Alerte des syndicats de police : près de trois millions de procédures judiciaires en attente d’être traitées

Un périmètre de sécurité établi par la police française est visible à Rennes, dans l'ouest de la France, le 18 septembre 2025, lors d'une journée de grèves et de manifestations à l'échelle nationale, à l'appel des syndicats, concernant le budget national de la France.
Photo: DAMIEN MEYER/AFP via Getty Images
Ce mercredi, les policiers français tirent le signal d’alarme. Un1té (FO) et Alliance Police Nationale orchestrent une mobilisation nationale dans une cinquantaine de villes pour dénoncer un système d’investigation à bout de souffle.
Le constat est sans appel : près de trois millions de procédures judiciaires attendent d’être traitées, plongeant victimes et enquêteurs dans une impasse administrative. « Victimes abandonnées : et si c’était vous ? » Le slogan d’Un1té, distribué en tract dans toute la France, interpelle directement les citoyens. Le syndicat va plus loin en martelant une évidence : « Sans enquête, pas de justice. Sans justice, le chaos menace. »
Une crise qui ne peut plus attendre
Grégory Joron, secrétaire national d’Un1té, justifie l’urgence de cette action : « Cette journée était prévue depuis plusieurs mois. Nous l’avions reportée en raison du contexte politique. Mais on ne peut plus attendre. Il est urgent d’apporter des réponses aux victimes et aux policiers qui croulent sous les dossiers. »
Les chiffres dévoilés donnent le vertige. « Près de 3,5 millions de procédures judiciaires sont en attente d’être traitées et près de 40% des dossiers ont plus de deux ans », détaille-t-il. Plus inquiétant encore, un rapport de l’inspection générale de 2023 prévoit un doublement de ce stock d’ici 2030. Face à cette projection, Grégory Joron lâche une formule glaçante : « On a bien un pied dans la tombe. »
Un déficit humain criant
Au cœur du problème : un manque flagrant d’effectifs. Selon Un1té, il manquerait entre 2.000 et 2.500 enquêteurs pour assurer correctement les missions essentielles. Cette pénurie engendre un cercle vicieux : les citoyens perdent confiance dans la police, tandis que les policiers eux-mêmes ressentent un découragement profond, faute de moyens suffisants pour accomplir leur travail.
Les revendications syndicales sont claires : davantage d’enquêteurs pour traiter chaque affaire dans des délais raisonnables, des outils informatiques modernes et une meilleure organisation. Mais surtout, Un1té réclame la fin de la politique du « tout plainte, tout procédure » et demande que soit rendu aux policiers leur droit au discernement.
Des promesses budgétaires encore incertaines
Du côté d’Alliance, des négociations ont été menées avec Bruno Retailleau, alors ministre de l’Intérieur, avant qu’il ne devienne démissionnaire. Le syndicat affirme avoir obtenu l’engagement d’inscrire 50 millions d’euros au projet de loi de finances, dont 20 millions dès 2026. Alliance réclame également des primes et des moyens numériques renforcés pour alléger la charge administrative des services.
Toutefois, le syndicat reste prudent : il « compte bien transformer l’essai avec le futur ministre de l’Intérieur en imposant le plan investigation au budget ». Un optimisme mesuré, d’autant que Bruno Retailleau avait déjà promis en avril dernier de nouvelles mesures pour améliorer la filière investigation. Des promesses restées lettre morte.
Une réforme controversée sans effet
Cette crise n’est pas nouvelle. En 2022, le stock déjà colossal de dossiers en attente avait poussé Gérald Darmanin à lancer une réforme de la police nationale. Cette restructuration, vivement critiquée pour son risque de « nivellement vers le bas » des compétences de la prestigieuse police judiciaire, a placé tous les services départementaux – renseignement, sécurité publique, police aux frontières et PJ – sous l’autorité d’un directeur départemental unique, dépendant du préfet.
Mais force est de constater que cette réforme n’a pas résolu le problème de fond. Pire, elle semble avoir dilué l’expertise sans apporter de solution à l’engorgement des procédures.
Un changement de cap indispensable
Dans son appel, Un1té exige « un changement de paradigme au plus haut niveau ministériel ». Le syndicat dénonce une dérive : « Le paraître et la communication à court terme ont pris le pas sur le pacte républicain dû à nos concitoyens. »
Face à cette situation explosive, la question n’est plus de savoir si des mesures seront prises, mais quand. Car sans réaction rapide, c’est tout le système judiciaire français qui risque de s’effondrer sous le poids de millions de dossiers oubliés.
Avec Afp

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