L’UE fait marche arrière sur l’interdiction des voitures thermiques en 2035
L’Union européenne a décidé d’assouplir son projet d’interdiction totale des moteurs thermiques à partir de 2035, dans un contexte de crise de l’automobile et de concurrence internationale accrue. Les constructeurs pourront encore vendre une part limitée de véhicules essence, diesel ou hybrides, sous conditions strictes et avec compensation des émissions de CO2.

Des employés travaillent sur la chaîne de production des nouveaux modèles électriques Peugeot e-3008 et e-5008 à l'usine Stellantis de Sochaux, le 3 octobre 2024.
Photo: FREDERICK FLORIN/AFP via Getty Images
L’UE renonce au « tout-électrique » obligatoire en 2035, mesure emblématique du Pacte vert européen. Elle adapte sa stratégie face aux difficultés de l’industrie automobile, confrontée à des ventes en berne et à la pression des constructeurs chinois. La Commission européenne présente ce virage comme une réponse réaliste aux contraintes du secteur, sans abandonner l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Un objectif maintenu mais assoupli
Les constructeurs ne seront plus forcés d’abandonner totalement les moteurs thermiques et hybrides en 2035. Ils devront désormais réduire de 90 % les émissions de CO2 de leurs ventes par rapport à 2021, puis compenser les 10 % restants. Bruxelles affirme ainsi que le secteur atteindra une décarbonation complète à l’horizon 2050.
Le commissaire européen Stéphane Séjourné défend cette évolution comme une adaptation, et non un recul. « L’objectif reste le même, les flexibilités sont des réalités pragmatiques au vu de l’adhésion des consommateurs, de la difficulté des constructeurs à proposer sur le marché du 100 % électrique pour 2035 », a-t-il expliqué à l’AFP. Il insiste sur une approche « pragmatique » face à la situation industrielle.
Pressions économiques et concurrence internationale
Cette inflexion intervient alors que l’automobile européenne traverse une crise prolongée. Les ventes restent faibles, tandis que les marques chinoises, comme BYD, gagnent des parts de marché avec des véhicules électriques à prix attractifs. Les constructeurs européens réclamaient depuis des mois des « flexibilités » pour adapter le rythme de la transition.
L’UE a déjà retardé ou allégé plusieurs mesures environnementales dans un mouvement assumé en faveur de la compétitivité. Le chancelier allemand Friedrich Merz approuve la nouvelle ligne et estime que l’Europe est sur le « bon chemin ». Le président français Emmanuel Macron salue pour sa part « l’équilibre de la proposition de la Commission », qui répond à plusieurs demandes de la France.
Réactions partagées chez les industriels
Les réactions de l’industrie restent toutefois contrastées. Le groupe allemand Volkswagen salue une décision « pragmatique » et « économiquement saine ». À l’inverse, la fédération allemande de l’industrie automobile (VDA) juge le plan « funeste » et l’estime assorti de trop d’obstacles pour être réellement efficace.
Les ONG environnementales critiquent vivement cet assouplissement. Greenpeace dénonce une « mauvaise nouvelle ». Pour le Réseau action climat, « il s’agit d’un recul aussi symbolique que mortifère pour l’industrie automobile européenne, ses emplois et le climat ». Ces organisations y voient une remise en cause du signal fort initial en faveur du tout-électrique.
Un compromis arraché entre États membres
La nouvelle ligne européenne résulte d’intenses négociations entre la Commission et les États membres. Chaque capitale a cherché à défendre ses intérêts industriels jusqu’au dernier moment. Un bloc de pays, dont l’Allemagne et l’Italie, portait la notion de « neutralité technologique » et souhaitait maintenir la possibilité de moteurs thermiques après 2035, en misant sur des technologies moins émettrices et des carburants alternatifs.
Face à eux, la France et l’Espagne plaidaient pour limiter au maximum l’écart avec l’objectif initial. Elles redoutaient un affaiblissement des efforts déjà engagés par certains constructeurs vers le tout-électrique, ainsi qu’un coup porté à la filière européenne des batteries en plein essor. Le compromis trouvé tente de concilier ces positions opposées.
Soutien renforcé à l’électrique européen
Pour répondre aux inquiétudes sur l’électrification, la Commission accompagne l’assouplissement de plusieurs mesures de soutien. Elle propose d’encourager le « verdissement » des flottes d’entreprises et de mettre en place des prêts à taux zéro pour la production de batteries. L’exécutif européen veut aussi favoriser le développement de petits véhicules électriques européens à des prix « abordables ».
Stéphane Séjourné annonce également l’instauration d’une « préférence européenne » dans l’automobile. Les industriels bénéficiant de financements publics devront se fournir en composants « made in Europe ». L’objectif est de soutenir concrètement l’ensemble de la chaîne, des équipementiers aux sous-traitants. La ministre française de la Transition écologique, Monique Barbut, parle d’« une énorme victoire » pour la France sur ce point.
Une flexibilité contestée sur les moteurs thermiques
Monique Barbut regrette néanmoins la flexibilité accordée aux véhicules thermiques. Elle annonce son intention de s’y opposer pendant les discussions entre les Vingt-Sept. Les propositions de la Commission doivent encore recevoir l’approbation des États membres et du Parlement européen, ce qui ouvre une nouvelle phase de négociations.
Le débat reste donc ouvert entre ambition climatique, protection de l’emploi industriel et adaptation aux réalités du marché. La Commission affirme maintenir le cap de la neutralité carbone, tout en ajustant le calendrier et les moyens. Les opposants, eux, dénoncent un signal brouillé envoyé au secteur automobile européen, déjà fragilisé par la concurrence mondiale.
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