Logo Epoch Times

Désormais un salarié malade pendant ses congés pourra les reporter

top-article-image

Le palais de justice de l'île de la Cité à Paris, siège de la Cour de cassation à Paris, France, le 23 juillet 2025.

Photo: RICCARDO MILANI/Hans Lucas/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 4 Min.

La plus haute juridiction française a franchi une étape décisive mercredi en consacrant le droit au report des congés payés pour tout salarié tombant malade durant ses vacances.
Cette décision marque un tournant majeur dans l’harmonisation du droit français avec la réglementation européenne.
Une distinction fondamentale entre congés et arrêts maladie
La Cour de cassation établit clairement que les congés payés et les arrêts maladie répondent à des objectifs distincts. Selon la juridiction suprême, les vacances visent à offrir aux travailleurs « non seulement du repos, mais aussi une période de détente et de loisirs », tandis que l’arrêt maladie permet aux employés « de se rétablir d’un problème de santé ».
Cette différenciation de finalités justifie désormais le cumul possible de ces deux droits, rompant avec l’ancienne jurisprudence française qui privilégiait la chronologie des événements.
Un bouleversement de la pratique juridique
Jusqu’à présent, la jurisprudence française appliquait un principe de priorité temporelle. Arnaud Teissier, associé chez Capstan Avocats, explique que « la cause première de l’arrêt comptait » : un salarié déjà en arrêt maladie conservait ses droits aux congés payés à venir, mais celui qui tombait malade pendant ses vacances perdait définitivement ses jours de congé.
Cette logique disparaît avec la nouvelle orientation jurisprudentielle qui privilégie la nature et l’objectif de chaque droit plutôt que leur ordre d’apparition.
Des répercussions concrètes pour des millions de salariés
Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail, salue cette évolution comme « une victoire symbolique et un gain très concret pour des millions de salariés ». Il souligne que cette décision consolide « le droit au repos, pierre angulaire du droit du travail ».
Néanmoins, cette transformation impose aux employeurs une « nouvelle donne » nécessitant un « ajustement de la gestion des plannings », ce qui pourrait compliquer l’organisation du travail dans les entreprises.
Une évolution s’inscrivant dans un mouvement plus large
Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt de septembre 2023, par lequel la Cour de cassation avait déjà permis l’acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie non professionnels. Le Parlement avait ensuite adapté la législation en avril 2024, bien que de manière restrictive selon les syndicats, en limitant cette acquisition aux quatre semaines garanties par le droit européen.
Des inquiétudes sur les dérives potentielles
Arnaud Teissier exprime ses préoccupations concernant la déstabilisation du système français par ces évolutions successives. Il craint que ces mesures n’encouragent des arrêts maladie injustifiés, « renvoyant vers la Sécurité sociale des arrêts maladie qui n’avaient pas lieu d’être », particulièrement problématique dans un contexte de lutte contre les arrêts abusifs.
Extension aux heures supplémentaires
Dans un second arrêt publié simultanément, la Cour de cassation a également étendu le droit au paiement d’heures supplémentaires aux salariés ayant pris des congés dans la semaine. Désormais, un employé travaillant trois jours à huit heures après avoir posé deux jours de congé bénéficiera de trois heures supplémentaires payées, contrairement à la pratique antérieure.
Une réaction patronale critique
Le Medef déplore ces évolutions, estimant qu’elles « envoient un signal très négatif » dans un contexte économique concurrentiel où la France « a besoin de travailler plus ». L’organisation patronale appelle le futur gouvernement à « défendre la valeur travail » face à ces nouvelles contraintes.
Ces décisions illustrent la tension persistante entre l’amélioration des droits sociaux et les préoccupations de compétitivité économique, plaçant les futurs gouvernements face à des arbitrages délicats entre protection des salariés et dynamisme économique.
Avec AFP