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Prêt de la tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni : la préfecture du Calvados retire une vidéo qui contrecarrait le projet

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La « tapisserie de Bayeux » ou « tapisserie de la reine Mathilde » relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066, à Bayeux, en Normandie.

Photo: LOIC VENANCE/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

Le week-end dernier, la célèbre tapisserie de Bayeux a été présentée une ultime fois avant la fermeture du musée pour travaux. Emmanuel Macron a annoncé le 8 juillet son intention de la prêter au British Museum de Londres entre septembre 2026 et juin 2027. Mais la fragilité extrême de l’œuvre inquiète les experts, tandis que des voix s’élèvent également au Royaume-Uni contre ce projet.
La controverse autour de la tapisserie de Bayeux, broderie inscrite au registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO, ne cesse de grandir. Une vidéo publiée sur le compte YouTube de la préfecture du Calvados, qui mettait en garde contre le transport de l’œuvre, a récemment été retirée de façon discrète, comme l’a constaté l’Agence de Radio France ce mardi, selon Ici Normandie. Alors que le président de la République vient d’annoncer son intention de prêter la broderie aux Britanniques, ce retrait suscite des interrogations.
« Trop fragile pour être déplacée sur une grande distance »
Dans cette vidéo, intitulée « Tapisserie de Bayeux : les opérations de dépoussiérage et de stockage avant la création du nouveau musée » et publiée en février, des spécialistes insistaient sur l’extrême fragilité de l’œuvre lors d’un éventuel déplacement. Cécile Binet, conseillère musées de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) de Normandie, affirmait s’être « rendu compte au fur et à mesure des études » que la tapisserie était « trop fragile pour être déplacée sur une grande distance » et que « toute manipulation supplémentaire était un risque pour sa conservation ». Ces préoccupations avaient déjà été exprimées par des experts dès 2020.

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Contactée par France 3 Normandie, la préfecture du Calvados a confirmé avoir retiré la vidéo de ses réseaux sociaux, sans en préciser clairement les raisons. Elle indique simplement que d’autres vidéos seront publiées lors de la fermeture du musée de Bayeux.
Cette disparition n’est pas un cas isolé : l’article de la DRAC Normandie du 23 avril dernier, portant sur le transport de la tapisserie, affiche lui aussi aujourd’hui une page blanche, précise encore Ici Normandie.
« Les Français ont raison : ne nous prêtez pas la Tapisserie de Bayeux »
Et la polémique continue de croître, y compris outre-Manche. Les Britanniques prennent également conscience des risques liés au transport de cette œuvre. C’est notamment ce que souligne Neil Jeffares, éminent historien de l’art anglais et spécialiste des pastels, qui s’oppose à ce prêt depuis le début, comme en témoigne la lettre qu’il a publiée dans le Financial Times le 15 août dernier.
Le Globe and Mail alertait également, dans un article du 2 septembre, sur la fragilité de l’œuvre dans son titre : « Bayeux Tapestry too fragile to be shipped to Britain, art conservators warn » (« La Tapisserie de Bayeux trop fragile pour être envoyée en Angleterre, préviennent les conservateurs »). Dans un article du Telegraph, intitulé « The French are right – don’t lend us the Bayeux Tapestry » (« Les Français ont raison : ne nous prêtez pas la Tapisserie de Bayeux »), Alan Cochrane explique en conclusion que cette « œuvre fabuleuse est en sécurité à Bayeux et mérite d’y rester. Définitivement ».
Près de 24.000 taches, 16.445 plis, 10.000 lacunes et une trentaine de déchirures
Malgré les alertes et réticences des experts, le chef de l’État français a néanmoins décidé de prêter la tapisserie aux Anglais. Comme le relate France 3, il expliquait le 8 juillet dernier au Royaume-Uni, sur le ton de la plaisanterie, que « pendant des décennies, nous avons fait de notre mieux pour ne pas être en mesure d’accorder le prêt de la tapisserie de Bayeux », ajoutant : « Nous avons cherché les meilleurs experts au monde pour expliquer dans les plus petits détails pourquoi il était parfaitement impossible de faire ce prêt. » Ces propos avaient provoqué l’hilarité de son auditoire.
Il n’y a pourtant pas de quoi rire. Le Canard enchaîné a précisé, le 2 septembre dernier, qu’après des siècles à être roulée, dépliée et déplacée, la tapisserie compte aujourd’hui près de 24.000 taches, 16.445 plis, 10.000 lacunes et une trentaine de déchirures. Le journal satirique ajoute que plus de 70 personnes sont nécessaires rien que pour la décrocher de son support, en suivant un protocole d’une extrême complexité.
On ne peut qu’espérer que l’œuvre – « récit brodé » du XIe siècle relatant la conquête de l’Angleterre en 1066 par Guillaume, duc de Normandie et futur « Guillaume le Conquérant » – pourra retrouver sa place dans le bâtiment flambant neuf conçu pour l’exposer dans les meilleures conditions. Si tout se passe bien, sa réouverture est prévue pour 2027, qui marquera l’année du millénaire de Guillaume le Conquérant.
Outre son exposition au prestigieux British Museum de Londres en échange de pièces médiévales issues du trésor archéologique de Sutton Hoo, la tapisserie millénaire de plus de 68 mètres de long, attribuée à la Reine Mathilde, doit être conservée en réserve dans des caisses.