Drapeaux palestiniens sur les mairies : le ministère de l’Intérieur demande aux préfets de s’y opposer

Drapeaux palestiniens, dans le cortège de la manifestation intersyndicale, à Paris, le 18 septembre 2025.
Photo: AUGUSTIN PASQUINI/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Le ministère de l’Intérieur sort l’artillerie lourde. Dans un télégramme consulté vendredi par l’AFP, Beauvau ordonne aux préfets de barrer la route aux maires tentés de hisser le drapeau palestinien sur leurs édifices publics ce lundi 22 septembre. L’argument massue ? « Le principe de neutralité du service public interdit de tels pavoisements. »
Une ligne rouge que les représentants de l’État ont pour mission de faire respecter, quitte à traîner les récalcitrants devant les tribunaux administratifs. La consigne est claire : demander l’arrêt immédiat de tout pavoisement palestinien et, en cas de refus, « déférer à la juridiction administrative » les décisions des édiles obstinés. Une escalade judiciaire programmée.
Olivier Faure lance le défi, les maires s’enflamment
Le bras de fer était prévisible. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, avait lancé le défi : « faire flotter » les couleurs palestiniennes sur les mairies le jour même où Emmanuel Macron officialiserait la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU. Un appel qui résonne dans les rangs de la gauche municipale.
Nantes et Saint-Denis ont déjà mordu à l’hameçon. Leurs maires promettent de pavoiser, bravant les consignes ministérielles. Un timing explosif : cette reconnaissance coïncide avec Roch Hachana, le Nouvel an juif, ajoutant une dimension symbolique supplémentaire à cette journée déjà chargée.
Le ministère de l’Intérieur sort l’arsenal juridique
Hugues Moutouh ne plaisante pas. Le secrétaire général de l’Intérieur signe un télégramme au vitriol, dénonçant « une prise de parti dans un conflit international » et « une ingérence contraire à la loi ». Pour l’administration centrale, ces initiatives municipales franchissent allègrement les bornes de la légalité.
Plus inquiétant encore selon Beauvau : ces drapeaux risquent d’importer « un conflit international en cours » sur le sol français, avec des « troubles graves à l’ordre public » à la clé. Une argumentation sécuritaire qui révèle les craintes de l’exécutif face à une possible contagion des tensions du Proche-Orient.
Une riposte socialiste cinglante
Olivier Faure contre-attaque sur X, pointant du doigt l’incohérence gouvernementale : « Un ministre démissionnaire devrait gérer les affaires courantes, pas chercher à s’opposer symboliquement à la décision prise par le président de la République. » Un coup de griffe qui vise directement Gérald Darmanin, encore aux manettes malgré sa démission.
Le patron socialiste joue aussi la carte juridique, rappelant que « les préfets n’ont pas de pouvoir propre d’interdiction à la différence des manifestations » et que « la justice tranchera au besoin ». Une subtilité procédurale qui pourrait compliquer l’action des préfets sur le terrain.
Cacophonie gouvernementale et duel judiciaire à l’horizon
L’épisode révèle les contradictions béantes d’un pouvoir éclaté. Pendant que Macron s’apprête à reconnaître officiellement l’État palestinien devant l’assemblée générale des Nations unies à New York, son ministre de l’Intérieur démissionnaire mène la charge contre toute manifestation symbolique de ce soutien sur le territoire national.
Cette cacophonie gouvernementale promet de faire des étincelles ce lundi. D’un côté, une reconnaissance diplomatique historique portée par le chef de l’État ; de l’autre, une répression administrative orchestrée par Beauvau. Entre ces deux logiques contradictoires, les maires socialistes comptent bien exploiter la brèche, transformant leurs frontons en champ de bataille symbolique.
Le duel judiciaire s’annonce épique, opposant la liberté d’expression des collectivités locales au principe de neutralité brandi par l’État. Dans cette partie de bras de fer, chaque camp mise sur ses atouts : les préfets sur leur arsenal juridique, les maires sur la légitimité démocratique et le soutien populaire. Le dénouement se jouera dans les prétoires.
Avec AFP

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