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plus-iconQuand l’Histoire se trompe

Ce portrait n’est finalement pas Marie-Antoinette

Pendant deux siècles et demi, ce portrait délicat de Jean-Étienne Liotard fut présenté comme l’un des plus anciens visages de Marie-Antoinette. Mais une chercheuse d’Oxford vient d’y déceler un indice oublié : la médaille qu’arbore l’enfant ne pouvait être celle de la future reine de France. Une erreur historique se dévoile alors, révélant que l’effigie n’était autre que celle de sa sœur, Maria Carolina.

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Pendant des siècles, ces deux portraits d’enfance réalisés par Jean-Étienne Liotard ont été considérés comme représentant (à g.) Marie-Antoinette et sa sœur Maria Carolina. De récentes recherches ont révélé une confusion historique : c’est en réalité Maria Carolina qui tient la navette (à g.), tandis que sa cadette, Marie-Antoinette, tient la rose.

Photo: Domaine public

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Durée de lecture: 5 Min.

De récentes recherches ont révélé qu’un célèbre portrait, longtemps considéré comme représentant la future reine de France âgée de sept ans, est en réalité celui de sa sœur Maria Carolina, future reine de Naples et de Sicile.

Catriona Seth, professeure de littérature française à l’Université d’Oxford, titulaire de la chaire Marshal Foch et membre du All Souls College, étudiait les portraits de Marie-Antoinette (1755–1793) pour son prochain ouvrage lorsqu’elle découvrit cette erreur historique.

« J’avais l’intuition que quelque chose clochait dans ce charmant portrait de Liotard censé la montrer à sept ans. J’ai été ravie de voir que l’examen des textes et des images du XVIIIᵉ siècle à la recherche d’indices m’a menée à une série de découvertes », confie-t-elle sur le site de l’Université d’Oxford.

Sa curiosité la conduisit au Musée d’Art et d’Histoire (MAH) de Genève, qui conserve onze portraits de Marie-Antoinette et de ses frères et sœurs signés Jean-Étienne Liotard. Elle y remarqua que la médaille portée par « Marie-Antoinette » dans le portrait de 1762 était un ordre de chevalerie qui ne lui fut conféré qu’en 1766. Catriona Seth savait en revanche que sa sœur aînée, Maria Carolina (1752–1814), reçut cette distinction dès l’année où Liotard réalisa le portrait à Vienne.

Elle comprit alors que le portrait n’était pas celui de Marie-Antoinette. « Il y a forcément eu inversion », conclut-elle.

Archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche, future reine de France, âgée de 7 ans, 1762, par Jean-Étienne Liotard. Sanguine, craie noire, graphite, aquarelle et pastel sur papier ; 32 × 25,5 cm. Musée d’Art et d’Histoire, Genève. De récentes recherches suggèrent toutefois que ce portrait pourrait en réalité représenter sa sœur Maria Carolina, alors âgée d’environ dix ans, future reine de Naples et de Sicile. (Domaine public)

Archiduchesse Maria Carolina d’Autriche, future reine de Naples et de Sicile, âgée d’environ 10 ans, 1762, par Jean-Étienne Liotard. Sanguine, craie noire, graphite, aquarelle et pastel sur papier ; 64 × 54,3 cm. Musée d’Art et d’Histoire, Genève. Selon les experts, ce portrait pourrait toutefois être celui de sa sœur Marie-Antoinette, alors âgée d’environ 7 ans, future reine de France. (Domaine public)

Effectivement, Catriona Seth identifia la « véritable » Marie-Antoinette dans un autre dessin de Liotard montrant Maria Carolina tenant une rose. Elle confirma également que les boucles d’oreilles représentées correspondaient à une paire portée plus tard par la reine de France.

Le délicat portrait de Marie-Antoinette par Liotard ne laisse rien présager des tumultes qui l’attendaient sur le trône de France : la jeune archiduchesse autrichienne, posée et sereine, tient une rose contre sa poitrine et détourne légèrement le regard. Ce détail renforça l’attribution, Marie-Antoinette apparaissant souvent avec une rose dans ses portraits.

Une commande impériale

L’impératrice Marie-Thérèse (1717–1780) commanda au portraitiste suisse Jean-Étienne Liotard (1702–1789) onze portraits de ses douze enfants en 1762.

Selon la Frick Collection, ces dessins constituent « un remarquable exemple de sa technique inhabituelle consistant à rehausser le verso des portraits de couleurs […]. Liotard adapta cette méthode de la miniature à ses dessins. Elle confère au modèle un relief saisissant et une présence presque vivante. »

Marie-Thérèse tenait tant à ces ressemblances qu’elle emportait ces portraits lors de tous ses voyages, affirmait Liotard lui-même.

La technologie au service de l’histoire de l’art

Le « nouveau » portrait de Marie-Antoinette fait désormais l’objet d’un vaste programme de recherche mené conjointement par l’équipe de Catriona Seth à l’Université d’Oxford et trois institutions suisses : le MAH, l’Institut de recherche Idiap et l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne.

Baptisé « INTERART », le projet mobilise biométrie, criminalistique, histoire de l’art et histoire culturelle pour attribuer les portraits en les comparant à des représentations historiquement établies. Le portrait de Liotard sera lui aussi soumis à ces analyses.

L’an prochain, ces travaux seront présentés lors d’une exposition d’automne au MAH, aux côtés des onze portraits impériaux autrichiens de Liotard. Pour le directeur du musée, Marc-Olivier Wahler, « bien que ces portraits aient été exposés de nombreuses fois en 250 ans, il sera particulièrement émouvant de voir Marie-Antoinette telle qu’elle était réellement, et non confondue avec sa sœur ! »

Lorraine Ferrier écrit sur les beaux-arts et l'artisanat pour Epoch Times. Elle s'intéresse aux artistes et aux artisans, principalement d'Amérique du Nord et d'Europe, qui imprègnent leurs œuvres de beauté et de valeurs traditionnelles. Elle accorde une attention particulière à l'art et à l'artisanat rares et méconnus, dans l'espoir que nous puissions préserver notre patrimoine artistique traditionnel. Elle vit et écrit dans la banlieue de Londres, en Angleterre.

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