Dépassements d’honoraires des médecins : la facture s’envole pour les patients

Une feuille de soins, une carte d'assurance maladie Vitale, un stétoscope et un tensiomètre, dans un cabinet médical.
Photo: PHILIPPE HUGUEN/AFP/GettyImages
Les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins libéraux connaissent une croissance alarmante. Selon un rapport publié jeudi par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), ces surcoûts atteignent désormais 4,3 milliards d’euros en 2024 pour les seuls médecins spécialistes.
Plus inquiétant encore : cette tendance s’accélère fortement depuis 2019, avec une progression annuelle de 5% en valeur réelle, inflation déduite. Cette flambée ne semble pas près de s’arrêter. Le HCAAM anticipe une poursuite de cette dynamique dans les années à venir, ce qui risque d’alourdir considérablement la facture pour les patients et de creuser les inégalités d’accès aux soins.
Le secteur 2 devient la norme pour les jeunes médecins
L’une des principales causes de cette explosion réside dans le choix massif des médecins spécialistes d’exercer en secteur 2, qui les autorise à pratiquer des tarifs supérieurs à ceux fixés par l’Assurance maladie. En 2024, 56% des spécialistes exercent dans ce régime tarifaire, contre seulement 37% en 2000. Le basculement est spectaculaire.
Mais c’est chez les jeunes praticiens que la tendance est la plus marquée. Lors de leur installation, trois quarts des nouveaux spécialistes optent désormais pour le secteur 2, alors qu’ils n’étaient que deux tiers en 2017. Cette préférence massive pour des honoraires libres laisse présager une intensification du phénomène dans les décennies à venir.
Des taux de dépassement qui grimpent
Au-delà du nombre croissant de médecins en secteur 2, le HCAAM pointe deux autres facteurs aggravants. D’abord, les taux de dépassement eux-mêmes augmentent : les praticiens fixent des suppléments de plus en plus élevés par rapport aux tarifs conventionnés. Ensuite, ils réduisent progressivement le nombre d’actes facturés aux tarifs opposables de l’Assurance maladie.
Cette double dynamique – plus de médecins pratiquant des dépassements et des dépassements plus importants – crée un effet boule de neige qui pèse lourdement sur le portefeuille des patients.
Des factures salées pour les interventions chirurgicales
Les conséquences concrètes de cette évolution sont loin d’être anodines. Le rapport cite l’exemple révélateur de la pose d’une prothèse totale de hanche : près de la moitié des patients doivent s’acquitter de dépassements d’honoraires, avec un montant moyen de 630 euros. Dans 10% des cas, la note dépasse même 1000 euros.
Ces sommes représentent un reste à charge considérable, susceptible de retarder, voire d’empêcher l’accès aux soins pour certains patients, particulièrement ceux disposant de revenus modestes.
Les complémentaires : un filet de sécurité troué
Les complémentaires santé jouent certes un rôle d’amortisseur en prenant en charge environ 40% des dépassements d’honoraires. Toutefois, cette protection varie énormément selon les contrats souscrits. Certains patients bénéficient d’une couverture généreuse, tandis que d’autres restent largement exposés aux surcoûts.
Les plus riches et les plus pauvres également touchés
Paradoxalement, le HCAAM observe que les restes à charge les plus élevés concernent deux catégories opposées de la population. D’un côté, les patients les plus aisés, qui résident souvent dans des zones où les médecins pratiquent davantage de dépassements. De l’autre, les patients les plus modestes, généralement moins bien protégés par leur complémentaire santé.
Pour les 10% de patients les plus riches comme pour les 10% les plus pauvres, les dépassements d’honoraires représentent environ 20% du reste à charge total. Cette situation révèle une inégalité croissante dans l’accès à des soins financièrement abordables, un enjeu majeur pour l’avenir du système de santé français.
Avec AFP

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