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La Chine a plus à perdre que les États Unis dans une guerre commerciale mondiale, selon des chercheurs

Une « rupture économique » imposée au PCC nuirait à l’économie chinoise cinq à sept fois plus qu’à celles des États Unis et de leurs alliés, affirme un professeur de Dartmouth.

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Des conteneurs sont visibles dans le port de Shanghai, le 8 septembre 2025.

Photo: STR/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 18 Min.

Si les différends commerciaux entre les États‑Unis et la Chine dégénéraient en interdictions totales d’exportations et d’importations, les économies des deux pays seraient dévastées. Mais l’économie chinoise – qui dépend de l’exportation de produits pouvant être fabriqués ailleurs – en souffrirait bien davantage et pour beaucoup plus longtemps, estiment des chercheurs.
Selon le professeur Stephen Brooks, de Dartmouth, si les États‑Unis et leurs alliés imposaient à la Chine une « rupture économique », les dommages causés à son économie seraient cinq à sept fois supérieurs à ceux subis par l’économie américaine, et son produit intérieur brut se contracterait de 15 % à 51 % en un an.
M. Brooks, coauteur de l’ouvrage Command of Commerce : America’s Enduring Economic Power Advantage over China (Le commerce : l’avantage économique durable des États-Unis sur la Chine, ndlr), faisait partie des quatre experts qui ont participé, le 5 décembre, à une discussion organisée au Strobe Talbott Center de l’institut Brookings, à Washington, sur le thème des « chaînes d’approvisionnement critiques à l’ère de la rivalité entre grandes puissances ».
Tous ont estimé que les États‑Unis – surtout s’ils agissent de concert avec l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan – sont mieux placés que le Parti communiste chinois (PCC), au pouvoir à Pékin, pour résister à une « guerre commerciale ».
Cette appréciation va à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle ces pays ne pourraient pas nuire à la Chine sans se nuire tout autant à eux‑mêmes, explique M. Brooks.
« C’est en grande partie faux », a‑t‑il déclaré. « Une grande raison pour laquelle c’est mal compris, c’est que la Chine aime se présenter comme faisant 3,50 m de haut, et ensuite notre gouvernement dit : “Oui, ils font 3,50 m de haut.” »
La Chine est effectivement le premier transformateur mondial de minerais critiques, essentiels à l’industrie moderne, y compris pour les applications militaires. Ses entreprises contrôlent 90 % du marché mondial des aimants, comme le documente un récent rapport du Congrès.
Selon ce rapport, les entreprises chinoises de transformation raffinent 85 % à 90 % des terres rares et contrôlent au moins 75 % du marché mondial pour 30 des 54 matières premières jugées « essentielles pour la sécurité nationale » par l’Institut d’études géologiques des États‑Unis (USGS) dans sa liste 2025 des minéraux critiques.
Les industriels américains dépendent à 100 % des importations pour 12 de ces 54 matières premières et à plus de 50 % des importations pour 29 autres. Depuis le mois d’avril, le PCC a imposé des « restrictions à l’exportation » sur 12 terres rares – qui sont collectivement classées comme un seul minéral critique sur la liste de l’USGS – dont cinq supplémentaires en octobre.
La Chine a depuis suspendu pour un an les restrictions visant les cinq éléments sanctionnés lors des négociations commerciales d’octobre avec le président Donald Trump, mais les limitations imposées sur sept autres terres rares restent en vigueur.
La manipulation des marchés mondiaux des minerais par le PCC est « de loin la meilleure arme dont disposait la Chine », estime M. Brooks. « Je ne vois toujours rien qui se rapproche, en termes de valeur stratégique, de l’atout que représentent les terres rares pour la Chine. »
« Par conséquent, poursuit‑il, il se peut que la Chine ait déjà utilisé sa meilleure arme. Si j’étais un stratège chinois, je l’aurais au contraire gardée en réserve pour ce que j’appellerais une véritable crise. »
Si les États‑Unis élargissaient leurs restrictions à l’exportation visant les industries chinoises, « ils disposeraient d’un pouvoir extraordinaire », affirme M. Brooks. « En ce qui concerne tout ce dont la Chine a besoin, en provenance des États‑Unis et de leurs alliés, pour fabriquer ce qu’elle veut fabriquer, je ne peux littéralement pas écarter les bras suffisamment. »
Le livre Command of Commerce, publié en avril après trois années de recherche menées avec son coauteur Ben Vagle, lauréat 2025 de la bourse Knight‑Hennessy, met en lumière des données biaisées ou mal interprétées, des critères mal définis pour mesurer les économies, et une révélation « assez choquante » : « personne n’avait réellement modélisé ce qui se passerait exactement en cas de rupture des échanges avec la Chine », explique M. Brooks.
Parmi les conclusions : « L’économie chinoise est inférieure d’un tiers à sa taille actuellement estimée, non pas de 3 % mais de 33 %, ce qui signifie qu’elle représente en réalité environ la moitié de la nôtre et non les deux tiers. »
Il relève que « l’Union soviétique, à l’apogée de sa puissance économique en 1975, atteignait 57 % du PIB américain », et estime au vu de ses travaux que « la Chine n’a pas encore atteint, par rapport à nous, la taille qu’avait l’URSS au plus fort de la guerre froide».

