Voyage en galaxies (2) : Planck, la machine à sonder le cosmos

La formation des étoiles et de la turbulence magnétique dans le nuage moléculaire d'Orion. ESA/Planck Collaboration
La naissance énigmatique des galaxies lointaines est l’un des grands mystères de la cosmologie moderne. Comme vous avez pu vous en apercevoir en lisant le premier article de notre série, « Voyage en galaxies », les scientifiques se posent nombre de questions sur leur formation, leur taille, leur organisation en amas de galaxies, la matière qui les constitue… C’est dans ce contexte qu’intervient la découverte de Planck, cet observatoire spatial qui a pour mission de cartographier ce que l’on appelle le « fond diffus cosmologique », un rayonnement témoin de l’état de l’Univers environ 380 000 ans après le Big Bang. 
Planck n’observe pas seulement le fond diffus cosmologique ; les galaxies aussi !
Plusieurs décennies de recherches se sont appuyées sur des modèles, des simulations et des observations réalisées avec les télescopes au sol ou dans l’espace. Elles ont permis d’aboutir à un scénario relativement satisfaisant de formation des grandes structures et des galaxies, malgré les questions et incertitudes mentionnées. Pour affiner les modèles, il s’avère utile de cibler des galaxies lointaines. Notre équipe a donc choisi de chercher sur la totalité du ciel observé par Planck les zones qui pourraient correspondre à des galaxies lointaines.

Les lancements des deux télescopes Planck et Herschel ont eu lieu en 2009. S. Corvaja/ESA, CC BY-NC
En l’occurence, « lointaine » signifie qu’il y a une grande distance cosmologique. Que veut dire ce terme ? Les objets les plus « éloignés » de l’univers sont également les plus anciens, proches du Big Bang, car ce sont ceux dont la lumière a mis le plus de temps à parvenir à l’observateur. Ils sont également perçus avec ce que les spécialistes appellent le « décalage vers le rouge », vers les grandes longueurs d’ondes du spectre de la lumière visible. Ce « redshift » est d’autant plus grand que l’objet est lointain.
Comment Planck détecte-t-il les galaxies lointaines ?
En pratique, comment procèdent les scientifiques pour détecter ces galaxies lointaines ? La méthode, inventée par des collègues toulousains qui font partie de la collaboration Planck, consiste tout d’abord à nettoyer les données des lumières d’avant-plan gênantes. Puis à analyser les fines fluctuations brillantes dans les images de Planck et à extraire celles qui correspondent à la bonne « couleur » : c’est-à-dire celle dont l’émission est plus intense vers 0,4 mm de longueur d’onde. Pour prendre en compte les biais que l’on peut rencontrer dans ce genre de travail, on fait tourner des simulations. Résultat, l’équipe a obtenu plus de 2.000 candidats solides qui seraient des galaxies ou des ensembles de galaxies lointaines, à « grand décalage vers le rouge », formant beaucoup d’étoiles.

La totalité du ciel, observé par Planck, est représentée dans l’image orangée. Au centre, notre galaxie, la Voie lactée. Plus de 2 000 sources à grande distance, possibles galaxies, ont été découvertes par Planck. Environ 10 % d’entre elles (points noirs sur le ciel Planck) ont été observées par Herschel, dont 9 images sont présentées en vignettes. H. Dole/ESA,
L’apport du satellite Herschel
Les images révélées par Herschel nous ont subjugués. Nous avons alors découvert que la plupart des candidats détectés par Planck sont des concentrations de galaxies qui créent des étoiles de manière intensive : leurs taux de formation stellaire dépassent de plus de 500 fois celui de notre galaxie, la Voie lactée ! Plus important encore, de nombreux indices montrent qu’elles pourraient être des amas à grand décalage vers le rouge. Il s’agit là d’une importante découverte qui révèle les grandes structures dans leur phase de création stellaire intense. Cela correspond probablement à leur phase de formation initiale, jamais observée auparavant avec autant de détails et sur un si large échantillon. En outre, il y a quelques autres joyaux qui ont pu être détectés dans le reste des données : par exemple, des galaxies ultra brillantes à « haut redshift », amplifiées par un effet dit de lentille gravitationnelle. On peut ainsi les soumettre à une étude physique de la composition du gaz et de la dynamique galactique, de façon aussi détaillée que s’il s’agissait de galaxies proches.
Nous devons encore poursuivre nos investigations sur ces concentrations de galaxies formant furieusement des étoiles. Notamment pour prouver qu’il s’agit bien d’amas, et non pas simplement des alignements fortuits de galaxies les unes derrière les autres. De même, il nous faut confirmer notre hypothèse sur la nature de ces concentrations : sont-elles bien les chaînons manquants de la formation des structures, c’est-à-dire des amas de galaxies en formation, ou juste des « clubs de galaxies jeunes » sans importance cosmologique ?
L’étude de ces structures sera rendue possible notamment grâce à Euclid, le prochain satellite européen dédié à la cosmologie dont le lancement est prévu fin 2020. De même que pour Planck, la communauté astrophysique française y jouera un rôle de premier plan. Nous pouvons aussi compter sur d’autres moyens d’observation, puissants, comme le réseau de télescopes ALMA au Chili et le satellite JWST de la NASA, successeur de Hubble, prévu pour 2018 auquel l’Europe contribue.
Hervé Dole, Professeur d’astrophysique et physique, Université Paris Sud – Université Paris-Saclay
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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