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Relations tendues et question taïwanaiseLe ministre des Affaires étrangères allemand reporte sa visite en Chine dû au manque de rendez‑vous confirmés
Le chef de la diplomatie allemande souhaitait se rendre en Chine en début de semaine. Mais, jusqu’au dernier moment, hormis une rencontre entre le ministre et son homologue chinois Wang Yi, Pékin n'a confirmé aucun autre rendez-vous. M. Wadephul a réagi avec fermeté.

Le ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul (à g.) et le chancelier Friedrich Merz s'entretiennent lors de la deuxième journée des débats sur le budget fédéral 2026, le 24 septembre 2025 à Berlin.
Photo: de Maja Hitij/Getty Images
Un signal diplomatique aussi clair n’avait pas été vu depuis longtemps : presque à la dernière minute, le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, reporte un voyage en Chine préparé pendant des mois et prévu ce lundi et mardi.
Pour les dirigeants chinois, notoirement attachés à préserver leur image, le report de la visite ministérielle pourrait s’apparenter à un incident diplomatique majeur.
Pékin avait pourtant misé sur le nouveau gouvernement fédéral — dirigé par le chancelier Friedrich Merz (CDU) et son collègue de parti Johann Wadephul à la tête du ministère des Affaires étrangères — pour amorcer un dégel dans les relations plutôt glaciales entretenues avec la Chine par la coalition « feu tricolore ».
M. Wadephul devait être le premier ministre du nouveau gouvernement à se rendre en Chine. Eventuellement, une visite potentiellement destinée aussi à ouvrir des portes à M. Merz lui‑même.
L’ancienne ministre des Affaires étrangères, Mme Baerbock, avait provoqué un incident avec la Chine
La ministre des Affaires étrangère précédant M. Wadephul, Annalena Baerbock (Verts) avait, en septembre 2023, profondément irrité les dirigeants chinois en comparant le chef de l’État et du Parti, Xi Jinping, à un dictateur dans une interview télévisée américaine.
Le ministère des Affaires étrangères à Pékin avait alors convoqué l’ambassadrice d’Allemagne.
« Pas suffisamment de rendez‑vous confirmés », un message clair
Mais le nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Wadephul, ne manque pas non plus de clarté diplomatique envers la Chine. « La partie chinoise n’a pas été en mesure de confirmer suffisamment de rendez-vous supplémentaires, hormis la rencontre avec le ministre chinois des Affaires étrangères », a-t-il déclaré publiquement par l’intermédiaire de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Aucune autre date n’est disponible – on ne peut guère dire plus clairement que Berlin est mécontent de la position de Pékin sur des questions qui sont au cœur des préoccupations du gouvernement allemand.
Parmi celles‑ci figure le rôle de la Chine dans la guerre en Ukraine, qui dure depuis plus de trois ans et demi. À Berlin, on considère comme un secret de Polichinelle que Moscou ne tiendrait probablement pas si longtemps sans le soutien de Pékin, notamment par des livraisons de biens à double usage, utilisables à des fins civiles et militaires.
Sans compter que la Chine est l’un des plus grands acheteurs du pétrole russe, alimentant ainsi la trésorerie de guerre de Vladimir Poutine.
Russie, économie, Taïwan — les grands dossiers épineux
M. Wadephul aurait certainement abordé à Pékin les difficultés de l’économie allemande : des entreprises s’inquiètent notamment des restrictions commerciales dans les secteurs des terres rares et des semi‑conducteurs.
Le quotidien Handelsblatt avait annoncé mardi que M. Wadephul devait se rendre à Pékin avec une délégation économique de six personnes — parmi lesquelles des représentants de l’industrie automobile et des ingénieurs-mécaniciens.
Oliver Oehms, directeur général de la Chambre de commerce allemande pour la Chine du Nord, a déclaré : « Nous regrettons que l’échange prévu ait été reporté. Pour l’économie allemande en Chine, davantage de clarté sur de nombreux sujets affectant les relations aurait été nécessaire. Nos membres espèrent que le voyage sera rapidement reprogrammé. »
La porte‑parole du ministère a également souligné qu’il y avait « un grand nombre de sujets que nous souhaitons aborder avec la partie chinoise » en ces jours. Même si le gouvernement diversifie les chaînes d’approvisionnement et renforce la compétitivité, « nous voulons collaborer avec la Chine », a‑t‑elle assuré.
« Nous regrettons vivement que, contrairement à ce qui avait été prévu, il n’y ait pas d’opportunité de rencontre en personne dans les prochains jours. »
Elle a par ailleurs insisté sur le lien étroit entre la sécurité en Asie et en Europe. « Notre intérêt est que la Chine contribue à l’obtention d’une paix juste et durable en Ukraine. Aucun autre pays n’a autant d’influence sur la Russie que la Chine. »
Pékin critique la position de Berlin sur la question taïwanaise
Il n’est pas exclu qu’une déclaration faite par la Chine dans la matinée à Berlin ait également suscité des réactions négatives.
La Chine demande à l’Allemagne d’adopter une position claire et ferme contre toute activité visant à l’indépendance de Taïwan et de respecter strictement le principe d’une seule Chine, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun.
Exiger le maintien du statu quo dans la région sans rejeter l’indépendance de Taïwan revient à soutenir les « activités indépendantistes taïwanaises ».
Selon le principe d’une seule Chine, la plupart des États ne reconnaissent officiellement que la République populaire de Chine et non l’État insulaire indépendant de Taïwan. C’est également le cas de l’Allemagne.
Pékin considère Taïwan comme faisant partie de son territoire. Mais le fait que la Chine exige que l’on rejette clairement l’indépendance de Taïwan a sans doute été perçu à Berlin comme une exigence nouvelle et excessive.
Au cours des derniers mois, M. Wadephul avait critiqué à plusieurs reprises la Chine pour les menaces proférées par Pékin de vouloir modifier unilatéralement le statu quo dans le détroit entre Taïwan et la Chine. Il a également reproché à Pékin d’adopter une attitude de plus en plus agressive dans la région indo-pacifique.
Wadephul souhaite s’entretenir « très prochainement » avec Wang Yi au téléphone
Le voyage sera reporté à une date ultérieure, a déclaré la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, sans donner plus de détails. Wadephul souhaite s’entretenir très prochainement au téléphone avec son homologue chinois.
Le voyage sera reporté à une date ultérieure, a déclaré la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, sans donner plus de détails. Wadephul souhaite s’entretenir très prochainement au téléphone avec son homologue chinois.
Avec dpa/red