Des conteneurs venus de Chine et d’autres pays d’Asie sont déchargés dans le port de Los Angeles, à Long Beach (Californie), le 14 septembre 2019. (Mark Ralston/AFP via Getty Images)

Peu de vulnérabilités « aiguës »

Autre constat, selon lui : 55 % des profits mondiaux dans les hautes technologies reviennent à des entreprises américaines, contre seulement 8 % à des entreprises chinoises, ce qui confirme que la Chine ne se situe pas majoritairement là où les technologies sont développées, mais surtout là où les produits finis sont assemblés – un rôle et une opportunité que d’autres pays pourraient assumer.
« Beaucoup de choses sont fabriquées en Chine. Si l’on regarde cela géographiquement, la Chine est très impressionnante », observe M. Brooks. « Mais si l’on demande : “Qu’est‑ce que les entreprises chinoises produisent elles‑mêmes ?”, c’est nettement moins impressionnant. »
La mondialisation joue en faveur des États‑Unis, poursuit‑il. « Dans le domaine des hautes technologies, on a en gros les États‑Unis et leurs alliés qui représentent 85 % à 90 % [des profits mondiaux]. Si ces 90 % se coupent de la Chine, la Chine échouera. »
Parmi les idées fausses figure le fait de compter des produits comme l’iPhone dans la production technologique chinoise, alors que 32 % de ses composants viennent des États‑Unis, 25 % de Corée du Sud, 12 % du Japon et 7 % de Taïwan.
« La Chine arrive en cinquième position avec 3,8 %, soit environ 20 dollars de valeur ajoutée dans un iPhone », précise‑t‑il. « Ce n’est pas un téléphone chinois, mais il est comptabilisé comme tel dans toutes les statistiques dont nous disposons, y compris lorsque l’on affirme que la Chine est “la superpuissance manufacturière”. »
« L’autre problème, ajoute‑t‑il, c’est que l’on met toute la production manufacturière dans le même panier, en mélangeant des micropuces et des baguettes en bois. Or, il faut distinguer ce qui est vraiment crucial : la production de haute technologie. »
« Et si l’on regarde précisément la production de haute technologie, ce sont les États‑Unis, et non la Chine, qui sont la superpuissance manufacturière mondiale. Les États‑Unis représentent 29 % et la Chine 16 %. »
M. Brooks souligne également que « la Chine est une économie très particulière » où l’investissement représente, depuis le milieu des années 1980, au moins 35 % du PIB, alors même que les rendements diminuent faute d’une hausse équivalente de la consommation. « Personne d’autre n’est dans ce cas, et cela fausse leur PIB ainsi que d’autres indicateurs », affirme‑t‑il.
Le livre a été « examiné plus de 20 fois » avant sa publication par les agences fédérales, qui « ont tout absorbé sans rien ajouter », précise-t-il. « Le fait que notre gouvernement n’ait pas procédé à cette analyse est assez choquant. »
« Cela n’a pas toujours été le cas », ajoute‑t‑il, « en rappelant que “pendant la guerre froide, le plus gros département de la CIA était consacré à évaluer l’économie soviétique”. Nous avons abandonné cette pratique. Nous ne l’avons jamais reprise. Nous devons la reprendre. »
La modératrice Kari Heerman, chercheuse senior en études économiques à Brookings, estime que ce qui distingue l’ouvrage de M. Brooks de la plupart des analyses, c’est qu’il « met davantage l’accent sur la capacité offensive que les États‑Unis peuvent déployer, en particulier dans un scénario de conflit avec la Chine », en examinant des données économiques « largement mal comprises ».
Elle souligne qu’une analyse publiée en novembre par Brookings et cosignée par les trois autres intervenants « propose un cadre très clair pour expliquer comment les États‑Unis devraient non seulement identifier les relations commerciales susceptibles de présenter un risque pour la sécurité nationale, mais aussi, point tout aussi crucial, comment hiérarchiser ces risques potentiels ».
Le directeur de la recherche en politique étrangère du Strobe Talbott Center, Michael O’Hanlon, auteur de To Dare Mighty Things, U.S. Defense Strategy Since The Revolution (Oser de grandes choses, la stratégie de défense américaine depuis la Révolution, ndlr), à paraître en 2026, indique que les inquiétudes croissantes concernant les chaînes d’approvisionnement de l’industrie de défense – notamment pour les terres rares et les semi‑conducteurs – attirent à juste titre l’attention et suscitent des moyens supplémentaires.
« Cela nous a amenés à nous demander s’il existait d’autres secteurs de l’économie dans lesquels, si un adversaire étranger décidait de vraiment mettre son “pied métaphorique sur notre gorge”, il pourrait menacer le fonctionnement de base de la société, de l’économie et mettre immédiatement un grand nombre de vies en danger », explique‑t‑il.
La réponse, selon M. O’Hanlon, est qu’« il n’existe finalement pas tant de vulnérabilités aiguës du côté de l’offre » susceptibles de provoquer un bouleversement économique massif aux États‑Unis dans le cadre d’une guerre commerciale avec le PCC.

Le stand AstraZeneca lors du salon du matériel médical du Zhejiang, à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, en Chine, le 31 octobre 2024. (STR/AFP via Getty Images)

