Opinion
Budget 2026 : la France s’enfonce dans la culture de l’expropriation
TRIBUNE - Le budget 2026, rejeté à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale ce vendredi et désormais en attente d’examen par le Sénat, accentue encore l’emprise de l’État sur l’économie au détriment de la propriété et de la liberté, sous prétexte de réduire le déficit, déplore Alexis Sémanne, économiste et sociologue, fondateur de l’Institut pour la propriété privée.

Alexis Sémanne, fondateur de l'Institut pour la propriété privée. Photo : DR
Alors que le gouvernement présente un budget 2026 censé « réduire le déficit », la France poursuit en réalité son glissement vers une économie administrée, fondée sur la dépendance et la défiance à l’égard de la propriété privée. Loin d’être un virage vers la rigueur, ce budget confirme le règne d’une culture de l’expropriation : celle d’un État qui, sous couvert de justice sociale, confisque un peu plus chaque année le fruit du travail, de l’épargne et de la responsabilité.
Un budget qui grossit encore l’État
Malgré l’annonce d’un « effort » de réduction du déficit public de 5,4 % à 4,7 % du PIB, les dépenses progressent encore de +29 milliards d’euros, tandis que les prélèvements augmentent de +40 milliards. En tout, 69 milliards supplémentaires pour l’État, et autant de moins pour les citoyens.
Les nouvelles taxes s’empilent : hausse de la CSG et de l’impôt sur le revenu, contribution « différentielle » sur les hauts revenus, taxation des holdings, malus écologiques, fiscalité patrimoniale alourdie… L’État prélève, redistribue, subventionne, mais ne réforme rien. Il promet la justice ; il produit la dépendance.
La logique morale du budget : tutelle et méfiance
Ce budget s’inscrit dans un modèle politique plus profond, analysé dans notre note sur La culture d’expropriation en France : celui d’un État tutélaire qui se considère plus légitime que les individus pour décider de leur santé, de leur travail, de leur retraite, de leur logement ou de leur éducation.
L’augmentation des dépenses publiques n’est pas une simple question de chiffres : c’est un projet de société. Chaque euro prélevé finance un peu plus la socialisation des comportements : aides conditionnées, fiscalité comportementale, uniformisation scolaire, encadrement des loyers, identité numérique obligatoire.
Le citoyen devient bénéficiaire d’aides, non acteur de son destin. La propriété, au sens large (corporelle, économique, morale) se transforme en concession révocable de l’État.
L’impôt sur la fortune « improductive » : le symbole d’une défiance envers la réussite
La création d’un impôt sur la fortune improductive (IFI modifié), à taux unique de 1 %, illustre cette mentalité : plutôt que de libérer le capital pour l’investissement, on le pénalise s’il ne correspond pas à la vision planificatrice du pouvoir. C’est l’idée que l’État sait mieux que l’individu comment utiliser sa richesse.
Mais on souhaite le rappeler, on ne peut pas bâtir la prospérité d’une nation sur la spoliation des plus productifs. Chaque taxe symbolique devient un signal : investir, entreprendre, transmettre sont des actes suspects.
La propriété privée, victime silencieuse de la politique budgétaire
Les effets de cette dérive sont mesurables. La France en 2025 reste 55ᵉ sur 165 pays pour la liberté économique selon la Heritage Foundation.
Le poids des prélèvements (45,5 % du PIB), les restrictions sur le logement, la tutelle sur les retraites, la centralisation numérique avec FranceConnect+ : tout converge vers un modèle de dépendance intégrale.
Dans ce système, la propriété n’est plus un droit ; c’est un prêt révocable. Le travailleur n’est plus propriétaire de son salaire, l’entrepreneur n’est plus maître de son entreprise, le citoyen n’est plus souverain de ses données.
Le budget 2026 ne fait qu’accélérer cette dépossession par la voie fiscale.
Le mythe de la « justice fiscale » et la réalité de la stagnation
Le gouvernement justifie ces hausses d’impôts au nom de la « justice ». Or, la justice véritable ne consiste pas à niveler, mais à garantir à chacun la liberté de disposer du produit de son travail.
La France dépense déjà plus que la moyenne européenne (plus de 57 % du PIB en dépenses publiques). Pourtant, la croissance stagne (+1,1 % par an depuis dix ans), le taux d’entrepreneuriat reste l’un des plus bas de l’OCDE (8,7 %), et le chômage structurel persiste.
Ce que l’on gagne en redistribution, on le perd en création. Ce que l’on gagne en protection, on le perd en liberté.
Pour une alternative libérale et civilisatrice
Restaurer la responsabilité individuelle, c’est restaurer la propriété. Face à la multiplication des taxes et des tutelles, trois principes simples pourraient inspirer un contre-modèle :
- Libérer le capital : abroger l’IFI et simplifier et réduire radicalement la fiscalité des transmissions pour récompenser l’épargne et la transmission familiale.
- Responsabiliser les dépenses : réduire la sphère non régalienne de l’État, supprimer les niches d’assistanat et ouvrir à la concurrence les systèmes de retraite et de santé.
- Redonner aux communes et aux individus le contrôle de leurs ressources : décentraliser la fiscalité, rendre l’impôt transparent et facultatif pour les services non régaliens.
De la tutelle à la liberté
Le budget 2026 consacre une rupture silencieuse : celle d’un pays qui ne croit plus en la liberté de ses citoyens, mais en la gestion de leur vie.
Sous prétexte d’équité, l’État organise une lente confiscation du pouvoir d’agir.La France n’a pas besoin d’un État plus fort ; elle a besoin d’individus libres et responsables.
Tant qu’elle refusera de reconnaître la propriété privée comme principe civilisateur, elle restera prisonnière du cercle vicieux de la dépendance et du déclin. Le vrai déficit de la France n’est pas budgétaire : il est moral.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Alexis Sémanne est un économiste et sociologue français. Il a enseigné dans plusieurs universités et grandes écoles françaises, parmi lesquelles Sciences Po Paris, l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), l’Université Panthéon Assas (Paris 2). Ses travaux ont été publiés dans plusieurs revues à comité de lecture, parmi lesquelles The American Journal of Economics and Sociology, The Review of Austrian Economics, Economic Affairs. Il est le fondateur de l’Institut pour la propriété privée, un think tank consacré à la défense de la liberté individuelle, de la propriété privée et du libéralisme classique.
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