Logo Epoch Times

Opinion

plus-icon

Un pays fissuré, un souvenir qui rassemble

Dans un hôtel bondé, la récitation du serment d’allégeance ravive chez l’autrice une mémoire d’enfance et une conviction profonde : le rêve américain reste un projet collectif qui mérite d’être défendu.

top-article-image

Les écolières placent leurs mains sur leur cœur pour réciter le serment d'allégeance.

Photo: Biba Kayewich

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 7 Min.

Je prenais récemment la parole lors d’une conférence quand, dès l’ouverture, quelqu’un est monté sur scène pour demander aux 1600 participants réunis dans une vaste salle de l’hôtel Marriott de se lever et de réciter le serment d’allégeance. Je me suis levée, la main sur le cœur. J’ai suivi le mouvement presque automatiquement, même si je ne me souviens pas de la dernière fois où je l’ai récité devant autant de monde. Peut-être ne l’ai-je jamais fait. Mais quelque chose, dans le fait de le dire dans une salle aussi immense, m’a touchée d’une manière à laquelle je ne m’attendais pas.

Aussi frustrée que je puisse être face à notre gouvernement américain et aux systèmes qui s’effritent autour de nous, je reste patriote. Je continue de croire à l’expérience américaine. Je crois qu’on ne s’en détourne pas simplement parce que certaines parties se brisent. Et lorsque les mots ont franchi mes lèvres, ces mots que je connais depuis l’enfance, j’ai senti la chair de poule me parcourir les bras et la nuque.

Une école publique, un rituel inconnu

Ce moment a ravivé un souvenir très ancien. Enfant, j’étais scolarisée dans une école Waldorf privée. En sixième, parce que j’étais en retard en lecture et en écriture, un autobus m’amenait le matin dans une école publique pour assister aux deux premiers cours dans une classe spécialisée. L’école Waldorf n’avait pas les moyens de m’accompagner dans ces matières. Je menais une vie très protégée et je n’avais jamais mis les pieds dans une école publique. Ce premier matin, la cloche a sonné et je me suis assise à ma table. Tous les autres élèves se sont levés et ont posé la main sur leur cœur. J’ignorais de ce que nous étions en train de faire. Mes parents étaient des hippies. Nous ne récitions jamais le serment d’allégeance, ni à la maison ni à l’école. Les autres enfants semblaient pourtant savoir exactement quoi faire.

Je me suis levée simplement parce que tout le monde le faisait. J’ai posé ma main sur mon cœur. J’ai articulé des mots sans les prononcer, puisque je ne les connaissais pas. Au cours de cette année de sixième, j’ai appris le texte, sans vraiment le comprendre. Cela ressemblait à une corvée, une formalité pour commencer la journée. Je l’ai mémorisé, mais il n’a jamais eu de sens pour moi. Il ne m’a certainement jamais émue.

Un texte qui résonne autrement

Debout dans cette salle du Marriott, des décennies plus tard, j’ai ressenti tout autre chose.

« Je jure allégeance au drapeau des États-Unis d’Amérique. […] une nation sous Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous. »

Entretemps, nous avons oublié le sens de ces derniers mots. Oublié que nous formons une seule nation. Ce matin-là, la salle était remplie d’agriculteurs venus de tous les États, et probablement de quelques-uns du Mexique et du Canada. Beaucoup étaient amish. Beaucoup venaient de traditions agricoles radicalement différentes. Ils ne votaient peut-être pas de la même manière. Ils ne menaient peut-être pas les mêmes vies. Ils n’utilisaient même pas toujours les mêmes technologies. Et pourtant, à cet instant, nous étions tous debout, côte à côte, à prononcer la même promesse.

J’ai été frappée par la rareté d’un tel sentiment.

Une nation fragmentée

En tant que mère et personne travaillant au contact de la terre, je sens à quel point le pays se fracture. On le voit dans la manière dont les gens se parlent. Dans la peur qu’ils ont d’exprimer ce qu’ils pensent vraiment. Dans ces conversations évitées dès qu’il y a divergence, par crainte des conséquences. Nous nous sommes morcelés en minuscules fragments, en tribus, en identités, en groupes en ligne qui ne se reconnaissent même plus comme Américains.

Mais sous tout ce vacarme, la plupart des gens aspirent encore aux mêmes choses. Ils veulent de la dignité. Ils veulent de la sécurité. Ils veulent la liberté de dire la vérité sans être punis. Ils veulent un avenir sûr et porteur de sens pour leurs enfants. Nous oublions tout ce que nous partageons encore.

Le patriotisme comme honnêteté

Je crois sincèrement qu’on peut aimer son pays et dénoncer la corruption qui s’y glisse. Cette honnêteté représente même, selon moi, l’une des formes les plus authentiques de patriotisme. Aimer l’Amérique ne signifie pas prétendre que tout va bien. Cela signifie se soucier suffisamment de son pays pour être honnête lorsque les choses déraillent. Cela signifie s’exprimer lorsque les dirigeants perdent leur intégrité. Cela signifie se rappeler qu’un pays comme le nôtre ne tient debout que si ses citoyens y participent avec courage.

Une émotion inattendue

J’avais donc 47 ans, la main sur le cœur, récitant le serment d’allégeance les larmes aux yeux. Je ne me sentais liée ni à un parti politique ni à un slogan. Je me sentais liée à l’idée même de l’Amérique. L’idée que des personnes différentes peuvent malgré tout se tenir ensemble et revendiquer une identité commune. L’idée qu’une nation sous Dieu n’est pas la description de ce que nous sommes aujourd’hui, mais la vision de ce que nous pouvons redevenir.

Je ne prétends pas détenir les réponses. Mais je sais ceci : le rêve américain mérite encore d’être défendu. L’idéal d’une nation sous Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous n’est pas qu’une phrase apprise par cœur dans l’enfance. C’est un appel. Un rappel de ce que nous pourrions devenir si nous choisissions à nouveau l’unité. Et j’espère que nous la choisirons.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Mollie Engelhart, agricultrice et éleveuse, est engagée dans la souveraineté alimentaire, la régénération des sols et l\'éducation à l\'agriculture familiale et à l\'autosuffisance.

Articles actuels de l’auteur