Dépendance aux génériques dans la pharma

Il y aurait des désagréments, reconnaît M. O’Hanlon, par exemple dans « les stades et autres lieux de grands rassemblements. Peut‑être que certains sièges viennent de Chine, peut‑être que certains grands écrans [géants] viennent de Chine. Mais si nous devons renoncer à voir Washington [Commanders] perdre un énième match de football parce qu’un écran a été coupé en raison d’une crise de l’offre, ce n’est pas un grand problème de sécurité nationale – c’est peut‑être même meilleur pour mon cœur. »
Une vulnérabilité potentielle réside dans « les dépendances à l’égard des pesticides et insecticides, là où la Chine détient, disons, 25 % de part de marché », ajoute‑t‑il. « C’est une zone grise en termes de sécurité nationale : si c’est 25 %, ce n’est pas 95 %, et il existe probablement des moyens de réduire un peu l’usage de pesticides ici ou là, ou de substituer certaines cultures. »
L’étude examine « 16 secteurs d’infrastructures critiques » tels que définis par le département de la Sécurité intérieure et d’autres agences, afin d’identifier « les domaines où la société dans son ensemble dépend de l’économie au sens large », poursuit M. O’Hanlon.
Parmi ces secteurs figure l’industrie pharmaceutique, explique Marta Wosinska, chercheuse senior en politique de santé et études économiques à Brookings, auteure d’une analyse de la chaîne mondiale d’approvisionnement en médicaments sur ordonnance et de l’emprise du PCC sur les produits chimiques précurseurs des antibiotiques.
« La Chine ne produit pas de percées thérapeutiques majeures, mais elle fabrique des volumes massifs de médicaments génériques », souligne‑t‑elle. « Il existe là une opportunité de chaîne d’approvisionnement pour d’autres pays, dont les États‑Unis, s’ils parviennent à en faire une activité rentable et à la capter. »
« Prenons l’exemple des médicaments génériques. [Les fabricants américains] y consacrent très peu de moyens, car ce marché n’est pas rentable », explique Mme Wosinska. « Soixante pour cent des Américains consomment 187 milliards de comprimés [par an] ; uniquement des comprimés, sans compter les autres formes galéniques. Mais, vous savez, cela représente une somme dérisoire » par rapport aux médicaments spécialisés fabriqués aux États-Unis.
« Nous dépendons énormément de la Chine pour les antibiotiques », poursuit‑elle. « Or nous n’avons pas à dépendre d’elle, puisqu’il existe des fabricants européens qui produisent non seulement les API [principes actifs pharmaceutiques], mais qui fermentent aussi les précurseurs et les intermédiaires, et disposent d’une capacité suffisante pour fournir le marché américain. »
