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Démantèlement du bidonville de Stains en banlieue parisienne : l’angoisse de l’expulsion pour ses habitants

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Le 26 septembre 2025, des cabanes dans le bidonville de Stains, en banlieue parisienne.

Photo: THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Entre les jardins ouvriers de Seine-Saint-Denis, un paysage paradoxal s’impose : le bidonville de Stains, l’un des plus vastes de France métropolitaine. Plus de 1.000 personnes, principalement des familles roms, y survivent dans des conditions extrêmes, à l’ombre d’une expulsion qui se profile.
Lorsque les équipes de Médecins du monde (MdM) pénètrent dans les allées de terre, le décor pourrait sembler presque champêtre : des enfants qui jouent, des chants de coqs. Mais derrière cette façade trompeuse se cache une réalité brutale. « Ce sont des lieux de survie », martèle Clément Etienne, coordinateur du programme Bidonvilles de l’ONG.
Des conditions de vie extrêmes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en période de canicule, la température grimpe jusqu’à 50 degrés dans les baraquements de tôle. Les « toilettes de campagne » deviennent des foyers de propagation de maladies. Chaque jour est une épreuve pour maintenir un semblant de dignité.
Ioana, quinquagénaire et brocanteuse, habite le site depuis cinq ans. Devant sa caravane, elle confie son angoisse face à l’avenir incertain. « Je ne sais pas où on va aller », murmure-t-elle à travers un interprète. Son rêve est simple, presque banal : « pouvoir vivre dans une maison ». Elle a déposé une demande de logement, mais l’attente se prolonge.
Une stabilité menacée après dix ans d’existence
Paradoxalement, ce bidonville offre une ressource rare pour ses habitants : la stabilité. Depuis plus de dix ans, aucune expulsion n’a eu lieu. Cette permanence relative permet aux enfants d’être scolarisés, un combat permanent pour les familles roms.
Vasile, 58 ans, béret vissé sur la tête, redoute de perdre ce qu’il a mis huit années à construire. « Très inquiet » à l’idée d’être chassé, il pense d’abord à ses enfants qui fréquentent l’école. Pour lui, retourner à la rue signifierait tout recommencer à zéro.

Vasile, un habitant du bidonville, le 26 septembre 2025, au milieu des cabanes de Stains, en banlieue parisienne. (THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images)

L’État en première ligne pour démanteler
Le préfet de Seine-Saint-Denis, Julien Charles, ne mâche pas ses mots : « C’est un bidonville qui ne peut pas rester en l’état ». Il souligne des problèmes sanitaires, de voisinage et de troubles à l’ordre public pour justifier la future évacuation.
Dans le cadre de la politique gouvernementale de résorption des bidonvilles, la préfecture s’engage à mandater une association pour établir un diagnostic auprès des familles. L’expulsion n’interviendra pas avant le printemps prochain, promet le préfet. Mais cette échéance suffit à plonger les résidents dans l’angoisse.
Le cercle vicieux des expulsions
Gheorghe, ancien pompier avec trente ans de carrière en Roumanie, connaît déjà le scénario. Cet été, il a été expulsé d’un autre bidonville du département, à La Courneuve. Dans sa baraque imprégnée d’odeur de tabac, entourée de boîtes de médicaments, il résume son existence : « J’ai l’impression d’être un voyageur, comme un oiseau ».
Cette instabilité forcée a des conséquences dramatiques sur la santé. « Chaque expulsion entraîne une rupture dans le parcours de soins », déplore Clément Etienne. Les équipes de MdM tentent tant bien que mal d’organiser des rendez-vous médicaux pour Gheorghe, qui bénéficie de l’aide médicale d’État.
La discrimination comme quotidien
Ionel, arrivé récemment en France après quatorze ans d’emprisonnement en Roumanie, est venu visiter des proches dans le bidonville. Son constat est amer : « Nous, les Roms, on est très discriminés ». Il rêve pourtant de s’établir en France et d’y construire une vie.
Son témoignage fait écho au rapport 2024 de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme : malgré une légère amélioration, les Roms demeurent la minorité la plus stigmatisée en France.
Une urgence nationale ignorée
Après plusieurs heures d’intervention, les soignants et travailleurs sociaux de MdM quittent le site. Leur souhait ? Voir disparaître ce bidonville, mais uniquement si chaque famille obtient un logement pérenne.
Les chiffres donnent le vertige : fin 2024, environ 10.000 personnes, ressortissantes de l’Union européenne, survivent dans quelque 227 bidonvilles répartis sur le territoire métropolitain. En 2023, seulement 1.500 personnes ont été relogées. Un chiffre dérisoire face à l’ampleur du problème.
Entre les rumeurs d’expulsion qui circulent et la peur qu’elles génèrent, les habitants de Stains attendent.
Avec AFP