Cette menace ne signifie pas que la Chine se prépare à attaquer directement les États‑Unis. Elle tient plutôt à ce qui se produira si l’Amérique se retire de la scène mondiale : la Russie étendra son influence en Europe de l’Est, la Chine élargira son emprise en Extrême‑Orient, en Afrique, en Asie et jusque en Amérique du Sud, et, privée de la garantie américaine de la liberté de navigation, l’architecture d’alliances économiques des États‑Unis se fragilisera. Une nation reléguée au rang de « partenaire secondaire » sera inévitablement vouée au ralentissement économique et au repli sur soi.
Pourtant, une partie de la droite américaine s’est laissée gagner par l’idée que les États‑Unis devraient se retirer du monde, devenir une autarcie et réorienter les dépenses extérieures ou militaires vers les besoins intérieurs, comme si l’interdépendance mondiale n’était qu’un luxe optionnel. Or les biens à prix abordables, les chaînes d’approvisionnement efficaces et le dynamisme économique dont les Américains jouissent aujourd’hui ne sont possibles que grâce à un commerce international robuste, soutenu par la puissance économique et militaire des États‑Unis.
Ni la gauche ni la droite n’ont toutefois formulé de stratégie cohérente face à la Chine. À gauche, on répugne à reconnaître Pékin comme une menace sérieuse ; à droite, on rechigne aux engagements diplomatiques, économiques et militaires nécessaires pour contrebalancer efficacement la puissance chinoise. Les appels à imposer des droits de douane non seulement à la Chine mais aussi aux nations alliées font abstraction de l’enjeu stratégique que représente le renforcement – et non l’affaiblissement – des liens avec les partenaires en Asie et au‑delà.
Pour relever le défi chinois, les États‑Unis doivent resserrer leurs relations commerciales et sécuritaires avec les pays qui entourent la Chine : le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et l’Inde. Un approfondissement de ces liens contribuerait à contenir les ambitions de Pékin. Si la Chine persiste à tricher ou à mener des politiques ouvertement mercantilistes, qu’il en soit ainsi : l’histoire montre que l’autarcie produit des gains rapides, mais se solde presque toujours par l’inefficience, la stagnation et souvent une agressivité expansionniste. Le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne d’avant la Seconde Guerre mondiale ont tous suivi ce schéma ; l’Allemagne, en particulier, s’est tournée vers la conquête territoriale lorsque son modèle autarcique s’est effondré.
Le libre‑échange, à l’inverse, réduit les besoins d’expansionnisme. Il permet aux nations d’échanger leurs ressources plutôt que de se battre pour les contrôler. Contenir la Chine suppose donc que les États‑Unis renforcent – et non démantèlent – le réseau économique mondial dont ils sont le pilier.
Une partie de cet effort passe par l’Europe. Les États‑Unis devraient pousser les pays européens – au besoin par des droits de douane ciblés – à démanteler leurs barrières non tarifaires protectionnistes et à assumer une part équitable des charges, notamment pour les dépenses pharmaceutiques. Mais, en définitive, la politique américaine doit privilégier davantage de libre‑échange et des alliances plus solides. Comme l’a fait valoir le secrétaire au Trésor Scott Bessent, Washington a besoin de bâtons et de carottes à l’égard de Pékin, mais surtout de carottes pour ses alliés.
Les États‑Unis doivent également diversifier leurs chaînes d’approvisionnement, réduire leur dépendance à la production chinoise et, lorsque cela est possible, isoler les alliés de Pékin. Le soutien aux pays visés par l’agression russe est essentiel, non seulement pour contenir Moscou, mais aussi parce que la Russie et la Chine coordonnent de plus en plus leurs stratégies géopolitiques. De même, un approfondissement des liens commerciaux et sécuritaires avec l’Inde peut aider à éloigner New Delhi de l’orbite chinoise, d’autant que les deux pays sont aux prises avec des différends frontaliers de longue date.
Washington continue pourtant d’exporter vers la Chine des technologies critiques, notamment des micro‑processeurs de pointe fabriqués aux États‑Unis. Même si ces transferts ne procurent qu’un avantage marginal à Pékin, il est difficile de justifier que l’on renforce ainsi un adversaire géopolitique qui vole déjà la propriété intellectuelle, viole les règles commerciales et fait pression sur ses voisins.
Malgré sa taille, la Chine est loin d’être un colosse irrésistible. Elle est confrontée à un déclin démographique, à une dette massive et à une vaste mauvaise allocation de ses ressources. Ses mégaprojets spectaculaires masquent le gaspillage et les échecs propres aux systèmes économiques centralisés. Le capitalisme est désordonné, mais il oriente plus sûrement l’investissement vers les bonnes idées ; les systèmes mercantilistes, eux, dissimulent leurs échecs jusqu’au moment où ils ne le peuvent plus.
Les États‑Unis disposent toujours des outils nécessaires pour contenir la Chine et préserver un ordre mondial stable et libre. La vraie question, qui prend chaque année davantage d’ampleur, est de savoir si l’Amérique a encore la volonté de s’en servir.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.