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Emmanuel Macron nomme un proche, Sébastien Lecornu, à Matignon, un pari à haut risque

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Sébastien Lecornu, près de Paris, le 4 septembre 2025

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Durée de lecture: 6 Min.

Emmanuel Macron a désigné mardi soir Sébastien Lecornu, ministre des Armées, comme nouveau Premier ministre.
Ce fidèle de 39 ans, issu des rangs de la droite, hérite d’une mission particulièrement délicate : forger des compromis politiques avant de constituer un gouvernement, dans un contexte où la menace de censure plane constamment.
Un septième Premier ministre en temps de crise
L’ancien sénateur normand, présent dans tous les gouvernements macronistes depuis 2017, devient ainsi le septième chef de gouvernement d’Emmanuel Macron et le quatrième en seulement douze mois. Cette instabilité gouvernementale marque une rupture historique pour la Cinquième République, longtemps synonyme de stabilité mais plongée dans une crise institutionnelle inédite depuis la dissolution parlementaire de juin 2024.
Lors de leur entretien mardi soir, le président de la République a confié à son nouveau Premier ministre la tâche de « consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois », selon les termes de l’Élysée. Une approche inversée puisque ce n’est qu’après ces négociations que Sébastien Lecornu « proposera un gouvernement ».
Des priorités ambitieuses dans un contexte difficile
Emmanuel Macron a défini plusieurs priorités pour son nouveau chef de gouvernement : « la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays ». Le président se dit « convaincu » qu’un accord demeure « possible » malgré l’absence de majorité claire depuis l’échec de la dissolution.
« Nous sommes au travail, avec humilité, et nous allons tout faire pour y arriver », a réagi Sébastien Lecornu sur les réseaux sociaux, reconnaissant « mesurer les attentes » des Français et anticiper « les difficultés » à venir. Les consultations politiques ont d’ores et déjà commencé, selon l’entourage présidentiel.
Réactions contrastées du paysage politique
La transition avec François Bayrou, dont le gouvernement a chuté lundi sur la question budgétaire, se déroulera mercredi à midi à Matignon. Cette passation de pouvoir coïncidera avec une journée de mobilisation sociale, suivie d’une grève syndicale prévue le 18 septembre.
Bruno Retailleau, président des Républicains et ministre de l’Intérieur, s’est immédiatement montré favorable à une collaboration avec Sébastien Lecornu pour édifier une « majorité nationale », signalant sa volonté de maintenir sa participation gouvernementale. Édouard Philippe, ancien Premier ministre, a également salué les « qualités » du nouveau chef de gouvernement pour « discuter » et « trouver un accord ».
En revanche, l’opposition reste sur ses positions. Marine Le Pen y voit « la dernière cartouche du macronisme », tandis que Jean-Luc Mélenchon dénonce « une triste comédie de mépris du Parlement » et réitère son appel au « départ de Macron ». Marine Tondelier, dirigeante des Écologistes, qualifie cette nomination de « provocation » et de « non-respect total des Français ».
L’équation socialiste, clé de la survie gouvernementale
Les socialistes, interlocuteurs potentiels pour un accord de non-censure, ont exprimé leurs réserves, estimant que le président « prenait le risque de la colère sociale » et « du blocage institutionnel ». Pourtant, leur soutien apparaît indispensable pour assurer un minimum de stabilité politique.
Après avoir reconnu sa défaite électorale et tenté des alliances avec Michel Barnier (LR) puis François Bayrou (MoDem), Emmanuel Macron mise désormais sur un macroniste de première ligne qui a progressé jusqu’au ministère des Armées en 2022. Déjà envisagé pour Matignon en décembre dernier, Sébastien Lecornu avait alors été écarté au profit de François Bayrou.
Défis économiques et institutionnels majeurs
Le nouveau Premier ministre devra naviguer dans une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais, en suivant la directive présidentielle de « travailler avec les socialistes » pour « élargir » la base de la coalition gouvernementale avec la droite.
La survie du futur gouvernement dépendra au minimum d’une non-censure socialiste, condition nécessaire pour adopter le budget 2026. Ce défi budgétaire s’annonce particulièrement ardu après la chute du gouvernement Bayrou sur un effort d’économies de 44 milliards d’euros. Le calendrier budgétaire risque de nouveau de dérailler, répétant les dysfonctionnements de l’année précédente.
Pression financière et perspectives incertaines
L’instabilité politique inquiète les marchés financiers, d’autant que l’agence Fitch pourrait dégrader vendredi la notation de la dette française. Mardi, la France empruntait à dix ans au même taux que l’Italie, traditionnellement considérée comme moins fiable financièrement en Europe.
Selon des proches du président, Emmanuel Macron pourrait cette fois accepter des concessions substantielles aux socialistes, notamment sur la fiscalité des plus fortunés, sujet jusqu’alors tabou pour lui.
Le président de la République joue gros avec cette nomination. En cas d’échec de Sébastien Lecornu, les options se réduiraient drastiquement : nouvelle dissolution de l’Assemblée, comme le réclame le Rassemblement national, ou montée des pressions pour une démission présidentielle, souhaitée tant par l’extrême droite que par La France insoumise.
L’avenir politique français se joue donc dans les prochaines semaines, entre négociations parlementaires et échéances budgétaires, sous la surveillance attentive des marchés et de l’opinion publique.
Avec AFP