Ces produits seraient « plus chers que les versions chinoises », reconnaît‑elle, mais la dépendance vis‑à‑vis de la Chine est « en quelque sorte un choix ». « Nous nous sommes mis nous‑mêmes dans cette situation. Nous continuons à la choisir. »
L’Inde ambitionne de devenir « la pharmacie du monde », explique Mme Wosinska, mais comme ses génériques reposent sur des API transformés en Chine, les droits de douane imposés par les États‑Unis sur les produits indiens – qui atteignent environ 50 % si l’on cumule les droits de base, les tarifs « réciproques » et les pénalités liées aux achats de pétrole russe – freinent le développement d’alternatives à la Chine.
« Le gouvernement indien tente vraiment d’augmenter la [production] d’API pour se désensibiliser de la Chine, et nous en bénéficierions. Mais imposer des droits de douane aux fabricants indiens les contraindrait à rechercher les API au moindre coût », explique‑t‑elle. « Où trouvent‑ils les coûts les plus bas ? En Chine. »
Les tarifs douaniers sont utiles pour protéger des industries nationales clés et favoriser la diversification des chaînes d’approvisionnement, ajoute‑t‑elle, mais ils doivent être appliqués avec discernement.
« Voulons‑nous considérer l’Inde comme un allié dans le domaine pharmaceutique ? », interroge Mme Wosinska. « Si nous devions choisir … entre l’Inde et la Chine, nous devrions sans doute vraiment réfléchir à la manière de travailler avec [l’Inde]. La discussion sur les tarifs visant l’Inde me rend très nerveuse pour cette raison. »
Mark Muro, chercheur senior à Brookings Metro, avance « deux raisons faucons de réduire nos droits de douane ».
Premièrement, explique‑t‑il, « nous avons besoin que nos alliés soient à nos côtés si nous voulons présenter un front uni face à la Chine. »
« Deuxièmement, si nous voulons nous désensibiliser vis‑à‑vis de la Chine », poursuit M. Muro, « alors nous ne pouvons pas laisser la Chine bénéficier de taux de droits de douane plus bas que beaucoup d’autres pays dans lesquels nous souhaitons voir les entreprises se déplacer. »
John Haughey est journaliste depuis 1978 et possède une vaste expérience des collectivités locales, des législatures d'État, de la croissance et du développement. Diplômé de l'université du Wyoming, c'est un vétéran de la marine qui a combattu en mer pendant trois déploiements à bord du USS Constellation. Il a été reporter pour des quotidiens en Californie, à Washington, dans le Wyoming, à New York et en Floride, et rédacteur pour des publications commerciales basées à Manhattan.

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