Israël : après l’arrestation de déserteurs, un fourgon militaire caillassé par des ultra-orthodoxes

Des membres de la communauté juive ultra-orthodoxe lors d'une manifestation devant les grilles de Downing Street, dans le centre de Londres, le 9 septembre 2025, pour s'opposer à la présence du président israélien Isaac Herzog.
Photo: TOBY SHEPHEARD/AFP via Getty Images
Un convoi militaire israélien transportant des objecteurs de conscience ultra-orthodoxes vers une prison militaire a été intercepté dans la nuit par des manifestants de leur communauté, selon les autorités militaires et la radio de Tsahal.
L’incident s’inscrit dans un contexte de mobilisation accrue de la communauté ultra-orthodoxe face aux nouvelles exigences militaires. L’armée israélienne a envoyé ces derniers mois des milliers d’ordres de conscription à cette population traditionnellement exemptée du service obligatoire, bouleversant un équilibre établi depuis des décennies.
Escalade des tensions autour de la conscription
Cette mobilisation forcée découle directement des besoins militaires exponentiels générés par la guerre à Gaza, déclenchée après l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023. Les effectifs de Tsahal subissent une pression considérable, avec certains réservistes accomplissant plusieurs centaines de jours de service depuis le début du conflit, il y a maintenant près de deux ans.
L’opinion publique israélienne exprime une frustration croissante face au maintien des exemptions accordées aux ultra-orthodoxes, alors que le reste de la population porte le fardeau d’un effort de guerre prolongé et intensif.
Confrontation nocturne
« Plusieurs insoumis ont été arrêtés, jugés dans le cadre d’une procédure disciplinaire et envoyés en détention », a communiqué l’état-major mercredi soir dans un communiqué officiel. L’opération devait se dérouler discrètement, mais la communauté ultra-orthodoxe s’est rapidement mobilisée.
Un journaliste de la radio militaire a documenté la scène en diffusant sur X des images saisissantes du fourgon militaire encerclé par des dizaines d’ultra-orthodoxes. Les manifestants ont adopté une stratégie de résistance passive, certains s’asseyant directement sur la chaussée pour bloquer physiquement la progression du véhicule.
La situation a rapidement dégénéré. « Alors qu’ils étaient en route vers la prison militaire, plusieurs manifestants ont jeté des pierres et pulvérisé du gaz lacrymogène en direction du véhicule », a précisé l’armée. Cette escalade de violence a permis à l’un des détenus de profiter de la confusion pour s’échapper, ajoutant à l’embarras des autorités militaires.
Crise politique profonde
Ces événements révèlent l’ampleur de la crise politique traversée par Israël sur la question de la conscription. Les discussions parlementaires visant à modifier le cadre légal de la conscription s’intensifient depuis plusieurs mois, plaçant le gouvernement de Benjamin Netanyahu dans une position particulièrement délicate.
Les deux partis ultra-orthodoxes, piliers traditionnels de la coalition gouvernementale, ont quitté l’exécutif en signe de protestation. Ils conditionnent désormais leur retour au vote d’une loi pérennisant définitivement l’exemption militaire pour leur communauté, créant un blocage institutionnel majeur.
Selon les médias israéliens, le projet de loi sur la conscription ne devrait pas être examiné avant la fin des fêtes juives, programmée vers la mi-octobre. Cette temporisation témoigne de la difficulté du gouvernement à concilier les exigences militaires pressantes et les revendications communautaires.
Enjeux démographiques et sociétaux
La communauté ultra-orthodoxe représente un enjeu démographique considérable : 14% de la population juive israélienne, soit près de 1,3 million d’habitants. Parmi eux, environ 66 000 hommes en âge de servir bénéficient actuellement d’une exemption militaire, un chiffre qui illustre l’ampleur du défi.
Cette crise dépasse la simple question militaire pour toucher aux fondements du contrat social israélien, opposant les principes d’égalité citoyenne aux spécificités religieuses et culturelles. L’issue de ce conflit pourrait redéfinir durablement les rapports entre l’État et ses différentes composantes communautaires.
Avec AFP

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