fois.
À lire les prétendues critiques du néolibéralisme, on a l’impression que nous vivons dans l’utopie de Nozick – mais ce n’est pas le cas. Les faits sont clairs, et nous devons comprendre ce nouvel étatisme pour le surmonter.
De l’Institut américain de recherche économique (AIER)
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Mani Basharzad est un journaliste économique dont les travaux ont été publiés par l'Adam Smith Institute et le Mises Institute, et dont les interviews ont été couvertes par des groupes de réflexion internationaux tels que le Cato Institute. Ses recherches portent sur l'économie libérale du développement et sur le projet d'abus de la raison de Hayek. Il anime également le podcast Humanomics.
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